Fraude dans l’organisation des examens du permis de conduire : CRIET : 3 faussaires au gnouf, le procès renvoyé en mars
L’examen du permis de conduire, session du mois de novembre 2023 organisé par l’Agence nationale des transports terrestres (Anatt) est toujours au cœur de l’actualité judiciaire. Un cas de fraude décelé lors de cette session est déféré devant la Cour de Répression des Infractions Économiques et du Terrorisme (CRIET). Dans cette affaire, trois personnes croupissent depuis en prison en raison de leur niveau de responsabilité dans la fraude.
À Cotonou où l’incident de la fraude a été décelé, nos sources informent que c’est une jeune candidate de moins de 25 ans au comportement suspect qui a attiré l’attention de l’équipe de supervision. Alors que le temps de composition est épuisé, cette candidate était encore à la traîne n’ayant pas validé une série de cinq questions sur la vingtaine proposée. Soumise à un interrogatoire par le corps de contrôle sur place, la jeune candidate a révélé la stratégie de la fraude dont elle devrait bénéficier pour valider l’examen. Selon nos sources qui rapportent les confidences de la jeune candidate, celle-ci aurait été instruite par un moniteur d’une auto-école de faire semblant de juste valider 3 questions puis de laisser les 17 autres du questionnaire.
Le même moniteur d’auto-école devrait ensuite prendre la main sur la plateforme après la composition formelle pour poursuivre et finir l’épreuve sur la plateforme en ligne. Bien entendu, avec le niveau de maitrise de ce moniteur d’auto-école, l’assurance a été donnée à la jeune candidate qu’elle aurait la bonne moyenne pour être admissible. Toujours sur le registre des révélations, la jeune candidate a déclaré qu’elle devrait payer 30.000 francs CFA au moniteur d’auto-école pour ce service.
De toute évidence, cette situation de tricherie est un flagrant délit. Dans la foulée, l’affaire a été transférée à la Brigade économique et financière. Sur place, la candidate sera auditionnée. La Bef prend le temps de comprendre le système de composition pour l’obtention du permis de conduire. Les officiers de police se rendront compte que la composition en ligne est conditionnée à la détention d’un code secret personnalisé attribué à chaque candidat. Question, comment un moniteur et/ou promoteur d’auto-école qui se trouve hors de la salle de composition peut-il être en train de composer sur la plateforme en lieu et place d’une candidate présente en salle avec l’outil de composition en main ? Nos sources informent que les officiers vont conclure qu’il y a forcément une fuite dans le système de délivrance des codes secrets.
Autrement dit, le code secret de la candidate prise en flagrant délit de tricherie a forcément été communiqué au moniteur d’auto-école par un tiers. C’est donc avec ce code qu’il a pu se connecter depuis sa position pour prendre la main sur l’espace de composition de la jeune candidate en salle pour composer. L’analyse des faits amène la Bef à s’intéresser au service technique de l’Anatt chargé d’émettre les codes secrets.
De la BEF à la CRIET
L’affaire agace et il paraissait urgent de situer les responsabilités. Les plus hauts responsables de l’Anatt ont alors porté plainte. Sur la base de cette plainte, la Bef a ouvert une procédure d’enquête. Les noms et contacts des surveillants en poste dans la salle de composition de la candidate ont été envoyés à la Bef. Les moniteurs d’auto-école, les surveillants de salle de composition et toutes les autres personnes présentes le jour de la composition ont été écoutés.
L’analyse des données téléphoniques réalisée révèle des informations clés en ce qui concerne le réseau de fraude et les niveaux de complicité. La CRIET reprend la main dans ce dossier de flagrant délit. Trois personnes seront placées sous mandat de dépôt. Il s’agit notamment de Chadas Zinzalo, de Moktar Tokpo, un moniteur de l’auto-école où la candidate a suivi sa formation avec peu d’assiduité. Moktar Tokpo serait celui qui est resté le plus en contact avec la candidate.
C’est lui qui composerait en lieu et place de la candidate avec le code secret obtenu plutôt. Lors de l’audition, le promoteur de l’auto-école aurait déclaré avoir renvoyé depuis quelques semaines Moktar Tokpo qui ne ferait donc plus partie de son effectif. Isaïe Oke, un ancien stagiaire de l’Anatt est présenté comme celui qui est venu configurer les téléphones des candidats le jour de la composition sans mandat avec un défaut de qualité.
Il n’était pas habilité à faire cette configuration. Nos sources informent que c’est cet ancien stagiaire qui aurait transmis les codes secrets aux autres membres du réseau de fraude notamment les personnes hors de la salle, mais qui composaient en lieu et place des candidats réguliers. Isaïe Oke serait mis aux arrêts de même que son »acolyte » Chadas Zinzalo selon nos sources. Nos sources informent que Chadas Zinzalo est toujours aux alentours des centres de composition, et, grâce au code secret fourni par Isaïe Oke, il compose souvent à la place des candidats répartis sur plusieurs vagues.
Selon nos sources, Benoît Boko, le Chef Annexe de l’Anatt qui aurait donné l’autorisation à Isaïe Oke d’aller configurer les portables le jour de la composition a été écouté à la Bef et placé sous convocation en attendant de voir clair dans les relations qui le relient aux membres du réseau.Le procès à la CRIETÀ la Cour de Répression des Infractions Économiques et du Terrorisme (CRIET), les juges suivent de près le dossier. Mais l’absence suspecte de Benoît Boko, le Chef Annexe Cotonou de l’Anatt aux audiences ne facilite pas les affaires. Selon nos sources, à la dernière audience à la CRIET, Benoît Boko n’a pas répondu présent alors qu’il est mis sous convocation.
Avec son rôle présumé dans l’affaire, Benoît Boko est un pion clé pour aider à comprendre le mécanisme par lequel, sous sa responsabilité, de tierces personnes sont parvenues à avoir les codes secrets. Aussi, au nom de quel texte, a-t-il mandaté un ancien stagiaire pour configurer les appareils de composition ? Il s’agit des questions que les juges se posent pour faire évoluer le dossier. Les juges devront finir par contraindre peut-être Benoît Boko à comparaître. Selon des sources concordantes proches du dossier, la stratégie de fuite des codes aurait profité à plusieurs candidats lors de cette session de l’examen de permis de conduire. La fraude serait alors une fraude massive et par conséquent devrait conduire à une annulation de cette session d’examen de permis de conduire du mois de novembre. Cette affaire cache encore des secrets. Alors que le procès a été renvoyé au mois de mars 2024, le directeur des Titres de l’Anatt qui aurait mis à nu la fraude dans le centre de composition devient un élément clé. C’est en effet grâce à sa vigilance que la fraude a été décelée.
Son récit des faits apparaît plus que jamais important. Le faire comparaître pour l’écouter en mars prochain à la CRIET permettrait assurément aux juges d’avoir encore plus d’éclaircissement sur les faits afin de prendre des décisions qui s’imposent.
L’affaire est sérieuse et risque de laisser des doutes sur la transparence dans l’organisation des examens de permis de conduire au Bénin. De lourdes sanctions pénales et une annulation de cette session seraient de sages décisions.
À suivre…
B. K. S
J’ai bien compris