Tests de sélection interne au Port autonome de Cotonou : Fumée de soupçons de favoritisme, de népotisme et de fraude
Au Port autonome de Cotonou (Pac), les récents tests de sélection interne organisés ne sont pas exempts de soupçons de favoritisme. L’appel à candidature a été lancé par note n° 1582/24/PAC/DG/DOPS/CP/ DAF/DRH/SPS/SEGPF.
Il y a en effet de graves allégations de fraude portant atteinte à la transparence des procédures internes lors de la sélection des agents aux postes d’aspirants pilotes, cycle de capitaine au long cours (CLC), postes d’aspirants stagiaires, cycle de formation au diplôme de mécanicien; postes d’aspirants stagiaires, cycle d’officier chef de quart à la passerelle (capitaine de remorqueur) postes d’aspirants officiers, cycle de lieutenant au long cours (LLC) et postes d’aspirants maîtres de quai.
Ces tests ont été organisés par les services du Pac les 3 septembre et 7 octobre 2024. Avec récurrence, de graves accusations sont portées contre les plus hauts responsables de l’administration portuaire par nos sources.
Le Département Enquête et Investigation (DEI) du Groupe de Presse Le Potentiel, a engagé des fouilles sur les allégations portant notamment sur des fuites des épreuves, la constitution de listes préétablies d’agents, la promotion d’agents non qualifiés, des disparités flagrantes dans le traitement des dossiers, avec des rejets, etc.
Par ailleurs, plusieurs sources parlent d’une violation présumée de l’article 45 de la convention collective du Port Autonome de Cotonou, qui dispose qu’un travailleur doit justifier d’au moins six (6) années de service consécutives pour bénéficier d’une formation de longue durée, tandis que des critères réduits (quatre années d’ancienneté sous un contrat à durée indéterminée) auraient été appliqués. D’autres accusations de fraude lors des tests des 3 septembre et 7 octobre 2024, ont été rapportées par nos sources.
Il s’agit des fuites d’épreuves, de la divulgation de résultats avant composition, et l’intervention présumée de réseaux d’influence pour privilégier des candidats. Par ailleurs, des informations sur des décisions jugées discriminatoires, telles que l’ajout de candidates non retenues initialement aux programmes de formation sous prétexte de « promotion de l’équilibre de genre », en violation des critères de présélection sont revenues avec acuité lors de l’investigation conduite par le Dei.
Enfin, des responsables clés du Port autonome de Cotonou sont soupçonnés d’être impliqués dans l’orchestration de plusieurs irrégularités telles que les nominations anticipées, la divulgation d’épreuves, etc.
Le contradictoire, des réponses et postures sujettes à questions
Fidèle à ses principes, le Groupe de presse Le Potentiel, à travers son Département enquête et investigation (Dei) n’a pas manqué d’étendre la collecte des informations aux »accusés » au-delà des sources plutôt inscrites dans l’alerte et la dénonciation.
Le Dei a été à maintes reprises alerté sur des actes présumés de fraude au cours de la collecte de matières mortes. Plusieurs hauts responsables du Port autonome de Cotonou et ceux impliqués dans l’organisation des tests incriminés ont été saisis.
Le 18 novembre 2024, des correspondances ont été envoyées au Directeur général du Pac, à la Directrice des ressources humaines (DRH) du Pac et au Commandant du Pac. Dans chacune des correspondances, les irrégularités dénoncées par nos sources ont été exposées, des éléments des questions ont été posées et la demande d’accès à des copies de plusieurs documents a été adressée, selon le cas, aux trois responsables.
Le commandant du Port autonome de Cotonou, directeur de la capitainerie, Fayomi Charles-Bennett a fait suite aux correspondances du journal Le Potentiel. «J’ai lu avec beaucoup d’attention votre courrier de démarche contradictoire. Néanmoins permettez-moi de vous signaler que je n’ai pas la charge de l’organisation des tests et concours de recrutements au sein de l’entreprise », fait savoir le commandant du Pac qui poursuit « Je vous prie donc de réorienter votre démarche vers la direction générale qui saura vous apporter les éclaircissements voulus ».
