Démocratie et développement en Afrique : Coups d’État, le cancer fatal pour les peuples africains

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Au-delà des fulgurances de l’histoire qui justifient le retard de l’Afrique en termes de développement au sens large du terme, est-il possible d’oser responsabiliser les filles et fils des États africains dans un monde moderne et concurrentiel où certaines pratiques rétrogrades ne devraient plus avoir droit de cité ? Oui, peut-on répondre au regard de la résurgence des Coups de force ou des coups d’État singulièrement en Afrique de l’ouest. Ces cinq dernières années, l’espace ouest-africain vit des moments sombres en raison de l’instabilité politique à l’intérieur de certains États. Le Mali, le Burkina Faso, la Guinée… payent le prix lourd de cette instabilité politique générée par l’action brusque et intolérable des militaires. Ces derniers, profitant de leurs positions complotent contre les régimes démocratiquement installés, prennent en otage les présidents élus puis confisquent le pouvoir. Deux arguties sont constamment évoquées par les putschistes et les juntes militaires qui s’accaparent du pouvoir : la gouvernance et le contexte sécuritaire. Fin juillet 2023, le Niger sera aussi victime de cette approche complotiste d’une faction de l’armée avide du pouvoir d’État. Le Président nigérien démocratiquement élu et installé,  Mohamed Bazoum sera pris en otage par un groupe d’hommes en armes. Il s’agit là d’une irruption des militaires sur la scène politique au mépris des règles démocratiques et surtout des dispositions constitutionnelles. Face à ce coup d’État aux allures d’une pagaille assumée, la Communautés Économique des États de l’Afrique de l’Ouest ( Cedeao) a eu une position assez ferme et constant. L’organisation régionale exige avec fermeté le rétablissement de l’ordre constitutionnel et la réinstallation du président Mohamed Bazoum dans ses fonctions. Mieux, si l’option diplomatique échoue, la Cedeao n’occulte pas le recours à une intervention militaire au Niger pour rétablir l’ordre constitutionnel au cas où la junte militaire ferait la sourde oreille. Mais la position de la Cedeao est loin d’échapper aux critiques d’une certaine population et de certains acteurs se présentant comme des panafricanistes. La trame du raisonnement des pourfendeurs des décisions de la Cedeao résume à faire l’apologie des coups d’État comme solution face au malaise ressenti en matière de développement sur le continent africain. Les pays africains, grâce aux coups d’État, pourraient alors s’affranchir d’une certaine puissance désignée comme la cause des malheurs du continent pour se retrouver sous la couverture d’une autre puissance présentée comme le sauveur. Seulement, une analyse réfléchie permet de vite se détourner de tels arguments.

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*Les coups d’État, une option à bannir*

Depuis plus d’une trentaine d’années, les pays de l’Afrique de l’Ouest se sont engagés, avec fortunes diverses, dans une marche de développement portée par des régimes démocratiques. Si des défis importants restent à relever par les pouvoirs publics assumés par des civils choisis au terme des élections démocratiques, les coups d’État viennent ruiner les efforts de développement en cours.  En effet, en démocratie, le mode d’expression politique des populations est porté par le bulletin de vote à travers les élections. C’est à ces occasions que les populations choisissent leurs dirigeants pour une durée donnée. C’est aussi là qu’elles sanctionnent les dirigeants ou leur décernent un satisfécit. Si les putschistes et leurs accompagnateurs proclament l’échec des régimes civils, ils oublient aussi que la démocratie, comme tout autre système politique, est perfectible, qu’elle a donc ses points forts et ses points faibles. Ils oublient surtout, que la démocratie permet que, sur le temps d’un mandat, la voix de la majorité du peuple oriente l’action politique. De façon concrète, les populations élisent le président de la République, les députés, les maires, les chefs quartiers, etc. Le modèle de démocratie a essaimé , au-delà du cadre étatique, plusieurs autres sphères de vie civique. C’est ainsi par exemple que dans certaines organisations sociales (ONG, Associations, entreprises publiques ou privées), on élit aussi les responsables. Au sommet de l’État, parce-qu’ils s’agit des hommes, pour une raison ou une autre, des difficultés de parcours, des incompréhensions voire des crises peuvent survenir dans un régime de démocratie. Mais ce système a aussi prévu des mécanismes de règlement des crises à travers des textes de lois et règlements. La démocratie a donc tout prévu pour créer un espace de dialogue pour que les différends soient réglés par les voies républicaines et non par la force ou la remise en cause de l’ordre constitutionnel. On ne peut donc comprendre que des militaires, parce qu’ils ont des armes, interviennent pour mettre fin au processus démocratique. Si les coups d’État sont admis, les putschs devraient-ils aussi mettre fin aux mandats d’un maire ou d’un députés avec qui l’on n’est plus d’accord au sein d’une circonscription électorale ou à l’intérieur d’une commune ? Aussi, doit-on comprendre dans l’entendement de ceux qui applaudissent les coups d’État que le recours à la force peut aussi écourter le pouvoir des chefs de famille ou les dignitaires traditionnels (têtes couronnées et autres)? Il est risqué de promouvoir cette culture de coup de force car,  elle créerait une société de type anomique où  l’anarchie totale deviendrait la règle. Mieux, les coups d’État n’ont jamais été sollicités par les populations africaines parce-qu’elles seraient mécontentes ou en désaccord avec un gouvernement. Dans chacun des pays visés, il s’agit toujours d’une initiative cavalière de quelques militaires ou acteurs politiques sans perspectives. Loin de proclamer une démocratie parfaite, il s’agit pour les peuples africains de comprendre que la démocratie est un processus, un apprentissage de tous les jours afin de la mettre, comme un outil au service de développement.

