« La constitution du Bénin est devenue celle de Patrice Talon » : Yayi Boni sur le projet de loi déjà au niveau de la commission des lois de l’Assemblée Nationale

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L’ancien Président du Bénin et Président du parti d’opposition Les Démocrates (LD) Boni Yayi a donné son avis tranché sur le projet de loi portant révision de la constitution béninoise déposée à l’Assemblée Nationale.

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Selon lui, à l’heure actuelle, le Bénin n’a aucun besoin de faire cette révision et cela représente un piège et un danger pour le pays si un tel projet connaît un aboutissement heureux. Il l’a fait savoir à travers une tribune sur sa page Facebook ce mercredi 31 janvier 2024.

In Extenso sa déclaration détaillée

PROPOSITION DE RÉVISION DE LA CONSTITUTION DU BENIN

Ce qu’il faut savoir

A 2 ans de la fin de son mandat, et alors que rien ne presse, pourquoi le Président Talon entreprend t-il de réviser une seconde fois la constitution du 11 décembre 1990 ?

En 2019, à son initiative, lui et ses partisans ont eu le loisir de récrire la constitution, de désorganiser les institutions, d’imposer un calendrier électoral, tout ceci comme bon leur semble. La constitution du Bénin est ainsi devenue depuis le 7 novembre 2019 la constitution du président Talon. C’est ce que le Chef de l’État et son parlement, monocolore à l’époque, en ont fait. Une constitution bavarde, réécrite avec légèreté, avec amateurisme par des mains suspectes.

Pour comprendre les dessous des cartes, décoder les non-dits de cette proposition, pour savoir ce qui se jouera dans les jours à venir, il importe de se poser les bonnes questions. Et en répondant à ces questions, chacun comprendra les enjeux de ce nouveau projet de révision. L’objet de cette note est d’abord, d’éclairer les élus de tout bord, ensuite de sensibiliser les dirigeants de l’opposition et enfin d’aider à faire échec à l’initiative en cours.La première question qu’il importe de se poser est de savoir ce qui se passerait si la constitution n’est pas révisée avant les élections générales de 2026 ?

Le pays organiserait-il de mauvaises élections ?

Risquons-nous d’avoir des élections aussi opaques, aussi violentes et ensanglantées comme nous en connaissons depuis 2019 ? Que se passerait-il de grave dans le fonctionnement des institutions et dans les opérations de préparation et de déroulement des trois élections si nous maintenons la constitution en l’état jusqu’en 2026 ?

A l’étape actuelle, il est possible de répondre sans aucun risque de se tromper qu’il n’y a aucun péril à maintenir en l’état la constitution du 11 décembre 1990. Aucun problème, aucune difficulté ne se poserait. La deuxième question est celle-ci. Si ne pas réviser la constitution ne génèrera aucun problème au système politique et à l’organisation des élections, la réviser aiderait-elle à résoudre quand même un problème donné ? Un problème flagrant et manifeste?

C’est à dire, résout-on un problème politique, un dysfonctionnement institutionnel, une imprécision normative que tout le monde voit et sur laquelle s’est dégagé un consensus ? A la date du dépôt de cette proposition de loi de révision, aucun diagnostic n’a conduit à constater le problème et en conséquence, à proposer une modification de la constitution.

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Car personne, en dehors du pouvoir actuel, ne voit en quoi organiser les élections législatives et municipales avant les élections présidentielles en 2026 poserait problème à notre pays.Et d’ailleurs, l’opposition n’avait jamais identifié un problème, un dysfonctionnement, une faille qui nécessiterait une révision de la constitution deux ans avant la fin définitive du mandat du Président Talon. L’opposition n’avait pas non plus envisagé une révision pour inverser l’ordre des élections et retoucher l’article 42 de la constitution.

A cette date, l’opposition au Président Patrice Talon, en particulier les députés LD n’avait jamais imaginé ni envisagé une révision de la constitution pour résoudre quelque problème que ce soit. Le calendrier électoral actuel a été imposé par le Président Talon dans un lot de réformes qui ont précipité le Bénin dans un cycle de violence et endeuillé le pays. A cette époque, la révision constitutionnelle de 2019, le parrainage, les élections groupées et surtout l’ordre des élections tenaient tellement à cœur au Président Talon et à ses députés qu’ils ont mobilisé l’armée pour les appliquer.

