Frais de sécurisation des élections des professionnels des médias à la Haac/ 7e mandature : 5 millions, gouffre financier, Alassane Seidou s’en lave les mains

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Que s’est-il passé avec les cinq millions (5.000.000) francs CFA alloués au Ministère de l’Intérieur et de la Sécurité publique (Misp) pour assurer la sécurisation des élections des professionnels des médias/ 7e mandature de la Haute autorité de l’audiovisuel et de la communication (Haac) ? Les fonds ont-ils réellement servi à assurer la mission pour laquelle ils ont été virés dans les comptes de la Direction générale de la police républicaine ? Ou encore, les flics déployés sur le terrain sont-ils les bénéficiaires des ressources ?

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Ces questions demeurent intactes, et ce, en dépit de la réponse expéditive fournie par le Misp. En effet, par courrier n°553/MISP/DC/PF-COM/S-CAB en date du 11 septembre 2024, Abasse Olossoumaré, directeur de cabinet, agissant au nom du ministre Alassane Seidou, a réagi à notre correspondance n°029/MG/DPi/DEI/SP/GPLP-2024 du 14 août 2024.

Depuis la fin de cette élection des professionnels des médias tenue le 9 juin 2024, de graves soupçons pesaient sur la gestion des fonds alloués pour la sécurisation des opérations de vote. Lors de la collecte des matières mortes, le Département enquête et investigation (Dei) a pu avoir copie des correspondances entre les institutions impliquées dans l’organisation de cette élection. La couverture sécuritaire de l’élection a coûté cinq millions (5.000.000) francs CFA.

Des recoupements effectués, le 24 avril 2024 par courrier n°0278/MISP/DC/SGM/DGPR/SP adressé au Président de la Haute Autorité de l’Audiovisuel et de la Communication (HAAC) et en réponse à la correspondance n°346-24/HAAC/PT/SG/SCS le ministère de l’Intérieur a communiqué le compte numéro 01001 000000 104356/46 intitulé DGPN PASSEPORT SEJOUR ouvert dans les livres du trésor Public Béninois.

Le lundi 29 avril 2024 par référence 2024000202 le numéro de compte sus mentionné a été crédité d’un montant de cinq millions (5.000.000) F CFA pour la couverture sécuritaire. C’est ce montant reçu qui fait depuis l’objet de folles critiques. Les esprits les plus exigeants portent des accusations de gestion opaque.

Le Misp est ainsi visé. Certains fonctionnaires de police dépêchés pour la couverture sécuritaire au niveau des 15 bureaux de vote déclarent n’avoir rien reçu comme perdiem. Soucieux d’apporter la bonne information aux populations, le Département enquête et investigation (Dei) de Le Potentiel a engagé un travail de collecte de données variées sur le sujet. En vertu du principe sacro-saint du contradictoire, le ministre de l’Intérieur et de la Sécurité publique, Alassane Seidou, a été saisi, courant mi-août 2024 selon la référence sus mentionnée.

Du ministre Alassane Seidou, il était attendu qu’il confirme ou infirme les accusations relatives à la gestion hasardeuse faite des fonds (5.000.000 francs CFA) alloués pour la couverture sécuritaire dans le cadre des élections professionnelles de la Haac. Alassane Seidou devrait aussi dire si tous les fonctionnaires de police dépêchés dans les différents bureaux ont perçu ou non leur perdiem ? Dans le cas d’une réponse affirmative, le journal Le Potentiel attendait du ministère des preuves desdits payements.

Le cas échéant, il revenait au ministre de justifier le non-paiement des frais aux flics déployés sur le terrain. Mais le ministre de l’Intérieur Alassane Seidou a gardé un silence total. Or le délai délimité par la loi pour qu’il réponde aux demandes de Le Potentiel est arrivé depuis à expiration. Le Misp a ainsi violé non seulement la loi, mais aussi a fait entrave au droit du public à l’information.

Une réponse hors délai qui renforce les soupçons

Une réponse expéditive. Le courrier n°553/MISP/DC/PF-COM/S-CAB en date du 11 septembre 2024 signé par le Directeur de cabinet Abasse Olossoumaré pour le compte du Ministre de l’intérieur Alassane Seidou est loin d’éclairer les zones d’ombre dans cette affaire de gestion jugée scabreuse des fonds alloués à la sécurisation des élections des professionnels des médias.

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Dans son courrier, le ministre soutien que «les ressources allouées à cette mission ne sont pas gérées par les services du cabinet du Ministre de l’intérieur et de la sécurité publique, mais plutôt régulièrement virées par les services financiers de la Haac dans un compte de la Direction générale de la Police républicaine (Dgpr) qui en a assuré la gestion dans le cadre de sa mission».

Par conséquent, le ministre de l’intérieur demande au journal Le Potentiel de se «rapprocher des services financiers de la Dgpr pour les informations nécessaires y relatives ». À tout le moins, cette réponse laconique cache mal un style fuyant et renforce encore plus les graves soupçons de gestion scabreuse des fonds alloués à la mission de sécurisation des élections des représentants des médias à la Haac.

Saisi depuis le 14 août 2024, le Misp a fini par répondre le 11 septembre, soit presque un mois après. Pour une réponse aussi laconique et expéditive de cette nature, quelques minutes suffiraient pour des étudiants en Administration générale option secrétariat pour répondre. Le style de réponse peut être qualifié de fuyant en raison de ce que le Ministre de l’intérieur a lui-même engagé sa signature dans le processus de virement des fonds.

