8ème Journée Africaine de l’Alimentation Scolaire (JAAS) : Ali Ouattara parle des perspectives du PAM pour stimuler véritablement les systèmes locaux d’approvisionnement des cantines scolaires

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La communauté internationale célèbre ce jour, mercredi 1er mars 2023, la Journée Africaine de l’Alimentation Scolaire (JAAS) placée sous le thème : « Stimuler les systèmes locaux d’approvisionnement alimentaire et les chaînes de valeur régionales : le rôle de la ZLECAf pour les programmes d’alimentation scolaire durable et l’amélioration de l’apprentissage ». Dans cet entretien, le Représentant résident du Programme alimentaire mondial (Pam) au Bénin, Ali Ouattara donne les raisons du choix de cette thématique. Il évoque par ailleurs, le bénéfice de disposer d’un système local d’approvisionnement des cantines scolaires et fait un bilan de cet aspect du programme de cantines scolaires dont l’un des objectifs principaux est de stimuler la production locale. Aussi nous parle,-t-il des perspectives du PAM pour stimuler véritablement les systèmes locaux d’approvisionnement des cantines scolaires.

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Le Potentiel : La communauté internationale célèbre ce jour 1er mars 2023, la 8ème édition de la Journée Africaine l’Alimentation Scolaire (JAAS) placée sous le thème : « Stimuler les systèmes locaux d’approvisionnement alimentaire et les chaînes de valeur régionales : le rôle de la ZLECAf pour les programmes d’alimentation scolaire durable et l’amélioration de l’apprentissage ». Que vous inspire le choix de cette thématique ?

Ali Ouattara : Comme vous le savez, on parle de Programme National d’Alimentation Scolaire Intégré parce qu’il ne concerne pas uniquement la fourniture de repas au niveau de l’école mais cela prend également en compte d’autres secteurs qui contribuent à la mise en place d’une alimentation scolaire de qualité. Le thème de cette 8ème édition qui concerne les systèmes locaux d’approvisionnement représente un des segments qui contribue à la mise en place des cantines scolaires en ce sens que nous sommes obligés d’acheter des aliments, des produits, des vivres soit à l’international, soit au niveau local. Un programme d’alimentation scolaire permet de booster la production et aussi de booster l’économie locale à cause des achats que nous faisons au niveau national. Dans le cadre de la mise en œuvre de notre programme, en dehors des achats que nous faisons au niveau local, nous apportons également notre appui aux producteurs pour leur permettre de produire en qualité et en quantité.

Un autre aspect du thème est relatif à la durabilité de l’alimentation scolaire et à l’amélioration de l’apprentissage. Comme vous le savez, un programme de cantine scolaire contribue largement à améliorer les indicateurs au niveau scolaire. Le taux d’inscription, le taux de rétention, le taux d’admission, le taux d’achèvement…. Tous ces facteurs sont positivement influencés par les cantines scolaires. A ce titre, l’ensemble du thème rentre en droite ligne avec ce que nous mettons en œuvre comme activité au niveau global.

Au Bénin, le PAM met en œuvre depuis juillet 2017 un vaste programme de cantines scolaires dont l’un des objectifs principaux est de stimuler la production locale. Quel bilan peut-on faire aujourd’hui sur cet aspect du programme ?

Le bilan est plutôt positif ! De façon globale, nous avons un cheminement qui est parti d’un taux de couverture de 31% au moment où on démarrait le programme en 2017. En début d’année scolaire 2022, nous étions à un taux de 51% et en avril 2022 nous sommes passés à un taux de couverture de 75%. Ce qui veut dire que nous avons commencé l ’année scolaire 2022-2023 avec un taux de couverture de 75%. Vous voyez déjà l’envergure que cela prend avec l’ambition d’aller à une couverture universelle de 100%. Ce que nous pouvons faire comme bilan notamment en rapport avec la stimulation de la production et de l’approvisionnement au niveau local, c’est que, en plus des vivres qui sont importés d’Asie notamment le riz et l’huile, nous avons un programme au niveau local que nous renforçons d’année en année. A ce titre-là, nous travaillons de concert avec d’autres acteurs notamment le ministère de l’agriculture pour voir comment on peut stimuler et renforcer la production locale.

