Le ministre de l’Intérieur et de la Sécurité publique, Alassane Seidou a-t-il manqué une occasion de ressouder les liens entre ex- policiers et ex- gendarmes désormais enrôlés sous les drapeaux de la Police républicaine ? La question se rumine depuis la semaine écoulée après la diffusion d’une émission télévisée, au cours de laquelle, le ministre Alassane Seidou est revenu sur le bilan de la gouvernance au sein de son département ministériel ces dernières années.
«(…) certains agents de l’ex-police nationale contestent la réforme, et c’est parce que ces agents ne veulent pas sortir de leur zone de confort. On ne peut pas se développer si on ne sort pas de sa zone de confort. Les pratiques anciennes, on doit les changer, si on ne les change pas, on ne peut pas avancer. Et c’est ce changement qui fait mal, c’est ça qui entraîne les protestations (…) » a déclaré le ministre Alassane Seidou répondant aux questions des journalistes qui l’ont interpellé sur les malaises notés dans le processus de création de la police républicaine.
Ces propos interviennent dans un contexte où la police républicaine est au-devant de la scène sous un flot de critiques acerbes provenant des rangs des populations. À la suite d’un manque de professionnalisme de certains agents lors des opérations d’interpellations, des citoyens ont perdu la vie.
D’autres se plaignaient déjà des actes qualifiés de bavures policières et des fouilles abusives de téléphone portable des citoyens. Dans certains milieux professionnels, ces propos du ministre sont qualifiés de »propos stigmatisant ».
Ils interviennent aussi dans un contexte où, avant son arrestation mi-novembre 2024, l’ex-Directeur général de la police nationale, Louis Philippe Houndegnon, dénonçait un »traitement différentiel » entre les ex-policiers et les ex-gendarmes au sein de la Police républicaine.
Dans la corporation, certains agents aussi en fonction n’ont pas manqué d’exprimer dans le calme des ressentis de frustrations par divers moyens. Dans un tel contexte, la sortie médiatique du ministre de l’Intérieur et de la Sécurité publique, Alassane Seidou était très attendue. Quand des enfants issus de deux coépouses sont obligés de cohabiter, et qu’il y a des problèmes criants, le père de famille se doit de jouer avec la raison et la sagesse.
Il est peu approprié voire risqué pour un père de famille de venir distribuer, en public, de bons points à un tel enfant et de mauvais points à un autre enfant. Cette démarche, loin de concilier, d’apaiser et d’unir, peut à tous les coups, alimenter les frustrations et distancier les ex-policiers et ex gendarmes.
Le ministre Alassane Seidou a-t-il fondé ses propos sur ses fiches de renseignements ? Ou alors, c’est lui-même qui a mené ses enquêtes parallèles pour se convaincre que la réforme de la police républicaine est seulement gênante pour les ex-agents de la police nationale ? Quoi qu’il en soit, en tant que patron des flics béninois, le ministre Alassane Seidou devrait s’inscrire dans une diplomatie conciliante entre les différentes catégories d’agents enrôlés dans la police républicaine.
La sécurité intérieure est une denrée précieuse. Les agents, toutes catégories confondues qui en portent la responsabilité doivent être rassurés par leur hiérarchie. Une troupe avec un moral bas en raison des postures partisanes d’une figure paternelle ne sera sûrement pas à la hauteur des attentes sécuritaires. Si les populations tirent déjà à boulet rouge sur les flics (à raison dans certains cas), les plus hauts responsables de l’institution policière devraient, eux, jouer avec tact pour avoir les résultats escomptés. Poser les vrais problèmes de corporation et les régler dans l’équité reste la solution à explorer.
Brivaël Klokpê Sogbovi