Assemblée nationale : Ce qu’il faut retenir du rapport de la CBDH présenté aux députés

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PRÉSENTATION DU RAPPORT ANNUEL 2019 SUR L’ÉTAT DES DROITS DE L’HOMME AU BÉNIN

Palais des Gouverneurs,
Porto Novo le 21 octobre 2020

INTRODUCTION

Excellence Mr le Président de l’Assemblée Nationale
Madame et Monsieur les Vice-Présidents de l’Assemblée Nationale
Mesdames et Messieurs les Honorables Députés à L’Assemblée Nationale

Le 21 octobre 1986, la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples est entrée en vigueur. Elle constitue la base du système africain des droits de l’homme, et porte les aspirations profondes et légitimes des peuples africains. Elle pose la fondation d’un système pertinent et cohérent de promotion et de protection des droits fondamentaux de la personne humaine dans tous les Etats africains, membres de l’Union Africaine. Le 21 octobre de chaque année est une occasion pour rappeler à la communauté africaine les objectifs et la finalité de la charte africaine des droits de l’homme et des peuples. Il s’agit de repréciser les engagements des Etats africains pour l’épanouissement et le bien-être des peuples africains et ceci dans la dignité.

C’est dans cet esprit que s’inscrivent les trois premières Résolutions adoptées par la Commission Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples lors de sa 5e Session Ordinaire tenue du 3 au 14 avril 1989 à Bengazi en Lybie. Instituée par la charte Africaine en son article 30, la Commission Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples en tant que mécanisme non juridictionnel continental a un double mandat, celui de promouvoir les droits de l’homme et des Peuples et d’en assurer leur protection en Afrique.

Ces résolutions sont :

1. CADHP/Rés.1(V) 89: Résolution sur la Célébration d’une Journée Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples

2. CADHP/Rés.2(V) 89 Résolution sur la Création du Comité des Droits de l’Homme ou d’autres Organismes similaires à l’échelon National, Régional ou Sous-Régional

3. CADHP/Rés.3(V) 89 Résolution sur l’Intégration des Dispositions de la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples dans le Droit National des Etats.

En trois décennies, notre pays la République du Bénin entre 1989 et 2019 a effectivement mis en œuvre les deux (2) dernières résolutions sus citées en adoptant des lois :

???? D’une part la Loi 89-004 du 12 mai 1989 portant Institution de la Commission béninoise des droits de l’Homme abrogée par la Loi 2012-36 du 15 février 2013 portant création de la Commission béninoise des droits de l’Homme.

???? D’autre part la Loi No 2019-40 du 07 novembre 2019 portant révision de la Loi 90-32 du 11 décembre 1990 portant constitution de la République du Bénin.

Monsieur le Président de l’Assemblée Nationale,
Madame et Monsieur les vices présidents de l’Assemblée Nationale,
Mesdames et Messieurs les Honorables députés à l’Assemblée Nationale,

En accédant à la demande de la Commission Béninoise des Droits de l’Homme de marquer ce 34ème anniversaire de l’entrée en vigueur de la Charte africaine ce 21 octobre 2020, Charte qui fait partie intégrante de notre Constitution dont le TITRE II : DES DROITS ET DES DEVOIRS DE LA PERSONNE HUMAINE, Article 7 précise je cite « Les droits et des devoirs proclamés et garantis par la Charte Africaine des droits de l’Homme et des Peuples adoptée en 1981 par l’Organisation de l’ Unité Africaine et ratifiée par le Bénin le 20 janvier 1986 font partie intégrante de la présente constitution et du Droit béninois ».,

Banniere carrée

Vous venez ainsi, Mr le Président de l’Assemblée Nationale de mettre en œuvre au plus haut niveau la première résolution de la Commission Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples, ce qui témoigne de votre profond attachement à la culture des droits de l’homme et à l’impérieuse nécessité de les protéger afin de mettre fin à toute forme de violations qui porteraient atteinte à la jouissance des droits fondamentaux de la personne humaine,.

Protéger les droits de l’Homme…C’est l’une des missions essentielles confiée par le législateur que vous êtes à la Commission que j’ai l’honneur de présider depuis le 3 janvier 2019 et qui aux termes de l’article 1er alinéa 2 de la loi 2012-36 du 15 février 2013, est une institution nationale indépendante chargée des droits de l’homme. Elle n’est assujettie à aucune autorité publique et exerce ses fonctions sans aucune ingérence.

