???? Reprise du concours de recrutement aux fonctions techniques dans les mairies: Ça sent toujours mauvais sur la liste des candidats
• Les fonds publics en danger, la réforme sous risque
• Pascal Sonou et Saturnin Gnambakpo, deux cas illustratifs des candidats souillés
• L’effort de transparence du gouvernement salutaire, un tamis s’impose encore
Sortir les collectivités territoriales de l’errancepour leur donner une chance de suivre la dynamique de développement engagée au plan national depuis avril 2016. C’est le but poursuivi par le Président de la République, Patrice Talon, qui a conduit avec ses collaborateurs, la réforme structurelle du secteur de la décentralisation. À terme, les fonctions techniques seront séparées des fonctions politiques avec une refondation du modèle de recrutement des cadres désireux d’occuper les postes de Secrétaire exécutif (Se), ordonnateur du budget communal et autres postes sur la chaîne de la commande publique au sein des communes.
Mais la première tentative de constitution du fichier national des cadres éligibles à ces fonctions techniques a fait flop en raison de la légèreté des membres du comité d’organisation du concours de recrutement. Dans les rangs des 1002 candidats présélectionnés et soumis aux épreuves psychotechniques et aux compositions écrites se trouvent des cadres voleurs à col blanc, des gens avec un lourd passif connu des tribunaux, etc. Aussi, a-t-il été question d’une évaluation inégalitaire des dossiers soumis par les candidats. Si dès l’ouverture du processus, votre Journal Le Potentiel, sur la base d’éléments précis, attirait déjà l’attention sur les quiproquos, le gouvernement béninois a fini par prononcer une annulation pure et simple du concours organisé en mi-février dernier. Un acte salué par les Béninois désormais imbibés dans le nouvel état d’esprit de la vertu prôné par le Chef de l’État Patrice Talon.
Dans le communiqué radio télé diffusé par le ministre Abdoulaye Bio Tchané, Président du comité de supervision de la réforme structurelle du secteur de la décentralisation, le gouvernement a été clair. Si hier, tout le processus s’est déroulé en ligne, aujourd’hui pour dissuader les fraudeurs, les candidats présélectionnés sont appelés à transmettre les dossiers physiques (version papier) aux jurys lors des entretiens individuels prévus entre le 14 et le 16 mars à l’Infosec et au Palais des congrès de Cotonou. Ensuite, le communiqué précise qu’une enquête de moralité sera faite sur les candidats retenus à l’issue du test psychotechnique et de l’entretien. Ce n’est qu’après les résultats de ces phases que les candidats définitivement retenus seront connus. Cette phase d’enquête de moralité est déterminante dans le processus de sélection.
Jusqu’ici, ils sont nombreux ces cadres candidats à user de subterfuge et autres actes de malice pour réussir à être maintenus sur la liste des candidats, et ce, en dépit de leur passé d’agents indélicats à leurs postes antérieurs. Mais avec l’enquête de moralité, nul doute qu’ils n’auront plus d’échappatoire. Les postes techniques en jeu sont des postes sensibles. La gestion des fonds publics des mairies sera confiée à ces cadres au bout du processus. Pour éviter une faillite financière des communes, ceux à qui l’on veut confier la responsabilité doivent être clean. Mais malheureusement, la liste des candidats présélectionnés laisse des craintes. Ces craintes sont encore là plus vivaces malgré l’annulation et la reprise du processus.
L’effort du tamis entrepris par le gouvernement suite aux dénonciations n’a pu permettre de sortir du lot, du moins pour le moment, tous les mauvais grains. Une consultation rapide de la liste permet de se rendre compte qu’il y a encore des cadres sulfureux présents qui prendront encore part au concours.
Deux cas illustratifs de candidats souillés
Parmi ceux qui sont attendus dans les salles de composition le samedi 12 mars prochain, il y en a qui ont un passif lourd. Question, comment alors ont-ils pu se retrouver sur cette liste des candidats présélectionnés tout en prétendant se retrouver dans les mairies, qui, au poste de Secrétaire exécutif, qui dans le cercle de l’administration ? Deux cas illustrent parfaitement cet état de choses. Il s’agit de Pascal Sonou, candidat retenu pour la fonction de personne responsable des marchés publics (Prmp) et de Saturnin Gnambakpo, candidat retenu pour la fonction de Secrétaire exécutif (Se).
Les deux candidats ont en commun un passé lourd qui ne plaide pas en leur faveur. Pascal Sonou est un ancien magasinier du Centre national hospitalier universitaire Hubert Koutoukou Maga (Cnhu-Hkm). Il a été aussi un ancien membre de la Cellule de contrôle des marchés publics (Ccmp) du Cnhu-Hkm. Le hic dans son parcours, c’est la façon dont il a été débarqué de ces deux postes. Selon les documents consultés par notre équipe de rédaction, Pascal Sonou a été sauté de son poste de magasinier et de membre de la Ccmp suite à des recommandations du ministre de la Santé Benjamin Hounkpatin. Mais ces recommandations sont motivées.
