Gestion des sociétés d’État au Bénin: la subordination aveugle est intolérable entre DG et ministres
(La loi qui désarme les tutelles avec des visées autoritaires)
Au Bénin, la gouvernance des sociétés et entreprises publiques ou encore d’organismes rattachés à des ministères est bien enchâssée dans un cadre juridique. Il s’agit en l’occurrence de la loi N° 2020 – 20 du 2 septembre 2020 portant création, organisation et fonctionnement des entreprises publiques en République du Bénin. Les dispositions de cette loi clarifient et définissent sans ambiguïté les rapports qui doivent régner entre les directeurs généraux nommés à la tête des entreprises publiques, les conseils d’administration et les ministères de compétence. La lecture croisée desdites dispositions fait écrouler d’un claquement de doigts les procès d’intention que certaines langues livrent aux directeurs généraux. Elle permet aussi de vite étouffer les velléités autoritaristes que certains ministres entendent exercer. Avoir des directeurs généraux de société d’État à ses pieds et les transformer en de simples commis manipulables relèvent désormais du rêve au regard des lois. Même des tiers qui souhaitent jouer un rôle de télécommande à travers des circuits parallèles sont confinés dans leur imagination. En effet, dans les entreprises publiques, il y a presque systématiquement un conseil d’administration, organe placé au-dessus des directions générales. Selon l’article 11 de la loi susvisée, les établissements publics et les sociétés d’État sont administrés par un conseil d’administration composé de trois (3) membres au moins et de sept (7) membres au plus, sous réserve de la dérogation prévue par l’Acte uniforme de l’Organisation pour I’harmonisation en Afrique du droit des affaires, en cas de fusion. La composition du Conseil d’administration comprend le représentant du ministère en charge du secteur d’activité de la société ; le représentant du ministère en charge de I’Economie et des Finances ; les représentants des autres ministères, organismes ou institutions retenus par les statuts. Par ailleurs, l’article 28 de la même loi dispose que les sociétés d’État sont dotées de la personnalité morale et de l’autonomie administrative et financière à compter de la date de leur immatriculation ou registre du commerce et du crédit mobilier.
Les établissements publics acquièrent la personnalité juridique et sont dotés de l’autonomie administrative et financière à compter de la date d’approbation de leurs statuts par le Conseil des ministres. Enfin, c’est l’article 49 de la loi sus visée qui remet les ministres de tutelle dans un rôle précis. Selon les termes de cet article, chaque entreprise publique est placée sous la tutelle du ministre sectoriel dont relève l’activité principale de l’entreprise. La tutelle exerce une supervision technique des activités de l’entreprise en s’assurant de la cohérence de sa stratégie avec les objectifs sectoriels. Elle facilite la mise en place de conventions d’objectifs entre l’État et l’entreprise concernée et supervise sa gestion, principalement à travers ses représentants au conseil d’administration. La tutelle n’empiète pas sur les rôles et attributions du Conseil d’administration et du Conseil des ministres fixés par la présente loi. Au regard de ces dispositions légales, il apparaît très clairement que les directeurs généraux des entreprises d’État ont comme principaux répondants leurs conseils d’administration. C’est au conseil d’administration qu’un directeur général de société publique doit des comptes. C’est aussi le Conseil d’administration qui fixe les orientations et évalue les performances de la stratégie de management du directeur général. Ainsi donc, un directeur général d’une entreprise publique ne peut être considéré comme un lèche-cul du ministre dont le pouvoir de tutelle est assez souple. Le devoir d’un directeur général est de suivre les règles administratives, l’orthodoxie financière et de prendre les décisions idoines conformément aux orientations du Conseil des ministres et du conseil d’administration pour atteindre les objectifs. Les recadrages ne peuvent intervenir qu’en cas d’échec des approches de gestion déployées par un directeur général. Mais espérer qu’un directeur général fasse la courbette tout le temps devant un ministre pour chercher à être dans ses grâces peut être contre-productif. La loi est claire. Les directeurs généraux ont une autonomie de gestion. Les tutelles jalouses de cette autonomie ne peuvent que prendre leur mal en patience et abandonner l’idée de soumission totale des directeurs généraux qui eux, sont en relation avec les conseils d’administration. Pour une réussite totale du Programme d’action du gouvernement, le Bénin n’a pas besoin d’une guerre inutile entre des ministres à la recherche d’une subordination aveugle et des directeurs généraux d’entreprises publiques. De toutes les façons, les directeurs généraux ont bien compris la leçon. Les rapports de subordination aveugle qui débouchent sur des instructions contraires aux règles ouvriraient les portes des prisons après des procès à la Cour de Répression des Infractions Économiques et du Terrorisme (Criet). La plupart du temps, la tutelle remet toute la charge sur ces directeurs généraux. Dans l’espace institutionnel, seules les règles ont force de loi. Quand un directeur se soumet aux règles, il n’est pas question de se cacher derrière un doigt pour incriminer la main des parrains qui jouent pour protéger les DG et leur donner une certaine assurance. Ministres et Directeurs généraux doivent rester dans leurs sphères et se contenter de leurs prérogatives.
R. H