20 ans après la mise en œuvre de la décentralisation au Bénin: voici le bilan que fait Raphaël Akotègnon
Invité sur l’émission » Le gouvernement en action » dans le cadre de l’an 1, Talon 2, le ministre de la Décentralisation et de la Gouvernance Locale Raphaël Akotègnon a fait le bilan de la Décentralisation au Bénin 20 ans après sa mise en œuvre. Faut-il souligner que la réforme structurelle du secteur de la décentralisation fait partie des réformes phares du second quinquennat du Président Patrice Talon. C’est la réforme qui cristalise toute les attentions et qui vise selon le gouvernement à renforcer et à améliorer la qualité des ressources humaines devant prendre en charge les fonctions administratives et techniques dans les 77 communes du Bénin. Si le chef de l’État est l’initiateur et le concepteur de cette réforme, le ministre Raphaël Akotegnon en est le maître d’ouvrage.
Monsieur le Ministre de la Décentralisation et de la Gouvernance Locale, après 20 ans de mise en œuvre de la décentralisation, quel bilan peut-on faire aujourd’hui ?
Le moins que l’on puisse dire, est que les fruits n’étaient pas à la hauteur de la promesse des fleurs. On a assisté pendant deux décennies à une mal gouvernance ayant pour trait caractéristique, un management tributaire des pesanteurs politiques, le recrutement de personnel pas toujours adapté aux besoins des communes, donc un personnel inadapté, un système local de gestion des marchés publics aussi inadapté et très souvent corrompu, des infrastructures parfois incompatibles sinon inadéquates par rapport aux besoins exprimés par les communes et souvent insignifiantes par rapport aux enjeux du développement durable à la base. Il y avait également une gestion budgétaire peu satisfaisante et, enfin, une fiscalité locale peu adaptée aux enjeux de la décentralisation.
Devant ce tableau peu reluisant, il fallait opérer des réformes. Et en l’occurrence, le Chef de l’Etat a bien fait de concevoir et de lancer cette réforme structurelle dans le secteur de la décentralisation.
La décentralisation vit donc une des réformes majeures du gouvernement, une réforme bien profonde qui fait d’ailleurs l’actualité. (Élément témoin)
Monsieur le Ministre, quel est le point de la mise en œuvre de cette réforme structurelle et des politiques publiques ?
Depuis des mois, nous sommes à la tâche avec des femmes et des hommes qui sont déployés pour la cause.
Parlant du point, il faut partir du vote, le 21 Octobre 2021, du code portant administration territoriale dans notre pays, sa promulgation le 20 Décembre 2021, et la prise d’une série de décrets d’application. Dans la foulée, nous avions assisté au recrutement des Secrétaires Exécutifs (SE), ainsi que des titulaires des autres fonctions. Ce qui frappe à l’œil, c’est la sélection des Secrétaires Exécutifs, mais il n’y a pas qu’eux. Derrière les Secrétaires Exécutifs, il y a six (06) autres fonctions qui ont été également sélectionnées et qui ont suivi le même processus de sélection que les Secrétaires Exécutifs.
On peut dire aujourd’hui qu’après le vote de la loi portant code de l’administration territoriale en République du Bénin, nous avons mis en place le fichier national des fonctions techniques et administratives dans nos mairies. C’est un pas fondamental ! Les SE ont pris fonction. Les personnels des autres fonctions qui soutiennent les Secrétaires Exécutifs ont été également sélectionnés.
Il y a plusieurs textes d’application, notamment les décrets qui remettent au goût du jour nos préfectures parce qu’il faut revoir les attributions du Préfet, l’organisation et le fonctionnement des préfectures. Il a été pris le décret 111 du 16 Février 2022, ainsi que deux autres décrets pour organiser la conférence administrative départementale (CAD) et le conseil départemental de concertation (CDC) afin que les préfectures soient à la hauteur de la réforme.
