Crise sécuritaire, gouvernance et besoins de développement : Au Niger, Tiani et la junte militaire aux abois

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(Une révolte populaire, scénario presque inévitable)

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Le sage a dit qu’on ne connait véritablement les hommes que face au péril, à cet instant précis, imparable, où les certitudes vacillent. Les auteurs du coup de force au Niger ont tort de se réjouir des derniers développements de la situation ainsi que de ce qui semble être le triomphe du fait accompli, car toutes les hypothèses restent possibles, et c’est maintenant que le plus dur commence. Empêtré dans ses propres contradictions, son pseudo-régime de transition asphyxié par les sanctions de la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (Cedeao) qui ont rendu l’économie nigérienne exsangue en quelques semaines seulement, incapable de proposer une politique cohérente en dehors d’un nationalisme du bout des lèvres et des postures médiatiques destinées à une clientèle désabusée, le chef des putschistes nigériens est désormais face à ses responsabilités.

Il est peu probable que le peuple nigérien, première victime des sanctions de la Cedeao, se contente de ses incantations et des discours violents désignant la France comme le bouc émissaire idéal. D’autant qu’en annonçant, le 24 septembre dernier, sa double décision de ramener l’ambassadeur Sylvain Itté au bercail et de mettre fin à la coopération militaire entre la France et le Niger, Emmanuel Macron a coupé l’herbe sous les pieds de la junte et ses soutiens pétaradants des réseaux sociaux, ces néo-panafricanistes autoproclamés au propos clivant et violent. Il est évident que ce disque, présentant la France sous le trait d’un ogre dévorant l’espoir du peuple nigérien et toutes les possibilités de son développement, n’aura plus d’écho au sein des opinions publiques.

Désormais, les putschistes doivent trouver un autre refrain. Car les Nigériens, eux, ont besoin de faire bouillir leur marmite, de manger à leur faim, de se ravitailler aisément avec les produits de première nécessité à partir du port de Cotonou ou celui de Lomé, de vaquer librement à leurs occupations sans craindre d’être attaqués par les groupes armés terroristes parce que le chef de la junte a mobilisé les troupes à Niamey pour assurer sa propre sécurité. Ce peuple, disons-le tout net, n’est pas dupe et sait où se trouve le principal responsable de ses malheurs, celui dont l’ambition du pouvoir a entraîné la suspension de toutes les aides vitales pour le pays.

On l’a vu, depuis le 26 juillet dernier, où ils ont pris en otage le président démocratiquement élu du Niger, Abdourahamane Tiani et sa bande se sont lancés dans une fuite en avant permanente, désignant des ennemis et boucs émissaires imaginaires. Mais pour leur malheur, cette stratégie du complot permanent, qui rappelle celle adoptée depuis le premier jour de son avènement par la junte malienne, et qui les enferme dans une paranoïa aiguë, voyant le mal partout, même sous leur lit, ne constitue pas une politique viable pour le petit peuple en quête d’un hypothétique pain quotidien.

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À y regarder de près, le chef de la junte nigérienne, qui souffre manifestement du syndrome du « mal-aimé », s’est enfermé dans les outrances langagières et les exagérations pour masquer son incompétence ainsi que son manque de légitimité. C’est connu, les usurpateurs, font feu de tout bois pour se faire remarquer, donc chercher à exister. La cohérence et la pondération ? Ils ne connaissent pas. Ce qu’ils affectionnent particulièrement ? Multiplier les fronts afin de faire oublier une incapacité à proposer des solutions aux problèmes quotidiens des populations, et une peine à obtenir des résultats probants dans le domaine de sécurité, lequel a servi de prétexte à leur coup d’État. D’ailleurs, dans le manuel de propagande offert par la Russie – la seule chose que les Russes peuvent offrir – il leur est demandé d’adopter une stratégie d’isolement afin de vivre en marge de la société et ainsi éviter de faire face aux exigences qu’imposent les valeurs démocratiques.

Les modèles qui leur sont proposés, faut-il le souligner, sont ceux de la Corée du Nord, de l’Iran ou de la Russie, trois États dont les systèmes politiques n’ont rien de démocratique et qui évoluent en marge de la communauté internationale. Il leur est recommandé de faire peu de cas des préoccupations réelles des peuples. La vérité, c’est que le général Tiani, qui a justifié son coup d’État par une supposée volonté d’améliorer la situation sécuritaire du Niger, est bien conscient de son impuissance face aux attaques terroristes et de son inaptitude à protéger ses compatriotes ; il a surtout conscience de la dégradation continue de la situation, qui occasionnera, sûrement, dans les semaines à venir, plus de victimes dans les rangs des militaires.

Et ce n’est pas en vivant reclus dans son palais doré ni en confiant les postes juteux au sein de l’administration à ses proches, dont certains, comme l’actuel ministre du Pétrole, Mahaman Moustapha Barké, sont pourtant accusés de corruption, qu’il parviendra à juguler les défis sécuritaires qui se posent au Niger. Inutile de rappeler que les tensions géopolitiques et la menace d’intervention de la Cedeao qui est toujours sur la table constituent une aubaine pour les groupes armés terroristes. Sans compter la faute commise par le général Tiani en ordonnant le repli des soldats à Niamey pour protéger son fauteuil contre une éventuelle opération de l’organisation sous-régionale, conduisant à un relâchement de la pression sur les groupes terroristes.

Un peu moins de deux mois après le putsch, près d’une dizaine d’attaques de groupes armés terroristes ont été recensés ; celles-ci ont fait plus de 70 victimes, dont une quarantaine de soldats. Raison pour laquelle certains chefs militaires l’ont prévenu sur les risques que ferait courir un retrait précipité des forces françaises. Car l’armée nigérienne ne dispose pas de capacité opérationnelle pour contenir les groupes djihadistes. Mais Abdourahamane Tiani, qui est un général d’opérette, n’a pas voulu entendre parler du maintien de l’armée française sur son territoire, faisant ainsi peu de cas de la vie des soldats nigériens. Pas étonnant que les signes de mécontentement au sein de la troupe se multiplient ces derniers temps ; les soldats du rang et autres officiers subalternes ne se sentant pas soutenus par ces généraux putschistes et affairistes, plus préoccupés à défendre leurs intérêts financiers qu’à être sensibles à la détresse des soldats. Or, nul doute que face à la gronde au sein de l’armée, le chef de la junte, qui n’a ni les épaules encore moins la légitimité du suffrage universel et qui est visé par une menace d’intervention des soldats de la Cedeao, est dos au mur, incapable de s’en sortir.

S. Konan (col.)

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