Alassane Seidou a signé lui-même le courrier indiquant le numéro de compte dans lequel les services financiers de la Haac ont viré les 5.000.000 francs CFA. Les règles de fonctionnement de l’administration publique sont claires. Pas besoin d’être un expert pour savoir que l’administration publique est régie par le principe de la hiérarchie basée sur l’obligation de compte rendu.

Le Directeur général de la Police républicaine est placé sous la hiérarchie du ministre de l’intérieur et de la sécurité publique. Il est presque incompréhensible que le Dgpr Soumaila Yaya n’ait fait aucun compte rendu au ministre Alassane Seidou depuis la fin des élections pour lesquelles 5 millions francs CFA ont été alloués.

En renvoyant Le Potentiel vers les services financiers de la Dgpr, le ministre de l’intérieur sous-entend qu’il n’a aucune information à communiquer sur la gestion des fonds. Ici encore, il est à se demander comment depuis près d’un mois après la réception du courrier de Le Potentiel, le Ministre Alassane Seidou n’ait pris aucune mesure pour demander un compte rendu de la gestion des 5 millions francs CFA de la part du Dgpr ? La réponse est assez laconique et expéditive.

Elle laisse croire que jusqu’à l’heure où nous mettons sous presse, la Direction générale de la police républicaine a géré des fonds sans avoir rendu compte au ministre de tutelle alors même que de graves soupçons entourent cette gestion. Les policiers déployés pour sécuriser les 15 bureaux de vote se plaignent.

Certains auraient signé des états de 20.000 francs CFA, mais ont perçu réellement 10.000 francs CFA. Où est donc passé le reste des fonds? La réponse fuyante du ministre de l’Intérieur risque de le rendre complice, s’il en était lieu, des faits de mauvaise gestion probablement imputables à ses proches collaborateurs du ministère ou de la Direction générale de la Police républicaine.

Mauvaise gestion : des éléments qui justifient les soupçons

La couverture sécuritaire a coûté 5.000.000 francs CFA. Il y avait au total 15 bureaux de vote. La lecture  »profane » faite sur la base du ratio policier déployés/ postes de vote ne permet pas de consommer 5.000.000 francs CFA. Si on admet que les policiers dépêchés pour sécuriser les bureaux de vote doivent être intéressés avec une prime plafonnée à 35.000F le jour, il faut près de 150 agents pour consommer les 5 millions de francs CFA. Et dans ce cas, il sera question de positionner près de 10 policiers au niveau de chacun des bureaux de vote, soit 15 bureaux de vote au total. Or, les informations de terrain renseignent que le 9 juin 2024, jour du scrutin, c’est 2 ou 3 policiers au plus qui ont été déployés sur le terrain pour sécuriser les opérations de vote. Par ailleurs, des doutes sur la pertinence de la présence policière sur les postes de vote sont plus que jamais là. Pendant six (6) mandatures de la Haac, toutes les élections organisées n’ont fait l’objet d’aucune violence. Par conséquent, personne n’a jamais recouru aux forces de l’ordre pour une quelconque couverture sécuritaire. Les journalistes étant consciencieux, personne n’ira semer de trouble pour être la risée de tout le monde. À ce propos, on se pose la question sur la pertinence de cette couverture sécuritaire qui se révèle être une action de partage d’argent. D’ailleurs, rien ne prouve que les flics sont les vrais bénéficiaires des 5.000.000 francs CFA. Le Dei a engagé des échanges avec des policiers pour savoir combien chacun d’eux a reçu. Certains parmi eux n’ont pas voulu donner le montant. D’autres ont confié avoir signé un état de 20.000f, mais ont reçu 10.000F. Face à la Grande muette, il est compliqué d’établir ou de révéler des identités des personnes désignées comme auteurs de  »jeu digne des charcutiers d’argent ». Mais, les confidences sont formelles. Certains des flics déployés disent n’avoir reçu que 10.000F. Sur quelle base l’argent a été partagé ? Percevoir 5 millions pour la couverture sécuritaire d’une élection qui s’est déroulée dans 15 bureaux de vote, n’est-ce pas un signe de dilapidation de l’argent public ? Ici, il revient à l’esprit des uns et des autres d’interroger le rôle impertinent que les agents de la direction générale du budget ont joué. C’est cette direction qui a validé ce gros montant pour la couverture sécuritaire. Face aux éléments à charge, il est inconcevable qu’on affecte 5 millions de francs CFA pour assurer la couverture sécuritaire de 15 bureaux de vote. À tout point de vue, le coût est excessif et les aveux des vrais agents laissent croire qu’il y a un réseau de saucissonnage de l’argent public. Il est plus qu’important que l’inspection générale des finances lance une opération de fouille pour vérifier comment les 5.000.000 francs CFA ont été dépensés. Les cadres de la direction générale du budget qui ont validé ce budget sont dans le viseur des voix critiques. Il est temps de faire la lumière sur cette affaire de 5000.000 de francs CFA engloutis dans la couverture sécuritaire des récentes élections professionnelles à la Haac. Et visiblement, cette réponse tardive du ministre de l’Intérieur ne facilite aucune compréhension de ce qui s’est réellement passé dans la gestion des fonds. D’ailleurs, rien n’était sûr que le ministre réponde si Le Potentiel n’avait pas adressé une plainte à la Haac. Constatant le silence du ministre et la fin du délai légal dans lequel il devrait fournir des éléments de réponse, Le Potentiel a adressé une plainte contre lui pour entrave au droit d’accès à l’information. Peut-être a-t-il été mis au courant de cette plainte. Quoi qu’il en soit, le ver est toujours dans le fruit. Ni le ministère de l’Intérieur ni la direction générale de la police républicaine ne sont encore sortis d’affaires. Les soupçons sont plus que jamais là.

Brivaël Klokpê Sogbovi

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