Il y a d’autres textes qui sont en cours d’examen actuellement, en l’occurrence, le décret fixant la rémunération des maires, des adjoints aux maires, des SE, des présidents de commission, des chefs d’arrondissement, des conseillers communaux sans charge administrative, ainsi que des chefs de village et de chefs de quartier. Ce décret a été aussi pris et d’autres vont suivre. Si on doit faire un point aujourd’hui, la réforme suit son cours normalement et je pense que dans les tout prochains jours, on assistera à la mise en marche effective dans nos communes de cette nouvelle administration communale prônée par le Chef de l’Etat.
Monsieur le ministre, était-il opportun d’opérer une réforme aussi profonde que celle-là dans le secteur de la décentralisation au Bénin ?
Au Bénin, quand on analyse bien le bilan après 20 ans, je pense que si nous voulons donner un coup de pouce au développement de notre pays, il faut accompagner l’élan ou l’essor impulsé par le Chef de l’Etat ou imprimé par le Chef de l’Etat au sommet de la gouvernance de notre pays. Il faut impulser cela à la base, il faut que cela parte de nos communes. Donc, il faut réformer le secteur de la décentralisation.
Ce qui est important ici pour que cette réforme soit bénéfique à tout le monde, a été l’un des principes directeurs de cette réforme : il faut nécessairement renforcer la séparation des fonctions politiques et techniques dans nos communes afin qu’on assiste à une amélioration de la reddition des comptes et à une lutte plus efficace contre l’impunité. Il faut mettre en place un dispositif opérationnel de relais des services publics entre les niveaux central, communal, et puis infra communal. Il faut améliorer les mécanismes de financement des investissements communaux. Il faut aussi créer une synergie entre tous les acteurs notamment le conseil communal d’abord, les populations, les démembrements du conseil communal, les associations de développement, les ONG et puis, enfin, disons que tout citoyen vivant dans nos communes soit intéressé et sensibilisé aux potentialités locales afin qu’il puisse jouer sa partition.
A vous entendre, eu égard aux textes en vigueur, on a bien l’impression, que le SE est devenu le nouvel homme fort des communes…
C’est un peu trop dit. Le SE, aujourd’hui, va assumer une partie des attributions qu’assumait, hier, le maire, en plus de celles assumées par le secrétaire général d’antan. Il faut percevoir nos communes comme des mini-républiques ; le maire qui est président du conseil communal décide déjà et vient mettre en application lui-même. Cela n’est pas vraiment indiqué. En séparant les fonctions politiques des fonctions techniques, on a renforcé le pouvoir du secrétaire général hier qui est devenu aujourd’hui secrétaire exécutif, puisque c’est lui qui devient ordonnateur du budget communal et qui sera chargé de mettre en applications les orientations, les décisions du conseil communal. Evidemment, la réforme a créé une autre structure disons délibérante qu’est le conseil de supervision qui regroupe le maire, ses adjoints, les présidents de commissions pour pouvoir superviser le travail du SE.
A vous entendre, Monsieur le Ministre, pouvons-nous dire d’ores et déjà que l’heure du développement des collectivités territoriales a sonné véritablement ?
C’est évident, si chaque organe jouait sa partition, car le Secrétaire Exécutif a son équipe, parce qu’il y a six (06) autres fonctions (responsables des affaires administratives et financières, personne responsable des marchés publics, responsable des services techniques, responsable du développement local et de la planification, responsable des services d’information), tous des spécialistes appuyant le SE selon leur domaine de compétences chacun. Je pense qu’il revient au conseil communal de prendre de bonnes décisions, en tenant compte des besoins des populations, en tenant compte des potentialités de la commune, de remettre cela dans les mains du SE qui, comme je le dis, sous la supervision du conseil de supervision mettra en œuvre ce qu’il faut pour que la commune émerge.
Tout à l’air facile quand on vous écoute.
Ça sera facile à faire ? Monsieur le Ministre, n’assisterons-nous pas à un conflit d’attributions entre le Secrétaire Exécutif et le Maire, vu que le SE a une compétence large ?
