Tribune : le néo-colonialisme, la maladie infantile de la France-Afrique

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L’ébullition récente en Afrique francophone  et la montée en puissance d’un sentiment dit anti-français dans cette partie de l’Afrique francophone ne sont que la résultante de la persistance des rapports de domination, voire de sujétion que la « Grande » France s’évertue à imposer à ses (anciennes ?) colonies.  À Paris, plus de 60 ans après les pseudo indépendances, on continue de penser et à œuvrer comme dans «La  fabrique de Barbouze » de Jacques Foccart. 
 Pour mieux planter le décor, il faudrait que les opinions publiques africaines comprennent que les choix politiques et stratégiques  hasardeux  des dirigeants politiques français  n’emportent en rien le consentement de la plupart des Français qui adhèrent aux idéaux portés au fronton de la République Marianienne.  Les Français en sont à porter le fer contre le Covid-19 et l’érosion continue de leur pouvoir d’achat.  La plupart des Français n’approuvent pas nécessairement les orientations parfois irrationnelles de leurs dirigeants sur l’Afrique francophone.  Nombre de Français qui connaissent bien l’Afrique et nombre  d’Africains, vivent en symbiose de véritables histoires d’amitié, de solidarité voire de fraternité  séculaire et sincère.  Certes, des plaies persistent, mais les peuples savent transcender certaines séquences malheureuses de leur histoire pour construire un avenir dépouillé de suspicions et de condescendance.  Les relations entre l’Afrique francophone et la France ont pris ces dernières années des tournures regrettables, nauséeuses, empreintes de paternalisme non dissimulé. 

Lorsqu’on entend, le chef de l’État français, décerner des certificats de bon 3e mandat et de mauvais 3e mandat à certains chefs d’État dans son précarré, cela laisse à réfléchir aux Africains non embastillés. Lorsqu’un chef d’État français en arrive à adouber et accompagner une succession dynastique en Afrique, il y a de quoi s’inquiéter sur l’enracinement de la Démocratie en Afrique. Lorsqu’on entend le chef de l’État français se gargariser d’avoir fait pression sur un chef d’État d’Afrique centrale pour la libération d’opposants et promoteurs de la mal gouvernance, on est en droit de se poser la question sur la souveraineté réelle de l’Afrique francophone. Certes, les traitements souvent réservés à certains opposants par quelques dirigeants en Afrique sont indignes et infamants dans des « démocraties » dites modernes. Seulement, la douce France des dirigeants politiques sait bien s’accommoder de ces traitements odieux, selon la docilité et la reptation des responsables de ces États. On peut condamner aisément à vie des dirigeants, leur imposer des emprisonnements injustes au bout de procès liquidés en quelques jours avec des preuves fallacieuses, voire inexistantes, sans que cela n’émeuve outre mesure la France officielle.

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Mais cette France officielle, où la séparation des pouvoirs connaît parfois quelques entorses au plus haut niveau, déclare avoir fait pression officiellement sur les autorités du Bénin pour obtenir la révision d’un procès conduit par une juridiction d’un État souverain. Sur le fond de l’affaire, nous n’avons aucun avis à émettre sur la justesse ou non des peines infligées. D’ailleurs, les Béninois souhaitent toujours en savoir un peu plus. Cependant, ceci est une affaire bénino-béninoise, voire un déficit de communication ouvrant la voie aux affabulations les plus abjectes sur les réseaux sociaux, seulement voilà, on ne commente pas une décision de justice, nous a-t-on appris. La prise de position française intervient quelques semaines après celle des États-Unis d’Amérique qui soulignait un certain recul de la Démocratie au Benin. Comme si les événements du 6 janvier 2021 ne viennent pas rappeler au pays de Lincoln, la fragilité de toutes les Démocraties, fussent-elles, les plus vieilles. Et le noble combat mené en ce moment par le président Joe Biden pour faire recouvrer les droits de vote de certaines minorités aux États-Unis prouve à suffisance qu’aucune démocratie n’est vraiment parfaite à l’infini !