Le mandat de la Commission précisée à l’article 4 de la loi précitée lui confère 18 attributions réparties entre la protection des droits, la promotion des droits et le Conseil aux pouvoirs publics sur toutes questions touchant aux droits de la personne humaine et ceci sur l’étendue du territoire de la République du Bénin.

Parmi les Onze (11) personnalités qui ont prêté serment devant la Cour constitutionnelle et qui siègent au sein de la commission béninoise des droits de l’Homme, deux (02) sont des parlementaires. Cela est une particularité car dans le réseau africain des droits de l’homme, aucune autre Institution nationale des droits de l’homme ne comporte en son sein des parlementaires.

Cela doit être une fierté pour nous car elle est une unique opportunité pour la commission béninoise d’établir une passerelle de dialogue permanent avec les représentants du peuple qui non seulement ont l’initiative des lois, mais également la prérogative de contrôle de l’action gouvernementale proprement dit ( les questions au gouvernement, les missions d’information, les commission d’enquête parlementaire) et surtout l’obligation de rendre compte aux mandats c’est-à-dire les électeurs dont le plus souvent les droits sont violés.

Importance du Reporting par les INDH au niveau National

L’observation Générale 1.11, adoptée par l’Alliance Mondiale des INDH (GANHRI)le 21 février 2018 à Genève est l’un des textes essentiels qui guide les actions de toute INDH, car, il vient préciser les exigences essentielles des Principes de Paris énoncés par la résolution 48/134 des Nations Unies quant à la présentation devant le parlement du rapport sur l’état des droits de l’Homme dans un Etat membre de L’ONU, dans le cas présent notre pays le Bénin.

Du 3 janvier 2019 au 3 janvier 2020, période considérée par le présent rapport, la situation des droits de l’Homme en République du Bénin a fait l’objet d’un suivi soutenu de la part de la Commission.

Ce suivi encore appelé monitoring de la situation des droits de l’Homme est une des fonctions principales dévolues aux Institutions Nationales des Droits de l’Homme en général dont La Commission Béninoise des Droits de l’Homme.

Il s’inscrit dans le cadre de la mission de protection des droits de l’Homme de La Commission afin de lui permettre de collecter des informations réelles relatives aux cas de violations et atteintes des droits de l’Homme commises sur le territoire national.

Les résultats de ce monitoring permettent à La Commission Béninoise des Droits de l’Homme de mieux s’acquitter de son rôle de conseiller auprès des autres Institutions de la République pour la prise des mesures correctives « immédiates » ou « progressives » qui s’imposent.

Il convient de préciser que les informations contenues dans ce rapport sont tirées, d’une part, des enquêtes circonstanciées de La Commission, du rapport de traitement des différentes plaintes déposées à La Commission, des visites des centres de détention ainsi que des rapports des sous-commissions spécialisées de La Commission et, d’autre part, de celles recueillies auprès des Institutions et autres services étatiques compétents (documents administratifs et rapports spéciaux) ainsi que d’autres sources, notamment, des rapports de certaines ONGs nationales à savoir : le rapport alternatif du suivi de la mise en œuvre de l’agenda 2030 au Bénin, édition 2019 des Nations Unies et le rapport relatif aux recommandations et observations finales adressées à la République du Bénin lors de son troisième passage à l’Examen Périodique Universel à la 28ème session du Conseil des droits de l’Homme.