Le Bénin, ne s’est pas encore relevé des conséquences de la révision constitutionnelle non consensuelle et opportuniste de novembre 2019.La troisième question revient à se demander simplement pourquoi le Président Talon veut-il réviser la constitution à deux ans de la fin de son mandat alors qu’en 2019, il a eu la liberté d’y introduire tout ce qui lui tenait à cœur ? Pourquoi veut-il la réviser de nouveau ?Il faut avoir à l’esprit que cette révision n’est ni technique, ni nécessaire mais risquée.

D’abord, cette révision n’est pas technique. Elle n’a rien de technique. Elle ne vient régler aucun dysfonctionnement, aucune malformation normative dont la non-résolution créerait des difficultés au processus électoral. Cette révision n’est pas technique et il serait illusoire de se perdre en conjecture ou de chercher à discuter de son aspect raisonnable ou technique.

C’est un projet politique qui vise à atteindre les objectifs du Président Talon pour 2026. C’est un projet stratégique qui vise à prendre de court le peuple béninois, à dribler l’opposition et à régler des comptes aux dissidents de la mouvance présidentielle. Cette révision, c’est le projet personnel du Président Talon. Ce n’est pas celui du peuple béninois ni de l’opposition. Ensuite, cette révision n’est pas nécessaire.

Réviser la constitution en pareille circonstance ne règle aucun problème visible à l’œil nu et identifiable par tous. Pour savoir si une révision constitutionnelle est nécessaire ou utile, il faut chercher à identifier le problème qu’il est censé résoudre. Dans le cas d’espèce, le projet introduit ne règle aucun des problèmes politiques graves soulevés par l’opposition depuis 2018 et auxquels le Président Talon s’oppose. Enfin, cette révision est un piège potentiel dans lequel il convient de ne pas tomber pour ne pas replonger le Bénin dans l’incertitude et la crise. Le projet introduit par la mouvance présidentielle est un attrape-nigaud, une boîte de Pandore d’où pourraient s’échapper plusieurs malheurs.

Au préalable, il faut savoir que si la constitution n’est pas révisée, l’organisation des prochaines élections n’est pas entravée. D’ailleurs on n’a pas besoin de modifier la constitution pour respecter la décision DCC 24-001 du 4 janvier 2024. Il suffirait d’agir sur les délais, dans le code électoral pour permettre aux députés et aux maires actuels d’assurer le parrainage des candidats à la présidentielle de 2026. Que ce soit bien clair, si on ne révise pas la constitution, on est sûr qu’en 2026, le mandat du Président prendra bien fin et qu’il quittera le pouvoir.

Si on ne révise pas la constitution, on est également en sécurité par rapport à la Cour qui ne pourra pas prétexter de la révision pour relancer la polémique sur la création d’une nouvelle République ou sur une éventuelle candidature du Président Talon. Ne pas réviser, c’est ne prendre aucun risque avec Patrice Talon. En revanche, si la révision constitutionnelle aboutit, c’est la porte ouverte à tous les risques.

Que l’opposition l’accompagne ou la subisse, une révision de la constitution, en l’état actuel des choses, ouvrirait une boite de Pandore. Les risques qui guettent le pays sont nombreux. Si pour une raison ou pour une autre, la constitution est révisée, tout devient possible. Une 3ème candidature de Patrice Talon pourrait revenir par une décision de la cour constitutionnelle. Tout, vraiment tout devient possible. Le Bénin serait à la merci des interprétations de la cour constitutionnelle.

En conclusion, pour toutes ces raisons, le principe de précaution recommande de ne prendre le risque d’aucune révision avant la fin du dernier mandat du Président Talon. La priorité demeure la gouvernance de consensus, de cohésion nationale et de Paix avec la libération sans délai de nos compatriotes en prison pour raison d’opinion et le retour à la mère patrie des exilés politiques.

Président Docteur Ishola Thomas Boni YAYI

Ancien Président de l’Union Africaine

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