Marché des médias au Bénin: des journaux « fantômes » escroquent, une concurrence déloyale s’installe
(Certains chargés de communication sont bien conscients de la situation, mais s’y plaisent au nom des rétrocommissions)
Elle voltige sous les coups de boutoir répétés des acteurs en rupture avec les règles élémentaires de la profession. La presse béninoise puisque c’est d’elle qu’il s’agit est à la croisée des chemins. Déjà soumise à une folle critique dans les rangs de ses consommateurs sur la qualité des contenus rédactionnels proposés, et exposée à une perte de crédibilité sur le rôle même de »vigie » dans le couloir des pouvoirs institutionnels, la presse au Bénin vit aussi avec ses « poisons internes ». Il s’agit d’une catégorie d’acteurs, de supposés promoteurs d’organes de presse qui délibérément ont décidé de pousser, chaque jour un peu plus, la presse vers la tombe.
La pratique répréhensible dans laquelle ils excellent est liée aux coûts de prestations. Un organe de presse est une entreprise mue, au-delà de sa mission première qui est d’informer, par la recherche de capitaux nécessaires pour sa survie. Il se crée dès ce moment, un marché régit naturellement par le principe de la libre concurrence et sur lequel les organes de presse, notamment ceux relevant de la presse écrite cherchent à capter la rente financière sur des contrats publicitaires et autres prestations demandées. Mais, les promoteurs des »journaux fantômes » qui ne méconnaissent pas la règlementation en vigueur usent de stratagèmes malicieux pour imposer un monopole quasi absolu sur le marché des médias. Les journaux fantômes désignent l’ensemble des journaux qui paraissent sporadiquement, et dont les »Unes » ne sont disponibles que sur les réseaux sociaux (WhatsApp essentiellement) avec de tirages physiques se limitant au plus à cinq (5) exemplaires. C’est justement ces organes de presse ou ces journaux fantômes qui s’adonnent au tirage numérique ; lequel tirage coûte mille (1000) francs CFA. Ce sont encore ces mêmes journaux fantômes qui livrent une concurrence déloyale aux autres organes de presse sérieux qui font l’effort de faire des tirages à l’imprimerie et de paraître régulièrement. Cette concurrence déloyale est entretenue par les sociétés et offices et certaines entreprises privées avec qui les journaux fantômes ont des partenariats. Malgré le statut de journaux fantômes tel que décrit plus haut, certaines sociétés et offices d’État signent régulièrement des contrats de partenariat avec ces organes de presse. À l’évidence, ce type de partenariat est une escroquerie déguisée. Pour juste honorer les engagements contractuels, les journaux fantômes, qui d’ailleurs sont sans contenus dignes du nom, impriment deux (2) ou cinq (5) exemplaires très souvent en quadrichromie pas à l’imprimerie, mais à partir des imprimantes A3 couleur spécialisées pour la cause. Ensuite, ils s’arrangent pour remettre les exemplaires physiques imprimés à leurs partenaires que sont les sociétés et offices d’État. Mais dans les kiosques, aucune trace de ces journaux. Les consommateurs et dont le public auquel les informations sont destinées cherchent en vain à se procurer le Journal sans savoir qu’il s’agit d’une peine perdue. En réalité, le public ne saura rien du contenu de ces journaux. Dans les kiosques de vente des journaux, il n’y a aucune magie à faire pour acheter ces journaux. C’est d’ailleurs ce fait qui justifie encore plus appellation »journaux fantômes ». Finalement donc, seuls les promoteurs de ces journaux fantômes et leurs partenaires institutionnels (sociétés et offices d’État) sont en possession des parutions et peuvent dire exactement le contenu qui y est proposé. Le reste, la Une est partagé à temps et à contretemps sur les réseaux. Au bout du compte, l’objectif de la communication voulue par ces sociétés et offices d’État n’est pas atteint. Il n’en pouvait en être autrement lorsqu’on contracte délibérément avec des pseudo organes de presse, des journaux fantômes et qui n’ont même pas de siège pour certains. Le comble, certains chargés de communication de certaines sociétés privées comme publiques sont bien conscients de la situation, mais se plaisent dedans au nom des rétrocommissions. Ils préfèrent signer des contrats avec des journaux fantômes et être sûrs d’avoir des rétrocommissions mirobolantes. Le reste, que l’objectif soit atteint ou pas, ou bien même que les organes soient en règle ou pas, on s’en fou. L’argent public est ainsi dilapidé pour des fins incertaines. Une société qui veut vendre son image ou un produit et qui contracte avec un organe qui paraît juste pour la société ne pourra jamais atteindre ses objectifs. C’est un véritable manque à gagner. C’est un paradoxe incompréhensible qui ressemble bien à une escroquerie qui gangrène la presse écrite béninoise. En attendant que la Haute autorité de l’audiovisuel et de la communication (Haac) ne réfléchisse pour trouver une solution, les entreprises publiques et privées doivent pouvoir prendre le chemin de la raison et éviter d’être complices de cette escroquerie qui ruine l’émancipation économique des médias béninois. Un minimum de précaution s’impose quand on décide de signer un contrat avec un organe de presse. Les sociétés peuvent faire des tours dans les kiosques de vente pour s’assurer de la disponibilité effective des journaux. Mais si les contrats continuent d’être signés avec les journaux fantômes qui tombent dans l’escroquerie et dans la concurrence déloyale, la complicité des entreprises peut être établie. Principe sacro-saint du code de déontologie et de l’éthique dans la presse, la confraternité n’est nullement froissée dans le présent article. Il s’agit, au contraire d’un fait réel qui ronge les médias et qui, si rien n’est fait, va précipiter dans l’abîme les médias engagés au service de la communauté. Car la concurrence déloyale nourrie par les journaux fantômes a provoqué une chute des tarifs des prestations sur le marché des médias. Or, on le sait tous, une entreprise de presse sans base financière raisonnable ne peut survivre et assumer sa mission. Le péril est aux portes de la presse au Bénin et les organisations faîtières sont attendues au carrefour de l’histoire.
Rose .H
Merci pour ce article de dénonciation. Trop c’est trop.