RÉSUME EXÉCUTIF

La Commission Béninoise des Droits de l’Homme a noté, au cours de l’exercice de la première année de son mandat, que la République du Bénin a réaffirmé son attachement aux droits de l’Homme considérés comme le fondement d’un État de droit, en poursuivant ses efforts dans la mise en œuvre des recommandations qui lui ont été faites lors de la présentation, le 10 novembre 2017 à Genève, de son troisième rapport national sur l’Examen Périodique Universel (EPU) à l’occasion de la vingt-huitième (28ème) session du Groupe de Travail sur l’EPU ainsi que dans son engagement pour l’atteinte des Objectifs du Développement Durable (ODD) pour 2030, tels que contextualisés par la République du Bénin. En effet, le Bénin a renforcé son cadre législatif et juridique relatif aux droits de l’Homme par l’adoption et l’entrée en vigueur de certaines lois mais aussi par la ratification de plusieurs instruments internationaux. Il s’agit de :
• l’adoption de la loi n° 2018-16 du 28 décembre 2018 portant code pénal en République du Bénin qui définit la torture ;
• la commutation de la peine de mort des quatorze (14) derniers condamnés à mort en peine de réclusion criminelle à perpétuité par décret N°2018-043 du 15 février 2018 ;
• la poursuite des réformes en vue d’améliorer les conditions de détention dans les prisons civiles et maisons d’arrêt ;
• l’identification des détenus en situation irrégulière et la mise en œuvre progressive d’une feuille de route pour le désengorgement des prisons civiles et maisons d’arrêt en vue de faire respecter la durée maximale de la détention provisoire ;
• la mise en œuvre de plusieurs campagnes de sensibilisation sur le mariage forcé des enfants, les Violences Basées sur le Genre (VGB) ;
• la ratification de la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées ;
• la ratification du protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant établissant une procédure de présentation de communications.
Par ailleurs, La Commission a noté également le renforcement des cadres institutionnel et programmatique en matière des droits de l’Homme dont, entre autres :
• la mise en place de La Commission Béninoise des Droits de l’Homme ;
• la création du ministère de l’eau pour améliorer l’accès des populations les plus vulnérables à l’eau potable ;
• la poursuite du programme de microcrédit destiné aux plus pauvres ;
• la poursuite du programme national de protection sociale ;
• la mise en œuvre du Programme d’alimentation scolaire du Gouvernement à travers le maintien des cantines scolaires et allocations des ressources additionnelles pour leur fonctionnement.
En outre, La Commission a accueilli avec satisfaction la promulgation de la loi n°201939 du 07 novembre 2019 portant amnistie des faits criminels, délictuels et contraventionnels commis lors des élections législatives d’avril 2019 ; ce qui a permis la libération de plus d’une centaine de personnes arrêtées dans le cadre desdites élections.
Cependant, La Commission note que malgré ces signaux positifs, l’existence d’un arsenal juridique important, de nombreux mécanismes de protection ainsi que les progrès réalisés, la situation des droits de l’Homme reste à améliorer. Des violations de ces droits dans toutes leurs catégories persistent et pour certains, elles se sont même amplifiées au cours du processus électoral des législatives d’avril 2019. Cela, à cause de l’ineffectivité et les difficultés d’application et de mise en œuvre de certaines mesures législatives et règlementaires ainsi que le non-respect des obligations du Bénin en matière des droits humains.
Ces violations et atteintes aux droits de l’Homme ont été constatées par La Commission au cours de la période de référence et sont répertoriées dans le présent rapport.

EN CE QUI CONCERNE LES DROITS CIVILS ET POLITIQUES
ON NOTE :
• la violation du droit à la vie par des pertes en vies humaines enregistrées lors de la répression des manifestations de Kilibo (Commune de Ouessè), de Cadjèhoun (Commune de Cotonou) et de Kandi (Commune de Kandi) liées au processus électoral des législatives du 28 avril 2019 ;
• la violation du droit à l’intégrité physique lors de la répression des manifestations des évènements de Kilibo où La Commission a enregistré des blessés graves du côté des Forces de défense et de sécurité ;
• la violation de la liberté d’expression à travers l’interdiction des manifestations publiques et la répression de ces manifestations non autorisées par l’usage disproportionné de la force par les Forces de défense et de sécurité au cours du processus électoral des législatives du 28 avril 2019 ;
• des irrégularités en matière de justice telles que des arrestations arbitraires et détentions illégales malgré les décisions des juridictions, des délais des procédures excessivement longs et des difficultés d’exécution de certaines décisions de justice qui sont en partie à la base de la surpopulation carcérale (liée à l’espace); des mauvaises conditions carcérales observées dans les prisons civiles et maisons d’arrêt du Bénin, la violation du droit à un procès équitable
• la violation du droit d’accès à l’information et de pouvoir communiquer librement par la coupure du signal d’internet et de communication vers l’extérieur lors des législatives du 28 avril 2019 ;
l’entrave à la liberté de la presse par le brouillage et la perturbation de la Radio privée Soleil F.M. régulièrement autorisée par la Haute Autorité de l’Audiovisuel et de la Communication et la non-exécution de l’arrêt de la Cour d’Appel de Cotonou n° 051/CM/2019 du 16 Mai 2019 levant la mesure d’interdiction de parution du quotidien béninois d’information et d’analyse « La nouvelle tribune » jusqu’à nouvel ordre pour propos injurieux, outrageants et attentatoires à la vie privée du Chef de l’Etat :
• la violation du droit de ne pas être soumis à la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants dénoncée par certaines victimes devant La Commission.