*Démocratie, des exemples à suivre*

Avec ses imperfections, la démocratie reste encore, si elle est adoptée dans les consciences et dans les actes, le seul régime qui permet d’assurer une continuité dans le développement des pays. À travers le monde, des faits viennent attester de qu’en dépit des crises politiques ou sociétales, les peuples peuvent s’attacher à une culture démocratique pour surmonter les épreuves et poursuivre la construction d’un destin national. En occident, l’actualité aux Etats-Unis avec les comportements de l’ancien président Donald TRUMP prouve bien que même un pays qui pratique la démocratie depuis des siècles, peut connaître des crises majeures. Pourtant aux États-Unis, les militaires n’ont pas fait irruption sur la scène politique pour prendre le pouvoir. La dernière réforme des retraites en France a nourri de vives contestations avec une grosse crise sociale. Toujours en France, l’épisode des gilets jaunes est connu pour ses effets déchirants de la société française. Mais à aucun moment,  les militaires français n’ont pris les armes pour interrompre le mandat du président Emmanuel Macron. Il en résulte que la norme prescrit un jeu démocratique qui conforte un pouvoir politique au cours d’un manque quitte à ce qu’il soit sanctionné par les populations au cours des élections. L’action politique est appréciée par les populations dans les urnes. Et aucun recours à la force n’est productif en ce qu’il ne permet d’ailleurs pas d’aller vers une maturité démocratique à travers des correctifs permanents pour impacter significativement la gouvernance et les conditions de vie  des populations. Les coups d’État génèrent l’instabilité chronique et ne favorisent pas une action politique cohérente, gage d’un développement durable.
D’ailleurs les putschistes qui ont pris le pouvoir au Mali en sont conscients. C’est pourquoi ils ont inscrit dans la nouvelle Constitution qu’ils viennent de faire adopter pour le pays que : Article 187 : « Tout coup d’Etat ou putsch est un crime imprescriptible contre le peuple malien »
Article 188 : « Les faits antérieurs à la promulgation de la présente Constitution, couverts par des lois d’amnistie, ne peuvent, en aucun cas, faire l’objet de poursuite, d’instruction ou de jugement. ». Avec ces dispositions, il est loisible de constater que  les militaires ne veulent pas subir eux-mêmes des coups d’Etat. Mieux, les putschistes ont voulu s’éviter tout jugement futur. Les militaires putschistes sont conscients qu’un coup d’État ne fait pas avancer un pays. Quoi de plus de normal que la CEDEAO soit championne dans la promotion des régimes démocratiques. Les africains, sans exception aucune doivent condamner des coups de force et appeler dans tous les pays victimes de coups d’État à un retour à l’ordre constitutionnel. Si les africains ne se détournent pas des coups de force, ils donneront raison à un ancien président Français, Jacques CHIRAC, qui disait que « la démocratie est un luxe pour l’Afrique ». Si cette phrase avait soulevé de vives critiques, la résurgence des Coups d’État laisse croire que l’Afrique est incapable de faire son apprentissage jusqu’à atteindre les standards les plus élevés en matière de développement.

