Fraude dans l’organisation des examens du permis de conduire : Une candidate et 3 faussaires en prison, la CRIET frappe

Les derniers examens du permis de conduire organisés au Bénin ont ouvert la voie à une procédure pénale. En cause, l’action d’un réseau de faussaires organisés. Selon nos sources, la fraude a lieu lors de la session du mois de novembre 2023. Les compositions, on le sait, se déroulent par vague composée d’une cinquantaine de candidats. Dans le principe, les candidats sont soumis à une série de vingt questions dans un temps bien donné. Les épreuves sont depuis quelques mois numérisées.

Les candidats composent donc via les plateformes sur des espaces personnalisés avec des codes uniques d’accès. À la lisière du temps imparti pour la composition, les candidats doivent valider le guide pour avoir la notation générale automatiquement. À Cotonou où l’incident de la fraude a été décelé, nos sources informent que c’est une jeune candidate de moins de 25 ans au comportement suspect qui a attiré l’attention de l’équipe de supervision.

Alors que le temps de composition est épuisé, cette candidate était encore à la traîne n’ayant pas validé une série de cinq questions sur la vingtaine proposée. Soumise à un interrogatoire par le corps de contrôle sur place, la jeune candidate aurait révélé la stratégie de la fraude dont elle devrait bénéficier pour valider l’examen. Selon nos sources qui rapportent les confidences de la jeune candidate, celle-ci aurait été instruite par un moniteur d’une auto-école dont nous taisons volontairement le nom pour faire semblant de juste valider 3 questions puis de laisser les 17 autres du questionnaire.

Le même moniteur d’auto-école devrait ensuite prendre la main sur la plateforme après la composition formelle pour poursuivre et finir l’épreuve sur la plateforme en ligne. Bien entendu, avec le niveau de maitrise de ce moniteur d’auto-école, l’assurance a été donnée à la jeune candidate qu’elle aurait la bonne moyenne pour être admissible. Toujours sur le registre des révélations, la jeune candidate aurait déclaré qu’elle devrait payer 30.000 francs CFA au moniteur d’auto-école pour ce service. De toute évidence, cette situation de tricherie est un flagrant délit habituellement déféré devant les juridictions. Le corps de supervision le sait. Nos sources informent que l’affaire a été transférée à la Brigade économique et financière. Sur place, la candidate sera auditionnée.

La Bef prend le temps de comprendre le système de composition pour l’obtention du permis de conduire. Les officiers de police se rendront compte que la composition en ligne est conditionnée à la détention d’un code secret personnalisé attribué à chaque candidat. Question, comment un moniteur d’auto-école qui se trouve hors de la salle de composition peut-il être en train de composer sur la plateforme en lieu et place d’une candidate présente en salle avec l’outil de composition en main ? Nos sources informent que les officiers vont conclure qu’il y a forcément une fuite dans le système de délivrance des codes secrets. Autrement dit, le code secret de la candidate prise en flagrant délit de tricherie a forcément été communiqué au promoteur d’auto-école par un tiers.

C’est donc avec ce code qu’il a pu se connecter depuis sa position pour prendre la main sur l’espace de composition de la jeune candidate en salle pour composer. L’analyse des faits amène la Bef à s’intéresser au service technique de l’Anatt chargé d’émettre les codes secrets. Dans la foulée une plainte signée des plus hautes responsables de l’Anatt a été envoyée à la Brigade économique et financière. Sur la base de cette plainte, la Bef a ouvert une procédure d’enquête. Les noms et contacts des surveillants en poste dans la salle de composition de la candidate ont été envoyés à la Bef. Les promoteurs d’auto-école, les surveillants de salle de composition et toutes les autres personnes présentes le jour de la composition ont été écoutés à la Bef.

Selon nos sources, de l’analyse des données téléphoniques réalisée, il est ressorti des informations clés en ce qui concerne le réseau de fraude et les niveaux de complicité. Les mêmes sources informent que la candidate surprise en flagrant délit a été présentée à la CRIET. Les révélations qu’elle a faites avant d’être placée sous mandat de dépôt ont permis de mettre aux arrêts certaines personnes. Il s’agit notamment de Chadas Zinzalo, de Moktar Tokpo, un moniteur de l’auto-école où la candidate a suivi sa formation avec peu d’assiduité. Moktar Tokpo serait celui qui est resté le plus en contact avec la candidate.

C’est lui qui aurait composé en lieu et place de la candidate avec le code secret obtenu plus tôt. Lors de l’audition, le promoteur de l’auto-école aurait déclaré avoir renvoyé depuis quelques semaines Moktar Tokpo qui ne ferait donc plus partie de son effectif. Isaïe Oke, un ancien stagiaire de l’Anatt est présenté comme celui qui est venu configurer les smartphones destinés aux candidats le jour de la composition sans mandat et sous un délai de qualité. Il n’était pas habilité à faire cette configuration. Nos sources informent que c’est cet ancien stagiaire qui aurait transmis les codes secrets aux autres membres du réseau de fraude notamment les personnes hors de la salle, mais qui composaient en lieu et place des candidats réguliers.

Isaïe Oke est mis aux arrêts, de même que son  »acolyte » Chadas Zinzalo selon nos sources. Nos sources informent que Chadas Zinzalo est toujours aux alentours des centres de composition, et, grâce au code secret fourni par Isaïe Oke, il compose souvent à la place des candidats répartis sur plusieurs vagues.

À l’heure actuelle, les trois individus sont déposés en prison. La Bef poursuit ses investigations pour démanteler tout le réseau de fraude dans cette affaire d’examen de permis de conduire. Selon nos sources, le Chef annexe de l’Anatt qui aurait donné l’autorisation à Isaïe Oke d’aller configurer les portables le jour de la composition est placé sous convocation en attendant de voir clair dans les relations qui le relient aux membres du réseau.

Brivaël Klokpê Sogbovi