S’AGISSANT DES DROITS ECONOMIQUES, SOCIAUX ET CULTURELS :
Les violations de ces droits se traduisent, entre autres, par :
• la violation du droit à la santé constatée par
– l’absence d’un hôpital de référence ;
– l’absence de centre de santé dans certaines zones du pays et les difficultés d’accès aux soins par une catégorie de la population à cause de leur situation géographique ;
– l’insuffisance des ressources matérielles et financières allouées par l’État au secteur de la santé qui n’atteignent pas le minimum requis par l’Organisation Mondiale de la Santé ;
– l’absence d’assurance maladie pour tous les Béninois (es).
• la violation du droit à l’éducation par une insuffisance des infrastructures scolaires, du personnel qualifié ainsi que du budget affecté au secteur de l’éducation qui reste encore inférieur aux 20% qui constituent la norme définie pour les pays en développement ;
• la violation du droit à l’eau potable qui se traduit par la difficulté d’accès à l’eau dans certaines zones du pays ;
• l’insuffisance en fourniture d’énergie électrique à la grande majorité de la population, plus accentuée en milieu rural qu’en milieu urbain, en violation de ce droit spécifique (droit d’accès à l’énergie) et la dépendance énergétique vis-à-vis de l’extérieur ;
• le délabrement très avancé de certains axes routiers lié à l’insuffisance d’entretien, à la qualité des routes ainsi qu’à une faiblesse dans la règlementation d’usage par les transporteurs.
S’AGISSANT DES DROITS CATEGORIELS :
Les violations de ces droits se manifestent notamment par :
• la persistance des atteintes aux droits de la femme, liées aux pesanteurs socioculturelles et aux violences de tout genre sur la femme ;
– la violation du droit à la non-discrimination traduite par l’absence de parité et la faible participation des femmes aux instances de décisions nationales, de la base jusqu’au sommet
– la persistance de la pratique des Mutilations Génitales Féminines (MGF) par certaines tribus ;
– le non-respect du Code des Personnes et de la Famille (CPF) en matière de mariage ou d’union.
• les violations et atteintes aux droits de l’enfant par :
– la persistance de l’infanticide rituel des enfants considérés comme étant des puissances surnaturelles, le phénomène de l’enfant sorcier dont le droit à la vie est violé au motif de préservation de la paix et de la quiétude de la communauté fondée sur la superstition que ces bébés apportent le malheur, selon les personnes consultées.
– l’exploitation économique des enfants par le travail des enfants ;
– le mariage précoce des filles n’ayant pas encore atteint la majorité ;
– la violence domestique sur des enfants par les personnes dont elles sont sous l’autorité ;
– l’implication des enfants dans le cadre de la campagne électorale en vue des élections législatives du 28 avril 2019 ;
– l’exploitation sexuelle et les violences sexuelles à l’égard des enfants. Selon les statistiques en date du 10 septembre 2019 reçues de l’Association des Femmes Avocates du Bénin (AFAB), de 2013 à juillet 2019, mille deux cent vingt (1220) enfants victimes de violences dont, mille trente-huit (1038) filles et cent quatre-vingt-deux (182) garçons ont été défendus ;
– l’insuffisance de la prise en charge au plan de l’assistance juridique et judiciaire, au plan sanitaire et de suivi des enfants mineurs victimes de violences.
• en ce qui concerne les droits des personnes en situation de handicap et autres personnes vulnérables, tout en saluant la promulgation le 29 septembre 2017, par le Président de la République, de la loi N°2017-06 portant protection et promotion des droits des personnes handicapées en République du Bénin, on note : la violation du droit des Personnes en Situation de Handicap notamment l’accès à l’emploi, le non aménagement d’accès pour faciliter leur mobilité.

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