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*La Cedeao à la solde de la France, une fausse lecture*

Faut-il voir la main d’une puissance étrangère dans les positions fermes de la Cedeao relativement aux coups d’État intervenus dans la région ? Non, peut-on répondre même si certains avis tentent de faire croire le contraire.  En effet, l’idée répandue serait que la Cedeao serait à la solde de la France, et par conséquent, empêcherait les pays de se développer. D’abord, la Cedeao n’est pas composée que de pays francophones, anciennement colonisés par la France. Des pays comme le Nigeria et le Ghana sont membres de la Cedeao. D’ailleurs c’est le Nigeria qui en assure la présidence de la Cedeao avec le président Bola Tinubu. Ainsi donc,  il est incompréhensible qu’on infantilise les  pays ouest-africains à travers l’idée que la France leur dicterait ou imposerait ce qu’ils doivent faire surtout dans une situation où des militaires ont pris en otage un président démocratiquement élu au Niger. Depuis le coup d’État au Niger, les  Etats-Unis d’Amérique et  l’ONU ont soutenu par des déclarations,
les décisions de la Cedeao. Mais il a suffi que la  France affiche une position pour qu’en chœur, certains pseudo panafricanistes taxent la Cedeao d’être à la solde de la France. Au-delà des appréhensions, il est question de travailler à asseoir les bases d’une bonne gouvernance au sein des pays africains avec des hommes ayant de la vision. Au Bénin, depuis 2016, en dépit des difficultés,  grâce à la qualité de la gouvernance, le sort du pays change de plus en plus positivement. Il en résulte qu’au bout de l’effort, il est possible d’amorcer le développement des États africains.

*Rétablir l’ordre constitutionnel au Niger, un impératif*

La réaction de la CEDEAO, face au coup d’État intervenu au Niger est à la fermeté : exigence de réinstallation du président Mohamed Bazoum dans ses fonctions, rétablissement de l’ordre constitutionnel et, à défaut, intervention militaire pour y procéder. Cette décision est celle portée par l’organisation. Il ne s’agit donc pas de décision prise par un État membre de façon cavalière. Le but de la Cedeao est d’œuvrer pour éviter que l’anarchie s’installe au point de déstabiliser la sous-région entière. Les vertus de la démocratie sont connues. Les États doivent s’y attacher pour poursuivre leur marche vers le progrès. La Cedeao a donc raison d’avoir un ton femme afin que tous les pays n’entrent dans un cycle vicieux d’éternellement recommencement sans jamais réussir à améliorer les conditions de vie des populations. Si sur le cas nigérien, la Cedeao joue à la complaisance, le cancer du coup d’État peut se propager dans tous les autres pays et ruiner les efforts de développement en cours dans la sous-région. Le silence de la Cedeao serait un tapis rouge dressé à des cours d’État
dans les pays déjà en crise. Pour l’heure, la Cedeao est engagée dans une voie diplomatique pour rétablir l’ordre constitutionnel au Niger. Si demain la Cedeao était obligée d’intervenir militairement, il ne s’agirait pas d’engager une guerre contre le peuple nigérien, mais juste d’une action ponctuelle en vue de restaurer la démocratie et la souveraineté du pays.

*Le Bénin, un engagement justifié*

Dans le dossier nigérien, le Bénin assume pleinement la position de la Cedeao qui est aussi celle des pays membres. En tant que membre de la Cedeao, le Bénin est un partenaire fiable et tient ses engagements. Par ailleurs, en raison de la proximité géographique, le Bénin qui fait déjà tant d’efforts pour se développer à intérêt à ce que la stabilité règne au Niger. Si à cause des coups d’État, le Niger devient un théâtre de crise sécuritaire comme c’est le cas d’autres pays du Sahel, le Bénin serait amené à déployer plus de ressources pour sa propre sécurité. Or, les ressources rares mobilisées seraient plus utiles pour financer le développement et améliorer les conditions de vie des populations béninoises à travers la mise en œuvre des projets inscrits au Programme d’actions du gouvernement. Le Bénin n’est donc pas dans un engagement démesuré dans le dossier nigérien. Il s’agit d’une position réfléchie qui vise aussi à préserver les intérêts du Bénin et de la région.

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