
Existence ou non du Parti du Renouveau Démocratique après sa fusion avec le parti Union Progressiste : Le Prd n’est pas mort, Adrien Houngbédji lisse les ongles à Alassane Seidou
Le vent frais qui détend et agrémente le séjour des individus sous l’ombre du baobab n’est plus aussi frais. Il est même de plus en plus chaud, notamment chez les militants du parti au logo du baobab, le parti Union Progressiste Le Renouveau (Up-r). Cette chaleur résulte d’une crise de cohabitation entre l’UP et le Prd. Depuis le début de l’année, Maître Adrien Houngbédji, président et figure charismatique du Prd prend ses distances idéologiques avec la ligne »dogmatique » de la mouvance présidentielle. Il critique vertement certaines options de gouvernance et désavoue le Président de la République, Patrice Talon et la plupart de ses soutiens sur l’état de santé de la démocratie et de l’État de droit au Bénin. Libération des prisonniers politiques, retour des exilés politique, relecture du Code électoral, libre participation de tous aux élections présidentielles, législatives et communales… Sur ces différents points, Maître Adrien Houngbédji assume sa voix critique et singulière au sein de la famille mouvance présidentielle. Ces derniers jours, son rapprochement avec l’opposition notamment le parti Les Démocrates dirigé par l’ex-président de la République, Boni Yayi fait jaser. Mieux, des mouvements de jeunes de réclamant du Prd multiplient des actions au nom de leur parti arc-en-ciel. La critique est nette et les attaques répétées contre Adrien Houngbédji par ses alliés de la mouvance ont fini par éroder davantage le peu d’affection qui liait jusqu’ici le Prd à l’UP. La descente aux enfers prendra corps le 20 mai 2025. Elle est déclenchée par une correspondance du ministre de l’Intérieur et de la Sécurité publique, Alassane Seidou adressée à Gratien Laurent Ahouanmènou, secrétaire général adjoint du Prd. Les récents communiqués du Prd ont été signés par le SGA Gratien Laurent Ahouanmènou. « Le Prd a cessé d’exister en tant que personne morale à compter de la date de sa fusion avec le parti Politique Union Progressiste (UP) pour donner naissance au nouveau parti politique Union Progressiste Le Renouveau (…). En conséquence, tous actes posés au nom du Prd constituent une violation manifeste de la loi n° 2018-23 du 17 novembre 2018 telle que modifiée et complétée par la loi 2019-40 du 15 novembre 2019 portant charte des partis politiques en République du Bénin (…)», lit-on dans la correspondance du ministre Alassane Seidou signée par son directeur de cabinet, Abasse Olossoumaré. Le ministre a rappelé les dispositions de l’article 49 de la Charte des partis politiques qui prévoient des sanctions en terme de peine d’emprisonnement (3 à 12 mois de prison) et d’amende (1 à 5 millions FCFA). C’est cette correspondance qui a fait déborder le vase et officialiser les intentions de divorce en gestation dans le rang des militants Prd vis-à-vis du partenaire UP.
Le Prd n’est pas mort, Adrien Houngbédji fait parler son art de juriste
Maître Adrien Houngbédji n’est plus certainement un jeune de 20 ans ou 30 ans plein de fougue au plan physique. Mais attention, ses capacités intellectuelles n’ont rien perdu en éclat. Le président du Parti du Renouveau Démocratique a fait parler tout son art d’avocat et de juriste de haut niveau. Pour la première fois depuis le début du désamour entre l’UP et le Prd, Adrien Houngbédji a pris le devant des choses. En réponse au courrier du ministre Alassane Seidou adressé à son SGA, Adrien Houngbédji a répondu. La lettre datée du 2 juin 2025 est signée personnellement par Adrien Houngbédji sous son titre de président du Prd. Déjà dans la forme, on sait désormais que les nombreuses actions et les communiqués signés par le SGA au nom du Prd ne sont pas des initiatives isolées prises sans l’onction du patriarche Adrien Houngbédji. Il était bien là, derrière ces jeunes militants du Prd, à manœuvrer, et sans doute attendant une réaction institutionnelle pour contre-attaquer. Au ministre Alassane Seidou qui affirme que le Prd a cessé d’exister depuis sa fusion avec l’UP, Adrien Houngbédji a servi un plat saucissonné en quatre recettes pour l’aider à reconsidérer sa ligne de lecture. Ici, commence un texte chargé de cours de droit à la limite humiliant pour l’administration du ministère de l’Intérieur dans la procédure de gestion de cette affaire de fusion entre l’UP et le Prd. Des pièces à conviction (que nous ne publions pas ici) sont annexés au courrier signé par Maître Adrien Houngbédji.