Il ne saurait avoir de conflit d’attribution car, la fonction politique est dévolue au Maire et en cette matière, il dispose de ses attributions propres et celle technico-administrative au Secrétaire Exécutif qui en assure l’entière responsabilité sous le contrôle du conseil de supervision. Les rôles sont bien définis et même actuellement, parmi les textes d’application en cours d’élaboration, il y a le décret qui fixera les modalités de délégation entre le Maire et le Secrétaire Exécutif ainsi que les modalités de signature entre ces deux autorités. Donc, tout est bien calé, les rôles sont bien précisés et il ne saurait y avoir de conflit d’attribution.
C’est vrai, le SE a des attributions propres et quand il est dans ses attributions en tant qu’ordonnateur de budget, c’est une attribution propre à lui. Il ne pourra pas recevoir d’ordres du maire et il va exécuter le budget que le conseil communal a validé, et dans les règles de l’art. Si, demain, il y a des irrégularités, il sera le seul à répondre, pas le maire.
Par contre, si le maire qui demeure la première autorité politico-administrative de la commune, dans ses attributions propres, veut célébrer un mariage, veut convoquer le conseil communal, il instruit le SE à préparer les documents préalables et, dans ce cas, le maire est dans une position hiérarchique par rapport au SE et le SE est tenu d’exécuter.
Les rôles sont bien calés et il ne pourrait y avoir de conflit d’attribution. C’est vrai que si le maire estimait que le SE était négligeant, le maire peut donner injonction au SE de faire ce qu’il devrait faire, s’il n’était pas négligeant et au besoin, le réquisitionner pour faire ce qu’il devrait faire compte tenu des décisions prises par le conseil communal. Et c’est en cas de négligence du SE.
Le maire a possibilité de révocation. Il peut s’entendre avec ses deux adjoints au maire et puis révoquer le SE…
Ce n’est pas aussi facile que ça. S’il devrait y avoir révocation, ça voudrait dire qu’il y aurait vraiment matière à révocation. Parce que si le maire devrait s’entendre avec ses adjoints ou bien même les présidents des commissions, parce qu’ils sont dans le conseil de supervision, pour organiser une révocation non méritée du SE, le Préfet est là pour réguler. Mais, si par contre, le SE était vraiment négligeant, se mettait dans une posture d’insuffisance de résultats, et n’a pas été à la hauteur de ses attributions, on constatera et il pourrait être révoqué.
Monsieur le Ministre, est-ce que nous ne courons pas le risque de voir les secrétaires exécutifs contaminés par le virus de la politique ?
En la matière, la loi a été prévoyante, lisons l’article 131, alinéa 4 portant code de l’administration territoriale en République du Bénin : « la fonction du SE est incompatible avec la qualité de membre des instances dirigeantes d’un parti politique. Le SE, pendant son mandat, ne peut être candidat à une élection communale ou législative, y compris celle qui suit immédiatement la fin normale ou anticipée de son mandat ». Donc, c’est clair que les balises ont été posées pour que le SE, y compris même les titulaires des six autres fonctions administratives et techniques, ne se hasardent sur le terrain politique.
Ce n’est pas une violation de leur droit en tant que citoyen ?
Non. Ça fait partie des clauses du contrat et la réforme a été claire. Il y a séparation des fonction politiques des fonctions techniques et administratives. Il ne leur est pas interdit de faire la politique. S’ils veulent faire la politique, ils vont se retirer de ces fonctions. Tant qu’ils ont accepté ces fonctions, ils ne peuvent pas se livrer à la politique.
Est-ce que les SE sont conscients de cette loi ?
Oui ! Ils ont subi une séance d’immersion rapide, mais il y a encore des séminaires d’imprégnation en vue. Je pense qu’ils en sont bien conscients.
Est-ce que le succès de toute cette réforme n’est pas basée sur la compétence et l’intégrité aussi des SE ?
Ah ! Bien sûr ! Ils ont été sélectionnés, ils doivent être des personnes d’une grande probité, d’honnêteté, des professionnels dans leur qualification, et c’est ce qui a prévalu dans leur sélection. Il y a d’abord eu une pré-sélection, une sélection avec un test psychotechnique, ainsi que des contrôles de connaissances spécifiques à chaque profil. Ils sont suffisamment avertis, et ils savent qu’ils doivent être honnêtes et travailler avec probité.