Or, des faits allégués impliqueraient le commandant dans la fuite présumée des épreuves et des corrigés-types, la promotion d’agents non qualifiés, des actes de favoritisme, etc. Sur ces allégations, on s’attendait à une réaction fournie du commandant.
Alors que le commandant soutient qu’il n’est pas organisateur du test de recrutement, il est apparu au terme de la note de service numéro 013/ PAC/DG/:DAF/ DRH/SEGPF portant création du comité de recrutement d’aspirants pilotes pour le cycle de capitaine au long cours et d’aspirants officiers pour le cycle de lieutenant au long cours, qu’il figure parmi les évaluateurs. À ce titre, il est signataire de divers rapports du déroulement du test de sélection. Et cela, c’est un secret de polichinelle.
Par ailleurs, Ehon Viviane Aféafan, désignée comme secrétaire du commandant du Pac est brillamment admise au test avec 17, 25 et classée comme deuxième alors même que son diplôme déclaré ne présupposait d’aucun pré-requis dans le champ des compétences à évaluer. Cette admission de la secrétaire qui a une proximité professionnelle avec le commandant alimente des questions.
Comment celle qui se présente comme titulaire d’un diplôme de technicienne en Hôtellerie a pu supplanter des professionnels expérimentés des sciences nautiques ? Quoi qu’il en soit, l’admission de la secrétaire alimente des soupçons de favoritisme et ou de fuite d’épreuves.
Il échappe encore à la conscience populaire des clés pour comprendre qu’une personne en position administrative (secrétaire) puisse être déclarée admise et deuxième à un test d’aspirant officier. Mais, le directeur général du Port autonome de Cotonou ne semble pas être embarrassé face à cette réussite de la secrétaire du commandant du Pac. Pour le directeur général du Pac, la proximité professionnelle ne saurait être une preuve de favoritisme.
Cependant, il a rassuré que ses services compétents, notamment la compliance sont à pied d’œuvre pour vérifier les allégations dans ce dossier. Dans les griefs portés contre l’organisation tu test, figure la violation de l’article 45 de la convention collective de travail de Mars 2016 qui fait office de loi pour les agents du Port Autonome de Cotonou.
Là-dessus, la direction du Pac assure qu’il y a une dérogation spéciale à travers un accord conclu en 2021 avec les représentants du personnel. Mais, l’argument peine à convaincre. Comment un simple compte-rendu de réunion peut servir de prétexte pour déroger aux dispositions d’une convention collective qui fait office de contrat entre le port et les agents ? Les légalistes sont loin de comprendre ce choix que la Direction du Pac tente de justifier.
Le parallélisme des formes et des normes aurait voulu que ce fût par une autre convention collective ou tout au moins un acte juridique pouvant lui équivaloir que cette dérogation spéciale soit actée. Selon nos informations, le fameux compte-rendu de réunion n’a même pas fait objet de publication et était inconnu du personnel, en tout cas, dans sa grande majorité.
Urgence de contrôle
Ces tests de sélection interne organisés au Port autonome de Cotonou sont entourés de flou. Les graves soupçons de fraudes et d’irrégularités qui pèsent sur ces tests demeurent en dépit des essais d’explication de la direction générale du Port autonome de Cotonou et de la posture fuyante du commandant du Pac. Face à cet état de choses, il est important que le ministre José Didier Tonato dépêche l’inspection générale du ministère (IGM) pour faire les contrôles nécessaires et voir si l’organisation de ces tests a respecté les normes.
En parallèle, le Président Patrice Talon, connu pour sa rigueur, au nom de l’équité et de la justice sociale, doit aussi dépêcher des services de contrôles. Le Dei a constitué une base de données assez large sur les révélations faites par plusieurs sources et qui pointent des faits de fraudes dans l’organisation de ces tests.
L’enquête menée par le Dei fera l’objet d’une série de publications avec en point d’orgue, un dossier spécial en cette période de fin d’année. A suivre…
Brivaël Klokpê Sogbovi