Licenciement du Directeur administratif et financier de la mairie d’Abomey : le SE et le préfet du Zou finissent au tribunal
Dans le département du Zou, le Secrétaire exécutif (SE) de la mairie d’Abomey et le Préfet Firmin Kouton sont à couteaux tirés dans un dossier de licenciement qui vient d’être tranché par la chambre administrative du tribunal d’Abomey.
19 juillet 2023. Le SE de la mairie d’Abomey a licencié le Directeur administratif et financier (Daaf) pour faute lourde. Le lendemain, soit le 20 juillet, notification de l’acte de licenciement a été faite à l’autorité de tutelle. Estimant que la procédure suivie par le SE pour ce licenciement est irrégulière, le préfet a suspendu l’exécution de la décision puis l’a déférée devant le juge administratif compétent. Le 24 juillet 2023, le préfet du Zou a saisi le tribunal à travers un déféré préfectoral aux fins de voir déclarée illégale la décision de licenciement du Daaf prise par le Secrétaire exécutif de la mairie d’Abomey. Le préfet soutient que la fonction de Daaf est l’une des principales fonctions administratives des mairies dont le titulaire est tiré au sort du fichier national.
À cet effet, poursuit-il, le licenciement librement opéré par le SE viole les dispositions de l’article 133 de la loi n°2021-14 du 20 décembre 2021 portant code de l’administration territoriale en République du Bénin. Par ailleurs, le préfet du Zou demande au tribunal de constater la violation de l’article 275, point 6, du même code par le SE dans sa décision de licenciement. Cet article demande entre autres que les actes de sanction pris par les autorités communales soient obligatoirement soumis à l’approbation du préfet qui dispose de 15 jours pour donner son appréciation. Le préfet rappelle que la correspondance du SE relative au licenciement du Daaf lui est parvenue le 20 juillet, et que sans attendre l’approbation, celui-ci a demandé au Daaf licencié de passer service le 21 juillet sans lui indiquer l’identité de son successeur avec le risque de rompre la continuité du service public. L’argumentation du préfet a aussi pris en compte certaines dispositions de la loi n° 2015-18 du 1er septembre 2017 portant statut général de la fonction publique. Le préfet Firmin Kouton soutient qu’étant donné que le Daaf est en service dans une administration publique, son licenciement devrait suivre également la procédure indiquée aux articles 340 et suivant du statut général de la fonction publique.
Ces dispositions permettent de savoir que la sanction relative au licenciement d’un agent communal relève des sanctions du second degré et ne peuvent être prononcées, en cas de de faute grave, que suivant la procédure ci-après : demande d’explication adressée à l’agent fautif, communication à l’agent de son dossier disciplinaire, consultation de la commission administrative paritaire (Cap) siégeant en matière disciplinaire. Le préfet fait remarquer que cette procédure de sanction n’a nullement été respectée par le SE d’Abomey dans la prise de sa décision de licenciement du Daaf qui n’a été fondée seulement sur l’article 37 de la loi n°2017-05 du 29 août 2017 fixant les conditions et procédures d’embauche, de placement de la main-d’œuvre et de la résiliation du contrat de travail. Pour sa défense, le Secrétaire exécutif de la mairie d’Abomey soutient que le préfet de département gère la tutelle des collectivités territoriales et veille, à ce titre, à la légalité de leurs actes.
Le pouvoir de tutelle sur la commune comporte, entre autres, la fonction d’examen de la légalité des actes pris par les autorités communales, poursuit-il. Le SE soutient qu’en vertu de l’article 275 du code sus-visé, la lettre de notification de licenciement a été régulièrement portée à la connaissance du préfet pour information et exploitation. Le SE fait savoir que le préfet, se référant au terme »exploitation » devrait, après la suspension de l’exécution de la décision, exercer les pouvoirs relevant de ses prérogatives en prenant soit un arrêt d’approbation ou de refus d’approbation dans les délais légaux. Le SE ne digère pas non plus le fait que le préfet ait manqué de rappeler qu’il a été saisi par une seconde correspondance aux fins d’examiner la légalité de ladite lettre de licenciement. Pour finir, le SE ne reconnaît pas avoir violé les dispositions évoquées par le Préfet.
Après examen des mémoires du préfet et du SE, la chambre administrative du tribunal d’Abomey a tranché le contentieux. La juridiction estime que la révocation du Daaf de la mairie doit recevoir l’approbation explicite de l’autorité de tutelle. « Le législateur a, par cette formalité, voulu protéger le fonctionnement régulier et optimal des communes contre les révocations fantaisistes et préjudiciables pour le service public », lit-on dans la décision de justice. La chambre administrative du tribunal d’Abomey fait remarquer que dans le cas d’espèce, l’approbation de l’autorité de tutelle n’a pas été sollicitée et obtenue avant d’intimer à l’agent de passer service immédiatement. «Il convient de juger que dans ces conditions, la décision de licenciement du Daaf de la mairie d’Abomey méconnaît les dispositions légales», a délibéré le juge qui a prononcé par la même occasion l’annulation de la décision de licenciement. Le bras de fer administratif entre le préfet du département du Zou, Firmin Kouton et le Secrétaire exécutif de la mairie d’Abomey est comme une course qui a commencé le 19 juillet avant de finir au tribunal d’Abomey à travers le jugement n°02/23 du 30 août 2023.
B. K. S