Affaire « Carlos Adohouannon » : Voici la nature des fonds volés
• Le scénario des 4 milliards découpés et partagés
• Les auditions se poursuivent, la CRIET doit frapper fort
Depuis l’arrestation de l’ex-régisseur de la Direction générale des Impôts en cavale, de troublantes révélations sur la disparition des 4 milliards de francs Cfa fusent de part et d’autre. Les langues se délient. Le principal mis en cause chuchote des choses. Il sait qu’il ne sera pas le seul à tomber. Les enquêteurs fouillent et remuent le dossier dans tous les sens. En file indienne, plusieurs cadres et agents de la direction générale des impôts défilent dans les locaux de la Brigade économique et financière (Bef). De hauts cadres de l’administration fiscale sont aussi soumis à l’audition à la Cour de Répression des Infractions Économiques et du Terrorisme (Criet).
Depuis lundi, c’est la débandade. Nul ne sait quand et où il sera emporté dans les flots de cette nébuleuse affaire de disparition mystérieuse de 4 milliards de francs Cfa logés dans le caveau du régisseur extradé depuis le Sénégal vers le Bénin où il séjourne depuis en prison à Missérété. Après les premières auditions, des sources proches de l’enquête ont fait savoir que des réseaux de complicité auraient été identifiés. Les enquêteurs avaient aussi exigé des cadres de la Dgi, la liste de leurs biens acquis ou réalisés ainsi que la source de financement. Passée cette étape, c’est un nouvel épisode qui s’est ouvert.
La nature des fonds
Désormais, il est bien possible de retracer la nature des 4 milliards de francs Cfa disparus du caveau du régisseur. Des sources proches de l’enquête laissent entendre que les fonds disparus sont ceux destinés aux syndicats de la Direction générale des impôts à savoir le SyntriB et le SynaiB. Ces fonds sont évalués à 1 milliard 500 millions de francs Cfa. Il s’agit d’un prélèvement effectué pour les syndicats sur salaire des agents syndiqués. Ce prélèvement est une obligation, font savoir nos sources. Des recoupements effectués çà et là renseignent que la présence des 1 milliard 500 millions F Cfa dans le caveau du régisseur est liée à la mésentente qui règne entre les deux syndicats qui visiblement ne s’entendent pas sur le mode de dispatching. Ensuite, font savoir nos sources, il y avait aussi dans le caveau du régisseur des Frais de Solidarité et d’équipements (Fse). Ces fonds sont évalués à 3 milliards de francs Cfa.
Habituellement, le caveau d’un régisseur sert de caisse-garde à d’autres fonds aussi. Il y avait donc également les redevances évaluées à 5 milliards de francs Cfa et les frais de pénalités estimés à 16 milliards de francs Cfa. Ces pénalités sont placées sous forme de primes à payer aux agents des Impôts. En réalité, après les pénalités prélevées sur les recouvrements auprès des citoyens ou contribuables indélicats, une partie des fonds est destinée au trésor et l’autre partie revient aux agents de la Dgi qui ont conduit l’opération. Ces agents des impôts se partagent normalement les fonds. En terme clair, les pénalités sont les 50% payés par les contribuables qui reviennent aux agents des Impôts sous forme de prime et partagées périodiquement selon un quota. Les sources proches du dossier indiquent que la conservation des 16 milliards de francs Cfa dans le caveau viole les dispositions en termes d’orthodoxie financière. Car, il existe un compte spécial aux services de l’épargne du trésor public destiné à recevoir ces fonds. Pourquoi ces fonds étaient-ils logés dans le caveau du régisseur Carlos Adohouannon ? La question se pose encore.
Des décaissements arbitraires
Des sources proches de l’enquête révèlent qu’après la disparition des 4 milliards F Cfa et la cavale du régisseur Carlos Adohouannon, un huissier a été commis pour vérifier le contenu du caveau. Des documents, des preuves de décaissements de fonds (dépôts et sorties) et une somme d’environ 20 millions de francs Cfa ont été découverts dans le caveau. Il s’agit, expliquent nos sources, de vieux billets froissés et déchirés. D’autres sources proches de l’enquête font savoir qu’il y a des traces de multiples décaissements de fonds du caveau du régisseur au profit d’un responsable et cadre supérieur de la direction. Les confidences faites sous anonymat révèlent que le régisseur Carlos Adohouannon aurait remis à ce responsable et cadre de la DGID, successivement 500 millions F Cfa, 1 milliard F Cfa (à deux reprises) et 800 millions F Cfa sans aucune décharge et sans aucune explication. Les fonds ainsi extraits n’auraient jamais été reversés dans le caveau. Ces constats auraient été faits par les agents enquêteurs qui ont été commis pour vérifier le caveau après la disparition du régisseur Carlos Adohouannon.
La Criet doit sévir
Des informations aussi graves renforcent les soupçons au sujet de l’existence d’un réseau de complicité à l’intérieur de la direction générale des impôts. Tout porte à croire que le régisseur Carlos Adohouannon n’a pas agi tout seul dans cette affaire de disparition mystérieuse de 4 milliards de francs Cfa. Depuis son incarcération, le régisseur Carlos Adohouannon reste et demeure le seul agent de la Dgi à être placé sous mandat de dépôt. L’enquête préliminaire qui est en cours fait ressortir de troublantes révélations. C’est une nébuleuse qui, sans doute, implique plusieurs acteurs. Après la mise en détention de Blaise Salanon, la Criet se doit de bien établir les connexions entre les agents de la Dgi et la disparition mystérieuse des fonds du caveau. En liberté depuis lors, ces agents sur qui pèsent de lourds soupçons de complicités peuvent faire obstruction à l’enquête en cours. Le Procureur Spécial près la Criet, Gilbert Togbonon, a, avec ce dossier, une nouvelle occasion de sanctionner les agents indélicats qui se sont ‘’amusés’’ avec les fonds publics. Il agit aussi pour la Criet d’éviter le piège de la complaisance pour définitivement faire taire ceux qui disent qu’elle est une juridiction spéciale de règlement de comptes politiques aux opposants. La Criet est donc attendue par les Béninois pour travailler à l’émergence de la vérité, mais surtout pour appliquer les lourdes sanctions au groupe « d’agents voleurs » qui, au lieu de servir la nation, a préféré dilapider les sous.
À suivre…