Condamnation d’un commis de l’État pour violation de la constitution : Le préfet Jean-Claude Codjia, sa légitimité au poste en question !

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Partir de son propre gré dans l’honneur et la dignité ou être forcé de partir dans l’humiliation publique. Le préfet du département de l’Atlantique Jean-Claude Codjia fait désormais face à un dilemme depuis sa condamnation pour violation de la constitution du Bénin. Par ordonnance n°02/1ere C.X/24 du 25 juin 2025, le tribunal de première instance de deuxième classe d’Allada a établi la culpabilité du Préfet Jean-Claude Codjia et l’a reconnu coupable de violation de la constitution pour entrave à l’exécution d’une décision de justice.

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Le préfet a été attrait en justice par un groupe de coopérateurs rattachés à la Coopérative d’aménagement rural (Car) d’Agbotagon dans la commune de Toffo. À la suite des troubles survenus sur la Car d’Agbotagon, lesquels ont opposé des groupes de coopérateurs, la justice a rendu sa décision. La partie gagnante du procès a saisi le préfet Jean-Claude Codjia à l’effet d’avoir de lui toute l’assistance nécessaire pour faire appliquer la décision de justice. Hélas, le préfet ne donnera aucune suite favorable à la demande des coopérateurs sortis victorieux du procès. Ces derniers vont donc saisir le tribunal pour obtenir la condamnation du préfet Jean-Claude Codjia pour violation de la constitution. Condamné pour violation de la constitution à travers une décision de justice, le préfet Jean-Claude est désormais face aux questionnements. Un préfet est un commis de l’État.

Il exerce le pouvoir exécutif sur un territoire donné. Du Chef de l’État, il tient sa légalité et sa légitimité. Le préfet est le répondant du gouvernement et donc de chacun des ministres. Un préfet n’est donc pas  » n’importe qui. Dans ses charges, il est tenu au respect des lois de la nation. La constitution qui est la loi fondamentale doit être son compagnon de tous les temps.

Mais quand un préfet qui est le représentant du pouvoir exécutif en arrive à être condamné pour violation de la constitution à travers une décision de justice, cela repose la question sur sa légitimité à continuer par administrer son territoire de compétence. Même s’il a interjeté Appel de la décision de condamnation, le préfet Jean-Claude Codjia devra composer avec des données comme l’honneur et la dignité.

En de pareilles circonstances, comme cela se fait sous d’autres cieux, Jean-Claude Codjia devrait démissionner sans tambour ni trompette. C’est une question de choix conséquent. Malheureusement, le mot démission manque tragiquement dans le lexique des acteurs publics au Bénin. Ils s’accrochent à leurs postes et veulent coûte que coûte préserver leurs intérêts. Jouir des avantages et sucer le pouvoir jusqu’aux os sont des choix des acteurs publics au Bénin.

Et même si les évidences sont là et que les fautes commises sont graves, personne ne veut lâcher le biberon. S’accrocher au poste malgré des condamnations pour une violation de la constitution ou des lois ordinaires donnerait juste l’impression que l’on veut s’accrocher au biberon. Que fera le préfet Jean-Claude Codjia dans cette situation où la condamnation pour violation de la constitution lui colle bien à la peau ? Choisira-t-il de rendre le tablier de son propre chef pour l’honneur et la dignité ? Va-t-il démissionner pour au moins pour démontrer qu’au Bénin, l’espace politique et administratif n’est pas rempli seulement des  »jouisseurs éternels » du pouvoir en toutes circonstances ? Ou alors, le Président de la République, Patrice Talon, qui lui a délégué une partie de son pouvoir sera-t-il obligé de se séparer de lui pour continuer par faire essaimer le modèle de la responsabilité dans la gestion des affaires publiques ? Quoi qu’il en soit, le Président Talon devra faire un choix de responsabilité si le bon sens ne l’emporte pas dans les choix de ses collaborateurs.

Garant du respect de la constitution, le Président de la République, Patrice Talon devra rester en phase avec les textes et éloigner de sa gouvernance les violeurs de la constitution. C’est de cette constitution que le Chef de l’État tient son pouvoir. Si ses collaborateurs ne veulent avoir aucun égard pour cette constitution, alors là, les vrais opposants au régime sont désormais connus.