Au regard des cahiers de charges, est-ce que le salaire y va avec, c’est-à-dire à la hauteur ?
Je pense qu’en la matière, le décret fixant les rémunérations et avantages des maires, des adjoints au maire, des SE, et toute la suite a été déjà pris. Le moins qu’on puisse dire, ils sont largement au-dessus de la moyenne.
La politisation de la décentralisation n’était pas forcément focalisée autour du maire. Est-ce qu’il y a quelque chose de prévu pour les partis politiques et les autres acteurs qui ont toujours tenté de contrôler le pouvoir local ?
Aujourd’hui, il faut mettre la réforme en lien avec la réforme du système partisan. Si un parti politique sort gagnant d’une élection communale, il faut reconnaitre que la charge de la gouvernance de cette commune revient à ce parti politique, d’où laisser le parti politique désigner le maire, les adjoints au maire, les présidents des commissions. Ce parti assure à ses risques et périls la gouvernance de cette commune en lien avec la loi portant code de l’administration territoriale en République du Bénin. Le parti politique gagnerait à montrer sa maitrise de la gestion communale à travers les hommes qu’il a proposés pour diriger la commune et les lauriers iront naturellement à ce parti. Mais il n’y aura plus d’interférence tous azimuts sur le recrutement du personnel. C’est fini ! C’est le SE qui est responsable de l’administration communale et qui va gérer les ressources humaines, matérielles et financières.
Monsieur le Ministre, qu’est-ce qui a motivé la révision des relations entre préfet et les maires ?
Il n’y a pas à proprement parler de révision des relations entre le préfet et le maire. Certes, la réforme a un peu touché le pouvoir de tutelle du préfet mais ce dernier continue d’exercer ses prérogatives en matière d’assistance conseil à la commune, de soutien aux actions de la commune, d’harmonisation des actions communales avec celles de l’Etat. Par contre, il y a, aujourd’hui, ce qu’on appelle l’examen de la légalité. Alors qu’hier c’était un contrôle de légalité qui conférait au préfet le pouvoir d’annulation des actes communaux, aujourd’hui, le pouvoir laissé au préfet est un pouvoir d’examen de légalité. Si le préfet estime que les décisions communales sont entachées d’illégalité, il peut non plus les annuler, mais les déférer devant le juge administratif qui aura un mois pour statuer, écouter les parties concernées, et rendre sa décision. C’est vrai, en l’espace d’un mois, le préfet peut estimer qu’il y a péril en la demeure, l’ordre public pouvait être perturbé, et il a le pouvoir de suspension des effets de cette décision communale le temps que le juge ne rende sa décision. Le préfet n’a pas été affaibli, contrairement à ce que les gens pensent. Aujourd’hui, avec la réforme, le niveau de compétences en matière de ressources humaines dans nos préfectures a été relevé, c’est-à-dire que le préfet dispose aujourd’hui d’un conseiller technique juridique, ce qu’il n’avait pas par le passé, et d’un conseiller technique financier aussi. De plus, nos préfectures auront maintenant deux directions (Direction des affaires générales de l’administration et des finances et la direction de la tutelle, du suivi et des servicesred déconcentrés de l’Etat. Avant, c’étaient des services. Sous ces directions, il y aura bien évidemment des services. Donc le préfet sort grandi et renforcé de cette réforme et continue d’assurer la tutelle des maires.
Monsieur le ministre est-ce que la réforme touche le secteur de la déconcentration ?
Quand on parle déconcentration, il faut voir non seulement nos préfectures mais aussi les services déconcentrés de l’Etat.
La réforme a réaffirmé aujourd’hui que les services déconcentrés de l’Etat, les directions départementales et les services qui s’en suivent, relèvent directement de leur ministère de tutelle et non plus du préfet. Le préfet assure la tutelle des communes, il se base sur ses services déconcentrés pour exercer sa tutelle et contrôler le département, s’assurer que les politiques mises en place par les communes sont en phase avec les politiques prônées par l’Etat. Dans cette mission, le Préfet s’appuie, au besoin, sur les services déconcentrés, les directions départementales pour qu’il y ait harmonie et cohésion au niveau du département. Le préfet reste dans son rôle même s’il est maintenant plus circonscrit à la tutelle des communes.
