Élection des professionnels des médias à la Haac / 7e mandature : 5 millions pour sécuriser 15 bureaux de vote, des points d’ombre
L’élection des professionnels des médias devant siéger à la Haac/7e mandature s’apparente de plus en plus à un théâtre de ‘‘partage’’, de »saucissonnage » et de distribution à la criée de l’argent du contribuable public. Après les doutes sur la gestion des plus de 35 millions alloués à la Cena, les regards critiques sont désormais tournés vers le ministère de l’Intérieur et de la Sécurité publique.
À la faveur de l’élection des professionnels des médias à la Haac tenue le 9 juin 2024, les flics ont apporté un appui sécuritaire. Lors de la collecte des matières mortes, le Dei a pu avoir Copie des correspondances entre les institutions impliquées dans l’organisation de cette élection. La couverture sécuritaire de l’élection a coûté cinq millions (5.000.000) francs CFA. Des recoupements effectués, le 24 avril 2024 par courrier n°0278/MISP/DC/SGM/DGPR/SP adressé au Président de la Haute Autorité de l’Audiovisuel et de la Communication (HAAC) et en réponse à la correspondance n°346-24/HAAC/PT/SG/SCS le ministère de l’Intérieur a communiqué le compte numéro 01001 000000 104356/46 intitulé DGPN PASSEPORT SEJOUR ouvert dans les livres du trésor Public Béninois.
Le lundi 29 avril 2024 par référence 2024000202 le numéro de compte sus mentionné a été crédité d’un montant de cinq millions (5.000.000) F CFA pour la couverture sécuritaire de l’élection. Ce montant reçu fait depuis l’objet de folles critiques. Les esprits les plus exigeants portent des accusations de gestion opaque. Les collaborateurs du ministre de l’Intérieur sont ainsi visés. Certains fonctionnaires de police dépêchés pour la couverture sécuritaire au niveau des 15 bureaux de vote déclarent n’avoir rien reçu comme perdiem.
Les faits sont suffisamment graves. Soucieux d’apporter la bonne information aux populations, le Département enquête et investigation (Dei) de Le Potentiel a engagé un travail de collecte de données variées sur le sujet. En vertu du principe sacro-saint du contradictoire, le ministre de l’Intérieur et de la Sécurité publique, Alassane Seidou, a été saisi, par courrier, au mois d’août 2024. Du ministre Alassane Seidou, il était attendu qu’il confirme ou infirme les accusations relatives à la gestion hasardeuse faite des fonds (5.000.000) francs CFA alloués pour la couverture sécuritaire dans le cadre des élections professionnelles de la Haac. Alassane Seidou devrait aussi dire si tous les fonctionnaires de police dépêchés dans les différents bureaux ont perçu ou non leur perdiem ?
Dans le cas d’une réponse affirmative, le journal Le Potentiel attendait du ministère des preuves desdits payements. Le cas échéant, il revenait au ministre de justifier le non-paiement des frais aux flics déployés sur le terrain.
Toujours dans le cadre de cette démarche contradictoire, le Dei souhaitait obtenir toutes autres pièces justificatives qui prouvent une gestion saine des cinq millions mise à la disposition du ministère de l’Intérieur. Depuis, c’est silence radio ! Le délai légal prescrit en de pareilles circonstances pour que les structures publiques fournissent des réponses est clos. Le ministre de l’Intérieur, en gardant le silence sur cette affaire, viole non seulement la loi, mais fait entrave au droit du public à l’information.
Des calculs, le problème
La couverture sécuritaire a coûté 5.000.000 francs CFA. Il y avait au total 15 bureaux de vote. La lecture »profane » faite sur la base du ratio policier déployés/ postes de vote ne permet pas de consommer 5.000.000 francs CFA. Si on admet que les policiers dépêchés pour sécuriser les bureaux de vote doivent être intéressés avec une prime plafonnée à 35.000F le jour, il faut près de 150 agents pour consommer les 5 millions de francs CFA.
Et dans ce cas, il sera question de positionner près de 10 policiers au niveau de chacun des bureaux de vote, soit 15 bureaux de vote au total. Or, les informations de terrain renseignent que le 9 juin 2024, jour du scrutin, c’est 2 ou 3 policiers au plus qui ont été déployés sur le terrain pour sécuriser les opérations de vote. Par ailleurs, des doutes sur la pertinence de la présence policière sur les postes de vote sont plus que jamais là. Pendant six (6) mandatures de la Haac, toutes les élections organisées, n’ont fait l’objet d’aucune violence.
Par conséquent, personne n’a jamais recouru aux forces de l’ordre pour une quelconque couverture sécuritaire. Les journalistes étant consciencieux, personne n’ira semer de trouble pour être la risée de ses confrères, et de tout le monde. À ce propos, on se pose la question sur la pertinence de cette couverture sécuritaire qui se révèle être une action de partage d’argent. D’ailleurs, rien ne prouve que les flics sont les vrais bénéficiaires des 5.000.000 francs CFA. Le Dei a engagé des échanges avec des policiers pour savoir combien chacun d’eux a reçu. Certains parmi eux n’ont pas voulu donner le montant.
D’autres ont confié avoir signé un état de 20.000f, mais ont reçu 10.000F. Face à la Grande muette, il est compliqué d’établir ou de révéler des identités des personnes désignées comme auteurs de »jeu digne des charcutiers d’argent ». Mais, les confidences sont formelles. Certains des flics déployés disent n’avoir reçu que 10.000F. Sur quelle base l’argent a été partagé ? Percevoir 5 millions pour la couverture sécuritaire d’une élection qui s’est déroulée dans 15 bureaux de vote, n’est-ce pas un signe de dilapidation de l’argent public ? Ici, il revient à l’esprit des uns et des autres d’interroger le rôle impertinent que les agents de la Direction générale du budget ont joué. C’est cette direction qui a validé ce gros montant pour la couverture sécuritaire.
Face aux éléments à charge, il est inconcevable qu’on affecte 5 millions de francs CFA pour assurer la couverture sécuritaire de 15 bureaux de vote. À tout point de vue, le coût est excessif et les aveux des vrais agents laissent croire qu’il y a un réseau de saucissonnage de l’argent public. Il est plus qu’important que l’inspection générale des finances lance une opération de fouille pour vérifier comment les 5.000.000 francs CFA ont été dépensés. Les cadres de la Direction générale du budget qui ont validé ce budget sont dans le viseur des voix critiques. Il est temps de faire la lumière sur cette affaire de 5000.000 de francs CFA engloutis dans la couverture sécuritaire des récentes élections professionnelles à la Haac. Affaire à suivre…
Brivaël Klokpâ Sogbovi