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En réalité, toutes ces gesticulations de pseudo-puissances démocratiques cachent mal l’incurie de certaines élites et officines, préparatrices de fiches et d’éléments de langage à des dirigeants peu soucieux de s’approprier l’Histoire des peuples d’Afrique ou d’ailleurs. Ils préfèrent plutôt montrer les muscles !

 Pour le cas du Bénin, nous avons été plutôt affligé  dans notre dignité de citoyen de ce pays, d’entendre l’injonction du diplomate Europe/France-Afrique plus tôt aux dirigeants du Bénin de faire réviser une décision de justice.  Un peu de respect et moins de condescendance, s’il vous plait M. Le Drian !  La diplomatie-spectacle à laquelle vous vous adonnez ne saurait masquer vos compromissions avec  des dirigeants les plus décriés par leurs peuples en Afrique.
 Pour ce qui est du Bénin, et à titre d’information, sachez que l’un des mis en cause, a été dans un passé récent le président de la commission chargée de la révision de la Constitution du Bénin mis en place par le président Patrice Talon.  L’Égérie de ‘’Touche pas à ma constitution’’ candidate d’un parti dont on ne lui connaissait pas  d’affiliation antérieure, a occupé différents postes ministériels sous le prédécesseur et ex-ami du président Talon :  Thomas Boni Yayi.  Enfin, le plus haut responsable des services de sécurité du Bénin sous la présidence du Général Kérékou vient de purger sa peine d’emprisonnement, pourtant  nul n’invoque un procès politique. 
 Que des personnes de mauvaise foi, des médias de service sans fond politique consistant, parviennent à hisser au firmament comme icônes de la politique  au Bénin de parfaits anonymes  naguère relève  simplement de l’incurie.  Que de pseudo-démocrates ou des juristes en arrivent à contourner le canevas légal  convenu pour l’expression des suffrages et  perturber le fonctionnement régulier des institutions, on évoque le procès politique !!!  Les parrainages n’existent-ils pas en France ? M. Jean-Luc Mélenchon ou Madame Marine Le Pen, peuvent-ils publiquement invoquer la corruption des députés pour obtenir les parrainages ?  Avec son expertise, la France n’aurait-elle pas mieux fait à vulgariser la pratique du parrainage auprès des élus et aider à créer un environnement électoral moins tendu ?

Quant aux Béninois, je voudrais leur rappeler qu’il y a 45 ans : le 16 janvier 1977, des mercenaires recrutés et payés par des États africains et couverts par les services français ont lancé une attaque armée contre le régime d’alors. J’ai suivi sur un média français, un expert établir un lien entre une certaine flexibilité des autorités du Bénin dans l’affaire susmentionnée avec les attaques terroristes contre le pays. On peut trouver cette sortie inappropriée. Sauf que comme le suggère le dicton « Il n’y a pas de fumée, sans feu ». De nos jours, on a plus besoin de recruter et faire débarquer des mercenaires pour tenter de déstabiliser, tous les moyens sont bons : de simples chantages aux luttes d’influence, en passant par l’utilisation des forces du mal que l’on prétend vous aider à combattre. Attention donc, la vigilance doit rester de mise. Le Bénin reste le Bénin, aucun coassement d’un infâme amphibien, ne peut troubler le sommeil des enfants de Bio Guerra, de Guézo et de Béhanzin. Retour à vos humanités d’Histoire du Bénin, s’il vous plait ! Il pourrait plaire au président de la République d’user de ses prérogatives constitutionnelles pour rendre leur liberté aux personnes en détention. Mais pas sous les oukases hasardeux, irrespectueux et peu diplomatiques du Sieur Le Drian sur certaines autorités africaines. Les générations post-indépendances africaines n’acceptent plus que leurs pays soient traités comme des sous-préfectures françaises. Il faudrait que la France officielle en tienne compte et actualise son logiciel.

Sylvain F. Semilinko
Journaliste

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