Monsieur le Ministre, Fond d’Investissement Communal (FIC) aujourd’hui, Fonds d’appui au Développement des Communes (FADeC) hier, quelle est la différence ?
Aujourd’hui, nous parlons du fonds d’investissement communal qui sera pratiquement le Fadec ancien (le fonds d’appui au développement des communes) mais avec beaucoup plus de possibilités aux communes. Nous voulons que nos communes émergent et exploitent à fond leurs potentialités. Il faut donc, au-delà des guichets traditionnels que nous avons au niveau fadec (fadec affecté et fadec non affecté), laisser la possibilité aux communes de recourir à d’autres formes de financement, notamment l’emprunt, également le partenariat public-privé, et les fonds verts ou la finance climat qui sont proposés par certains bailleurs sous certaines conditions. Hier, les communes n’avaient pas cette possibilité, donc aujourd’hui, le FIC veut mettre à la disposition de nos communes, en plus de ce qu’elles ont déjà au niveau du Fadec traditionnel, d’autres sources de financement innovantes. Les textes d’application sont en cours.
Comment pourvoir véritablement nos communes d’agents de qualité pour la mission qui leur est désormais assignée ?
Avec l’avènement des SE et des autres fonctions, il y aura un audit du personnel existant commune par commune pour pourvoir au vu de l’existant savoir quelles actions mener (s’il faut reconvertir, s’il faut renforcer les capacités).
Il y aura forcément des gens qui seront maintenus et qui vont servir sous le SE et les autres fonctions sélectionnées. Ce qui est important ici, c’est le centre de formation pour l’administration locale (CEFAL) qui contribue énormément à la formation du personnel en place dans nos collectivités locales. Ce centre a des modules de formation pour chaque type d’acteur, partant des maires, des adjoints aux maires, jusqu’aux travailleurs lambda de nos communes. Il y a des modules spécifiques qui sont exécutés périodiquement pour améliorer leur niveau. Il y a des formations diplômantes à l’intérieur du cursus offert par le C EFAL. Donc, je pense qu’aujourd’hui, dans le cadre de la réforme, le CEFAL a été également intégré, a même aujourd’hui une vocation régionale à servir de référence au plan régional. Tout sera mis en œuvre pour que ce centre soit à la hauteur des objectifs qui lui ont été fixés avec l’avènement de la réforme.
Qu’est-ce que la réforme a prévu au niveau de responsabilité dans les arrondissements ?
C’est le niveau infra communal. Il y a le secrétaire administratif d’arrondissement qui sera maintenant renforcé. Son niveau d’études aujourd’hui doit être BAC plus 3 ans forcément. On avait des secrétaires d’arrondissement niveau BEPC, parfois même moins.
Avec l’ambition de cette réforme, il faut absolument que le niveau du secrétaire administratif d’arrondissement soit en phase avec le niveau des responsables de rang communal. Le secrétaire administratif d’arrondissement qui sera chargé de mettre en application au niveau de l’arrondissement (quartiers ou villages) doit être d’un niveau élevé pour répondre efficacement aux attentes de la décentralisation. Il servira sous le chef d’arrondissement qui demeure politique, un élu politique mais les fonctions politiques étant séparées des fonctions techniques, le chef d’arrondissement ne peut pas donner des injonctions tous azimuts au secrétaire administratif d’arrondissement qui prendra ses ordres directement du SE. Si le chef d’arrondissement veut célébrer un mariage, le secrétaire administratif d’arrondissement se mettra à son service pour l’aider à préparer tout ce qu’il faut. Mais quand il s’agira d’un acte relevant de l’exécution du budget, le secrétaire administratif d’arrondissement prendra ses ordres du SE.
Qu’est ce qui est prévu pour les chefs de villages, chefs quartier ?