Tout est parti d’un courrier n°212/MS/IGM/SP du 27 avril 2020 portant en objet « Mise en œuvre des recommandations’’. Il s’agit des recommandations issues d’un rapport de l’inspection générale du ministère (IGM). Au point 2 du courrier sus évoqué, le ministre Benjamin Hounkpatin a demandé à l’ancien directeur général du Cnhu-Hkm de faire droit au rapport du conseil de discipline qui a connu du cas de Pascal Sonou. Le point 3 du même courrier est clair : « limiter les risques liés à l’emploi des agents plusieurs fois reconnus coupables de fraudes, à des postes sensibles dans le domaine des finances, de la comptabilité ou de la passation des marchés publics. En l’espèce, l’agent [ Pascal ] Sonou devra être déchargé de ses fonctions de gestionnaire de magasin et de membre de la Cellule de contrôle des marchés publics (Ccmp).».
Par cette note, le ministre Benjamin Hounkpatin qui se base sur le rapport de l’Igm et des dénonciations a ainsi débarqué Pascal Sonou de ses fonctions au Cnhu-Hkm. Cette réputation de gestionnaire de magasin et de membre de la Ccmp viré du Cnhu-Hkm disqualifie en principe Pascal Sonou aujourd’hui candidat aux fonctions de personne responsable de passation des marchés publics dans les mairies. Par ailleurs, certaines sources informent que Pascal Sonou est un ancien pensionnaire de la prison civile de Cotonou. Comment alors retenir un tel profil sur la liste des candidats avec le risque qu’il réussisse à être retenu pour aller s’occuper des marchés publics dans les mairies ? Le malaise est là et bien assis aux portes des mairies.
Le second cas illustratif est celui de Saturnin Gnambakpo candidat au poste de Secrétaire exécutif (Se). Lui aussi a un passé lourd. En 2017, le Tribunal de première instance de deuxième classe d’Abomey a infligé une peine de prison au sieur Saturnin Gnambakpo, alors Chef service des affaires économiques à la mairie de Bohicon. Les charges retenues à l’époque contre lui justifient les craintes légitimes qu’il faut avoir quant à son admission au fichier national des fonctions techniques et administratives dans les mairies. Il s’agit d’un délit financier relatif au détournement de deniers publics, corruption passive d’agent public national.
Le 27 décembre 2017, Saturnin Gnambakpo a été déféré devant le procureur du Tribunal de première instance d’Abomey. Il sera placé sous mandat de dépôt à la prison civile d’Abomey pour détournement de deniers publics et corruption passive d’agent public. Le 13 février 2018, le tribunal a connu du dossier enregistré sous le n°ABOM/2017/RP/03084 et a statué publiquement, contradictoirement en matière correctionnelle et flagrant délit. Dans cette affaire, Saturnin Gnambakpo a été reconnu coupable et condamné à 12 mois d’emprisonnement assorti de sursis et une amende de 250.000 francs CFA ferme. Aussi, a-t-il été condamné à verser à la mairie de Bohicon la somme de 1.390.000 FCFA pour toute cause de préjudice confondu.
Ainsi donc, entre février 2017 et février 2018, Saturnin Gnambakpo a purgé sa peine de 12 mois d’emprisonnement assorti de sursis à cause des pratiques frauduleuses, des dons accordés et autres avantages indus. Pour couronner le tout, Saturnin Gnambakpo a été radié du personnel de la mairie de Bohicon sur décision du conseil de discipline de ladite mairie. Contre toute attente, en 2021, l’actuel maire de la ville de Bohicon, Me Rufino d’Almeida réintègre l’ex-chef service affaires économiques radié Saturnin Gnambakpo. Cette fois-ci, il a été nommé à la tête de la Régie autonome de gestion des infrastructures économiques et marchandes de Bohicon (Ragiem-B). Cette régie est dotée d’un budget autonome de plus 250 millions FCFA.
Bien entendu, cette promotion accordée à Saturnin Gnambakpo déjà condamné pour un délit financier a valu au maire Rufino d’Almeida des critiques. C’est sans doute cet anoblissement à travers sa réintégration puis sa promotion à la tête de la Ragiem-B qui a fait penser à Saturnin Gnambakpo qu’il pouvait encore prétendre légitimement à un poste de Secrétaire exécutif (Se) dans les mairies. Ici encore il s’agit d’argent public. Avec la réforme sur la décentralisation, le Se est désormais l’ordonnateur du budget communal. Mais les faits sont têtus.
Personne ne pourra oublier que Saturnin Gnambakpo a été condamné dans une affaire de détournement de deniers publics et corruption passive d’agent public. Ce profil d’ancien prisonnier (même s’il s’agit d’un sursis) décrédibilise le sieur Saturnin Gnambakpo dans le lot des candidats aux fonctions techniques et administratives. Au-delà de ces deux cas, plusieurs candidats souillés se retrouvent encore sur cette liste des candidats présélectionnés.
Avec ce qui s’annonce, seule une bonne enquête de moralité permettra d’extirper du lot ces cadres au passé lourd afin de donner une chance à la décentralisation de déboucher sur le développement.
Rose .H