Pour répondre à votre question en termes de bilan et par rapport à la stimulation de la production locale et aussi l’effort qui est fait pour assurer une contribution aux achats locaux, en 2020 nous avions acheté 5500 tonnes de vivres (maïs et niébé) au niveau local pour un montant de 2,2 millions de dollars. C’est au cours de cette année que nous avions signé un mémorandum avec le ministère de l’agriculture. La mise en œuvre de ce mémorandum n’étant pas effective à cette période, il n’y avait pas eu d’achat auprès des petits producteurs. Donc les 5500 tonnes de vivres ont été achetés au niveau local mais auprès des commerçants institutionnels. En 2021, de 5500 tonnes, nous sommes passés à 6700 tonnes achetées au niveau local dont 300 tonnes auprès des petits producteurs (c’était le début de la mise en œuvre du mémorandum). En 2022, nous avons acheté en tout 8750 tonnes dont 901 tonnes auprès des petits producteurs pour un montant de 4,4 millions de dollars dépensé pour les achats au niveau local.

Tout ceci contribue à booster l’économie locale. C’est pourquoi nous parlons de programme intégré. Les autres aspects liés aux transports, stockage, frais de magasinage et de manutention viennent s’ajouter à l’aspect cantine scolaire. En 2023, nous comptons aller beaucoup plus loin. A l’heure où je vous parle, nous avons déjà acheté au cours de cette nouvelle année sur le plan local (les deux premiers mois de 2023), 12600 tonnes de vivres dont 410 tonnes auprès des petits producteurs. L’une de nos actions prioritaires, c’est de promouvoir les achats auprès des petits producteurs. De 901 tonnes en 2022, nous ambitionnons achetés au moins 7000 tonnes auprès des petits producteurs en 2023.

C’est un bon de plus de 6000 tonnes de vivres !

Absolument ! Nous avons plus de 6000 tonnes de vivres par rapport au stock acheté auprès des petits producteurs uniquement. Ce qui veut dire que nous allons bon an mal an tourné autour de 15000 tonnes d’achat au niveau local avec une bonne proportion pour les petits producteurs. Mais l’ambition à terme, c’est d’acheter quasiment tous les produits au niveau local. Ce que l’on peut dire aussi, indépendamment de la question d’approvisionnement local et régional, tous les chiffres que j’ai donnés concernent les céréales, exactement le maïs, le haricot et dans une faible proportion le riz au niveau local. Le souhait est d’ajouter d’autres produits locaux fabriqués par des usines locales. C’est dans ce sens que nous allons acheter de l’huile au niveau local auprès de la Société béninoise d’huilerie. Un aspect aussi intéressant, c’est l’achat de riz auprès d’une société qui fait l’égrenage au niveau local. Nous comptons véritablement étendre nos champs d’action pour contribuer à la promotion de l’approvisionnement au niveau local.

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Quel est le bénéfice de disposer d’un système local d’approvisionnement des cantines scolaires ?

Le bénéfice est à plusieurs niveaux. Tout d’abord, c’est par rapport au fait qu’il y a une injection de cash au niveau local et qui permet de booster l’économie locale ; vis-à-vis du PAM nous avons aussi un énorme bénéfice à le faire, surtout en ce qui concerne les délais de livraison. Les crises russo-ukrainiennes ont impacté négativement les délais et les coûts de transport et même les coûts d’achat des produits. L’approvisionnement au niveau local nous permet de nous soustraire de ces contraintes. On peut avoir des vivres dans un délai plus ou moins court. Même si parfois les prix sont plus élevés au niveau local, l’intérêt est aussi de contribuer à l’accroissement de l’économie locale. Un autre aspect est purement logistique. Le fait d’avoir des contrats avec des producteurs qui sont à l’intérieur du pays nous permet également de réduire les distances en termes de livraison étant donné que nous achetons non loin des zones où nous allons distribuer. Cela réduit les coûts de transport, cela assure la rapidité des livraisons et cela donne aussi une bouffée d’oxygène à ceux qui font la production au niveau local.

A l’étape actuelle, existe-t-il des difficultés liées à l’approvisionnement des vivres sur le plan local ?