La réforme a prévu des rémunérations mensuelles aux CV et CQ par catégorie de communes. Ils seront bien à la disposition aussi bien du Chef d’arrondissement que du secrétaire administratif d’arrondissement pour implémenter dans les quartiers et villages les décisions prises par la commune.
Est-ce qu’avec cette réforme, finis les attestations de résidence délivrées, les sous qui sont empochés par les signataires ?
Les sous doivent être reversés dans la caisse communale, les ressources financières, dorénavant, sont bien suivies.
Quelle est la finalité de cette réforme dans la prise en charge des rémunérations des maires, adjoints aux maires et chefs quartier par l’état ?
C’est de donner les moyens aux communes de disposer des ressources humaines de qualité. La ressource humaine de qualité a un coût que la commune ne peut pas toujours assumer. Le gouvernement a pris sur lui de transférer, de fixer, les rémunérations confortables par rapport à ce qui existait. Par exemple, certains étaient à 90.000 FCFA par mois, mais aujourd’hui peut-être fois huit dans les communes à statut ordinaire, donc le gouvernement a pris sur lui de fixer ces rémunérations et de les transférer par le biais du FIC.
Les communes n’auront pas à se soucier du payement des rémunérations allouées à ce personnel de qualité qui est mis à leur disposition. La réforme a pris en charge le coût du personnel de qualité mis à la disposition des communes.
Est-ce que tout ceci ne remet pas en cause l’autonomie des communes ?
Pas du tout ! Les communes ne sont pas des républiques. Les communes sont des démembrements. Notre constitution dans son article 151 prône la libre administration des communes, mais, dans le même temps, la constitution a ajouté dans le respect des dispositions fixées par la loi. Est-ce que hier les communes peuvent vivre sans le Fadec ? je pense non. Les communes ne peuvent pas s’administrer sans le Fadec. Pourquoi on n’a pas dit que l’Etat leur transfère le fadec qu’elles ne sont pas libres ?
Au contraire, l’Etat a l’obligation de transférer les compétences aux communes et l’obligation de leur faire suivre des ressources humaines et financières pour que ces compétences au niveau des communes puissent s’exercer. Cela n’entache en rien la libre administration des communes par le simple fait que dirigeront les communes, ceux que les populations vont élire directement. Les maires vont diriger les conseillers communaux, vont siéger au parlement de la commune. Car il faut percevoir le conseil communal comme le parlement de la commune. Le maire, ses adjoints et les présidents de commissions forment l’exécutif de la commune ; ils feront valider leurs propositions auprès du conseil communal et une fois validées, les remettre dans les mains du SE avec son équipe technique pour mettre en application sous la supervision du conseil de supervision. Les communes demeurent administrées par les élus.
Quelles doivent être les relations entre le Maire et le SE ? Est-ce qu’un maire a intérêt à voir son SE échouer ?
Du tout pas ! Ils sont liés. C’est vrai que le SE a l’obligation de résultats. Les objectifs étant fixés, il y aura des critères d’évaluation, les critères de performance et obligatoirement le SE doit avoir comme souci d’atteindre les objectifs qui lui sont fixés. Une fois qu’il atteint ses objectifs, je ne pense pas qu’il y ait de problème entre le Maire et le SE. Si, par extraordinaire, ce que je ne souhaite pas, il n’était pas capable d’atteindre ses objectifs sur une longue période, on peut le révoquer pour insuffisance de résultats.
Est-ce que le SE rend compte au Ministre de la Décentralisation ou au maire ?
Le SE rend compte au conseil de supervision. Il n’a pas à rendre compte au Ministre de la Décentralisation.
La réforme est passée aussi au niveau des commissions communales ?
La loi avait fixé un plancher. Au moins 3. Certaines communes vont jusqu’à 13 commissions, mais aujourd’hui c’est quatre (04) commissions permanentes dans toutes nos communes.
Le Ministère de la Décentralisation et de la Gouvernance Locale assure la tutelle du Projet ACCESS qui, dans sa Composante 2, a mis en œuvre un programme de filets sociaux. Pourquoi les filets sociaux sont-ils importants pour le Gouvernement et quels sont les résultats concrets auxquels vous êtes parvenus ?