In extenso, la correspondance de Maître Adrien Houngbédji au ministre de l’Intérieur

Monsieur le Ministre, en lien avec notre conversation du samedi 31 mai 2025, Gratien-Laurent AHOUANMENOU, destinataire de votre lettre en référence qui lui a été notifiée le 26 mai 2025, a bien voulu me la transmettre; il était fondé à le faire puisqu’il a rédigé et diffusé le communiqué querellé en sa qualité de Secrétaire Général Adjoint (SGA) du Parti du Renouveau Démocratique (P.R.D.) dont je suis le Président. Pièces nº 01 et 02. Je suis en effet surpris par le contenu de cette correspondance, car écrire que le P.R.D. a cessé d’exister à compter de la date de sa fusion avec l’U.P. est tout à fait contraire à la réalité, au regard des textes et des faits. Et ce, pour quatre (04) raisons au moins.
1º) L’accord de fusion sur lequel vous vous fondez, a été signé le 21 août 2022. Or, postérieurement à la signature de cet accord, vous avez délivré au P.R.D., le 26 août 2022, son récépissé définitif. Le P.R.D. qui existait avant le protocole d’accord, a donc continué à exister après. Pièce n° 03. La demande de récépissé définitif a été elle aussi introduite par lettre du 24 août 2022, donc postérieurement la signature du protocole d’accord. Ainsi, vous avez vous même certifié que la fusion n’a pas mis fin à l’existence du P.R.D.
2º) Le protocole d’accord du 21 août 2022 a été signé en vertu d’une résolution du Conseil national du P.R.D. en date du 19 août 2022. Pièce n° 04. Cette résolution indique expressément que le président du P.R.D. est autorisé à signer un protocole d’accord de fusion avec l’Union Progressiste (U.P.), conformément aux dispositions des articles 90 et 91 des statuts du P.R.D. Ces deux articles énoncent, noir sur blanc, que « les décisions de fusion ne peuvent pas entraîner la dissolution du P.R.D., lequel conserve ses attributs, son patrimoine et son autonomie fonctionnelle, exceptés ceux concédés. Il peut constituer un courant à l’intérieur de la nouvelle formation ». Pièce n° 05. La fusion conclue grâce à une résolution du Conseil national, n’a donc pas eu pour effet de faire disparaître le P.R.D. Vous ne sauriez l’ignorer puisque les statuts qui contiennent ces dispositions datent du congrès du 19 décembre 2021; lesquels statuts vous ont été régulièrement communiqués au lendemain du congrès, donc bien avant que n’intervienne l’accord de fusion.
3°) La disparition du P.R.D. ne peut résulter que d’une décision de dissolution prise par un congrès extraordinaire convoqué à cet effet, votée à la majorité des trois quarts (3/4) des congressistes. Article 111 des statuts du 19 décembre 2021 : « Le Parti du Renouveau Démocratique, P.R.D., ne peut être dissous que par un congrès extraordinaire régulièrement convoqué. La décision n’est acquise qu’à la majorité des trois quarts (3/4) des congressistes ». Pièce n° 05. Or, il n’y a jamais eu de congrès de dissolution du P.R.D. Je mets au défi quiconque de produire un procès-verbal de congrès extraordinaire de dissolution du P.R.D. Le dernier congrès du P.R.D. date du 19 décembre 2021 et les statuts adoptés à cette occasion vous ont été communiqués comme dit plus haut. Vous ne sauriez donc ignorer que le P.R.D. n’a pas été dissous. Au total, c’est en parfaite connaissance de cause que le 26 août 2022, vous avez délivré au P.R.D. son récépissé définitif. Au demeurant, l’accord signé le 21 août 2022 entre le P.R.D. et l’U.P. est intitulé « acte de fusion » et non « acte de dissolution » ; l’alinéa dernier de son préambule énonce tout aussi expressément que les deux (02) partis ont décidé de fusionner (et non d’être dissous). Pièce n° 06. Il est à noter que les statuts de l’U.P énoncent eux aussi (art. 142) que la dissolution de I’U.P. ne peut être décidée que par un congrès extraordinaire expressément convoqué et statuant à la majorité des trois quarts (3/4). Pièce n° 07. L’article 111 des statuts du P.R.D. n’est donc pas une spécificité.
4°) Aux termes de l’article 29-9 de la loi n° 2018-23 du 17 septembre 2018, portant Charte des Partis Politiques, les statuts doivent comporter l’indication du mécanisme de dissolution d’un parti politique, ou de sa fusion avec d’autres partis politiques. Pièce n° 08. Aussi bien les statuts du P.R.D. (art. 90, 91 et 111) que les statuts de l’U.P. (art 142) contiennent ces indications; elles sont les mêmes: le mécanisme de dissolution est un vote du congrès extraordinaire à la majorité des trois quarts (3/4) des congressistes. Le congrès est l’organe suprême de délibération du Parti (art. 30 des statuts du P.R.D., art. 63 des statuts de l’U.P.). Le vote de dissolution au sujet duquel une majorité qualifiée est exigée, n’est donc pas une banale formalité administrative, mais au contraire une condition de fond pour rendre effective et valide une dissolution. Le Président DJOGBÉNOU, Président de l’U.P.R. avait été expressément chargé d’accomplir les procédures administratives consécutives à l’accord de fusion (art. 6 du protocole d’accord). Pièce n° 09. Si dissolution du P.R.D. (et de l’U.P.) Il y avait eu, il lui revenait de l’établir en versant au dossier qu’il vous a soumis, les procès-verbaux des deux (02) congrès de dissolution, ainsi que les extraits du Journal Officiel dans lequel il en a fait la publication. Force est de constater que le Professeur DJOGBÉNOU ne vous a produit aucune de ces pièces. Il suffit pour s’en convaincre de noter que, ni le récépissé provisoire, ni le récépissé définitif délivrés à l’U.P.R. ne font mention de pareilles pièces dans leurs visas. Pièces n° 10 et 11.