Il y a des difficultés ! A cause de la crise russo-ukrainienne, nous avons eu des délais de livraison très longs qui vont parfois jusqu’à plus de 4 mois. Ceci perturbe notre planning étant donné que les vivres que vous attendiez depuis ces mois pour assurer les distributions ne sont pas toujours reçus. C’est un grand problème pour nous en ce qui concerne les achats sur le plan international. Sur le plan local également, il y a des difficultés logistiques pour pouvoir livrer les vivres. Nous sommes sur 5350 écoles avec plus d’1,1 millions d’élèves répartis dans les 77 communes des 12 départements que compte le pays. C’est un défi énorme de livrer à peu près 12000 tonnes de vivres par trimestre. Ce qui correspond globalement à peu près à 300 remorques. Imaginez-vous près de 300 remorques à bouger ? C’est énorme. Il ne s’agit pas seulement de bouger les remorques d’une localité à une autre. Ils doivent être dispatcher de sorte à avoir de petites quantités pour livrer dans les écoles et nous utilisons tous les moyens de bord, tels que des tricycles, des motos, des pirogues pour faire les livraisons.
Le passage à 75% nous amène à mettre à niveau tous les dispositifs pour pouvoir soutenir l’opération en termes de staffing et nous avons ouvert huit bureaux de terrain : 3 sous-bureaux et 8 antennes, soit 11 bureaux que nous avons disséminer à l’intérieur du pays. Pour recruter et satisfaire aux besoins en personnel de ces bureaux, il faut des équipements, il faut avoir des véhicules et ce sont des activités que nous sommes en train de mettre en œuvre pour être à niveau et assurer un bon fonctionnement. Je pense que cette année est une année transitoire et on devrait pouvoir arriver à bout. Sans compter aussi les capacités de stockage qu’il faut améliorer parce qu’avec le passage à 75%, le dispositif de stockage actuel ne permet pas d’absorber toutes les quantités de vivres qu’il faut pour assurer les livraisons. Nous sommes également en train d’augmenter le nombre de magasins de stockage pour pouvoir répondre à cette échelle-là.

Quelle innovation le PAM projette mettre en place pour stimuler et améliorer véritablement les systèmes d’approvisionnement et les chaines de valeur au niveau national ?

Nous sommes dans un programme intégré qui implique le secteur du transport, le secteur de l’agriculture, les questions des chaines de valeur agricoles…Nous avons en perspective de booster la production locale, de renforcer la capacité des petits producteurs de sorte qu’ils puissent livrer directement aux écoles dans les zones où ces groupements ou organisations paysannes se trouvent. Depuis deux mois nous avons démarré le processus de regroupement des petits producteurs en coopérative de sorte que nous n’ayons pas à traiter avec de petites organisations paysannes avec de petites quantités. Nous sommes en train de les encourager à se regrouper pour que le PAM puisse travailler avec 2 ou 3 faitières afin de faciliter la question d’approvisionnement. Sans compter le fait que certaines structures bien organisées pourraient directement livrer aux écoles.

Nous avons aussi en perspectives le changement de modalité. Actuellement ce sont les vivres que nous transportons dans les écoles. Nous voulons aussi expérimenter une autre modalité avec des exemples qui ont bien marché ailleurs : le transfert monétaire. Il consiste à transférer des moyens d’achat ; je ne dis pas transférer de l’argent aux écoles car elles ne vont pas pouvoir faire le retrait. Il s’agit d’un compte paramétré sur des téléphones mobiles, dès qu’elles recevront ce transfert, elles pourront le transférer à d’autres fournisseurs pour récupérer des produits. C’est un système qui permet d’alléger toutes les questions logistiques de transport, de stockage et de manutention. Au-delà de booster l’économie aux niveaux local, communal, village, cette modalité permettra aux communautés d’acheter des produits qui répondent à leurs habitudes alimentaires. C’est une des innovations que nous sommes en train de planifier.

Nous avons en perspectives en termes de produits locaux, de valorisation de chaine de valeur, de doter certains groupements féminins de certaines localités qui vont assurer la transformation des produits locaux que nous allons mettre en connexion avec les écoles qui, avec les transferts monétaires, vont acheter auprès de ces groupements des produits transformés grâce à l’appui du PAM avec des équipements appropriés. Je pense par exemple à la fabrication du gari, du tapioca au niveau de ces groupements. Le Bénin a été la source pour aller former des bénéficiaires d’un autre pays. Il n’y a pas de raison qu’au Bénin, on ne puisse pas mettre ce système en place.

Nous sommes à l’heure de la digitalisation et nous allons aussi introduire cette question de sorte que les réceptions de vivres soient instantanées dans le système. Voilà quelques améliorations que nous comptons introduire qui fera que le passage à 100% ne sera pas un problème pour nous. C’est juste une question de temps pour mettre en place le dispositif nécessaire.

Votre mot de fin ?

Je demanderai l’engagement de tous. Nous avons un très bon engagement du gouvernement qui est à féliciter. C’est un des exemples qu’on ne trouve pas en Afrique où le gouvernement est engagé à ce point, en termes financier mais également sur tous les autres aspects pour accompagner un programme de protection sociale qu’est le programme des cantines scolaires. Mon souhait est que nous continuons de bénéficier de cet accompagnement et que toutes les autorités au niveau local puissent aussi accompagner le PAM pour pouvoir assurer une mise en œuvre efficace des opérations. Aussi l’engagement des communautés pour accompagner la mise en œuvre des cantines scolaires est très important parce qu’un programme d’alimentation scolaire ne peut être efficace, ne peut être durable sans leur accompagnement.

SWEDD

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