Le projet d’Appui aux Communes et Communautés pour l’Expansion des Services Sociaux (ACCESS) est une réponse pratique du gouvernement du Bénin à la pauvreté extrême, c’est-à-dire la pauvreté alimentaire. ACCESS a fait beaucoup. Ce projet fondamentalement social a amélioré de façon significative l’accès des bénéficiaires aux services sociaux de base, aux filets sociaux tout en renforçant le système de protection sociale au Bénin.
Le programme de transferts monétaires aux ménages les plus pauvres mis en œuvre dans le cadre dudit Projet a fait reculer la précarité en améliorant les revenus des ménages les plus vulnérables retenus par l’INSAE (actuel INSTAD) dans 16 communes et répartis dans 184 communautés. Ce volet des activités du projet ACCESS a mobilisé des ressources globalement évaluées à près de 4 milliards de Francs CFA. Début janvier 2022, on peut se réjouir que tous les indicateurs de développement de cette composante du projet soient atteints et même largement dépassés. De 18.000 ménages bénéficiaires prévus comme valeur cible au démarrage, le projet a impacté 19.216 ménages dont plus de 9.600 représentés par des femmes, soit la moitié (50 pour cent) des ménages, conformément aux objectifs.
Initialement prévus pour toucher 16 200 ménages pauvres, les Travaux Mobilisateurs d’Intérêt Collectif (TMIC) achevés depuis juillet 2021 ont aussi amélioré remarquablement le quotidien de presque 18 000 ménages, soit environ 93 pour cent des ménages bénéficiant déjà des transferts inconditionnels. Ce qui leur a ainsi permis de bénéficier de ressources complémentaires pour faire face à la période de soudure agricole.
On peut ajouter à ces performances les bénéficiaires de formations axées sur les initiatives d’Activités Génératrices de Revenus (AGR). Plus de 12.000 bénéficiaires au nombre desquels 8.429 femmes. Elles ont pris des initiatives d’Activités Génératrices de Revenus et représentent 70 pour cent des bénéficiaires.
Monsieur le Ministre, quelles sont les perspectives pour la décentralisation au Bénin ?
Il faut que cette réforme permette d’insuffler le développement à partir de nos communes. Ce serait vraiment un gain important pour notre pays parce qu’il ne suffit pas de faire les efforts au niveau central et abandonner le niveau local. Cela va contribuer à la valorisation des potentialités de nos communes.
Nos communes recèlent beaucoup de potentialités inexploitées ou mal exploitées. En mettant en place ce pilotage de la gouvernance par le biais de cette réforme dans nos communes, on a espoir que ça va prendre. Le politique, jouant son rôle de fixer les orientations, remettra dans les mains de techniciens qualifiés, bien formés, qui vont travailler à atteindre les objectifs voulus par les conseils communaux et ce faisant, ça pourra accélérer le développement équilibré de notre pays. Le défi est de se dire, d’ici 3 ans, 5ans, on verra les communes qui piétinent, qui végètent, qui ne démarrent pas, et celles qui travaillent. On verra une sorte d’émulation au niveau des communes et ça va déteindre sur notre développement en général. Les plans de développement existeront en mieux plus que par le passé. Cela relève de la responsabilité des partis politiques.
Merci Monsieur le Ministre, votre mot de fin
Je remercie le Chef de l’Etat pour m’avoir donné l’opportunité de participer à cette belle œuvre, parce que la réforme, sans vous mentir, est saluée de tout le monde. Même le chef de file des partenaires techniques et financiers qui a assisté en direct au tirage au sort des SE a apprécié la réforme et pense qu’elle fera école en Afrique et qu’elle s’y emploiera pour que ça soit divulguée.
J’ai espoir que cette réforme amorcée dans le secteur de la décentralisation suscite réellement le développement à la base, parce que dans nos communes, il faut que l’activité économique s’active et que les potentialités de chaque commune soient valorisées, exploitées au bénéfice de nos populations.