Retour sur les faits

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À la suite de la crise qui a secoué la Car d’Agbotagon, le tribunal d’Allada a confirmé, par jugement n°30/2022 du 19 juillet 2022, comme membres du Conseil d’administration de ladite coopérative, Célestin Agbonankan, en qualité de vice-président ; Philippe Adanhounkpan en qualité de secrétaire ; Zephirin Kedowide en qualité de secrétaire adjoint ; Apollinaire Tavoeha en qualité de trésorier ; Bernardin Houessou en qualité de trésorier adjoint ; Léonard Glelè en qualité de responsable chargé de la production ; Gabriel Tchekpemi en qualité de responsable chargé de l’approvisionnement en instant ; Valentin Houngnissodé en qualité de responsable chargé de l’organisation et de la sécurité des plantations.

Par la même décision, le tribunal d’Allada avait déchu Alphonse Houngbandan, Bruno Agbangnondé et Joseph Fabrice Houessou respectueusement de leur poste de président, vice-président et trésorier de la Coopérative d’aménagement rural d’Agbotagon. De même tous les actes et décisions pris par ces membres du Conseil d’administration déchus ont été annulés. Aussi, il a été ordonné à ces responsables déchus du Conseil d’administration de cesser tous troubles et de libérer les bureaux, sites et siège de la Coopérative d’aménagement rural (Car) d’Agbotagon. Par arrêt n°43/2022 du 24 novembre 2022, la Cour d’appel a confirmé le jugement du 19 juillet 2022 rendu par le tribunal d’Allada en toutes ces dispositions.

Le vice-président confirmé Célestin Agbonankan et ses collègues du Conseil d’administration de la Car d’Agbotagon ont alors entrepris l’exécution du jugement du 19 juillet 2022. Comme il sied en de pareilles circonstances, ils ont saisi le préfet et le commissaire de Houègbo aux fins de les voir leur prêter main-forte. C’est ici que les bénéficiaires de la justice vont buter contre le silence des autorités. Toutes les demandes adressées au projet de l’Atlantique Jean-Claude Codjia seraient restées sans suite. Collés au droit, les membres du Conseil d’administration confortés ont attrait le préfet Jean-Claude Codjia et l’Agent Judiciaire du Trésor devant la juridiction de céans. Pour n’avoir donné aucune suite aux demandes à lui adressées, le préfet Jean-Claude Codjia est accusé d’orchestrer des troubles sur la Car d’Agbotagon.

Les plaignants ont donc demandé au tribunal de le condamner à cesser tous troubles sur la Car d’Agbotagon sous paiement de la somme de 500.000 francs CFA par acte de trouble posé. Aussi, ont-ils demandé au tribunal d’enjoindre au préfet de l’Atlantique de leur prêter main-forte dans l’exécution du jugement 30/2023 du 19 juillet 2023 et de l’arrêt 43/2023 du 24 novembre 2023 sous paiement de la somme de 300.000 francs CFA par jour de résistance consécutive de préjudices. Les plaignants ont, dans les éléments de motifs, exposé les procédures de leurs élections au Conseil d’administration, les circonstances dans lesquelles les troubles successifs sont survenus, des actes d’ interdiction de gestion pris par le Préfet Jean-Claude Codjia sur la Car d’Agbotagon, des excès de pouvoir par la prise d’actes ne relevant pas de ses prérogatives, etc.

L’autorité préfectorale incriminée n’a pas manqué de dresser sa défense. Rejetant les accusations, Jean-Claude Codjia précise qu’il faudra éviter de considérer sa personne physique dans les troubles survenus sur la Car d’Agbotagon. C’est es qualité préfet de l’Atlantique qu’il a eu à intervenir dans les troubles sur la Car d’Agbotagon, se défend-il. Sa personne physique ne devrait donc pas être mise en cause.

Le préfet explique son refus de prêter main-forte à l’exécution desdites décisions par son devoir de prévenir des troubles à l’ordre public. Après un long exposé des éléments de motif, de la lecture croisée de différents articles de droit au regard des faits, le tribunal d’Allada a constaté que « l’attitude du préfet est contraire à l’article 59 de la constitution béninoise et constitue une entrave à l’exécution des décisions de justice ».

Le tribunal a aussi ordonné la poursuite de l’exécution forcée des décisions rendues en faveur des plaignants. La juridiction a ordonné l’exécution provisoire sur minute la présence ordonnance. De son côté, le préfet Jean-Claude Codjia a interjeté Appel de la décision. Le bras de fer n’est donc pas fini devant les juridictions.

B. K. S

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