Le Professeur DJOGBÉNOU savait donc bien qu’il n’y a pas eu de dissolution du P.R.D. Quant au Ministère de l’Intérieur, il avait la charge de procéder aux différentes études et analyses pour s’assurer que le dossier qui lui a été soumis est conforme à la loi. C’est en effet lorsqu’il juge le dossier conforme à la loi, que le Ministre de l’Intérieur délivre le récépissé provisoire et plus tard le définitif (art. 19, 20 et 21 nouveau de la loi n° 2018 du 17 septembre 2018). Vous avez jugé les pièces produites par le Président DJOGBÉNOU complètes et conformes à la loi. N’y figuraient, ni un procès-verbal de congrès de dissolution du P.R.D., ni un extrait du Journal Officiel relatif à la prétendue dissolution. Vous avez expressément et exclusivement donné à Monsieur DJOGBÉNOU « acte du récépissé provisoire de déclaration administrative de fusion des partis U.P. et P.R.D. ». De même, vous lui avez expressément et exclusivement donné « acte du récépissé définitif de fusion de l’U.P. et du P.R.D. ». Le mot << dissolution >> ne figure nulle part sur ces récépissés.
En conclusion, entre la réalité des pièces du dossier et les termes de votre lettre assortie de menaces, le déphasage est tel que, si je ne connaissais pas votre grande droiture, j’aurais pensé à une énième machination pour faire rendre gorge au P.R.D. En effet, je ne crois pas qu’il soit possible de décréter l’inexistence du P.R.D. par une simple lettre, alors que toutes les pièces prouvent le contraire.
Le jour même où j’ai pris connaissance de votre correspondance (c’est-à-dire le lundi 26 mai 2025), j’ai suggéré au Président DJOGBÉNOU que nous mettions amiablement fin à cet imbroglio par la révocation de l’accord du 21 août 2022 et la recherche d’une autre forme collaboration entre nos partis; la loi électorale ouvre des perspectives à ce sujet. Cette solution m’a paru la plus adéquate, car pratiquement trois (03) ans après la signature du protocole d’accord, I’U.P.R. continue d’évoluer en marge de la loi n° 2018-23 du 17 septembre 2018 modifiée par la loi n° 2019-41 du 15 novembre 2019 portant Charte des Partis Politiques: pas de congrès constitutif, pas de dissolution de ses deux (02) composantes P.R.D. et U.P., pas de dirigeants élus, etc. ce qui fait dire que l’U.P.R. est une simple association de fait incompatible avec les exigences de la Charte. Je suis disposé à rechercher avec le Président DJOGBÉNOU toute autre forme de collaboration qui serait conforme à la loi, reconnaîtrait l’existence du P.R.D. et garantirait ses intérêts. Après l’épisode du « doublon» qui a permis de disqualifier le P.R.D. aux élections législatives du 28 avril 2019, et dans lequel son rôle ne fut pas des moindres, le Professeur DJOGBÉNOU ne saurait cette fois ci, sous le couvert de votre lettre, faire disparaître le P.R.D. ni paralyser ses activités, alors qu’il est établi qu’il a failli à son obligation de vous fournir les pièces établissant la dissolution prétendue de ce parti. Veuillez agréer, Monsieur le Ministre de l’Intérieur et de la Sécurité Publique, l’expression de ma parfaite considération. »
Vers un bras de fer administratif et judiciaire
La brouille est là. Entre l’UP et le Prd, le désamour est si fort que Maître Adrien Houngbédji ne voit plus aucune autre possibilité de maintenir les relations en l’état. Même s’il est disposé à trouver d’autres formes de collaboration avec l’UP, Adrien Houngbédji garde une dent contre le professeur Joseph Djogbénou qu’il accuse d’avoir manœuvré en 2019 pour exclure le Prd des législatives du 28 avril 2019 avec le fameux phénomène des »doublons » sur la liste des candidatures. Mieux, Adrien Houngbédji à travers cette correspondance du ministre Alassane Seidou, la main de Joseph Djogbénou désireux de rayer le Prd de l’échiquier politique national. En l’état des choses, un duel épique s’annonce. D’un côté, le ministre Alassane Seidou va déployer son pouvoir institutionnel pour tenter d’imposer sa lecture de »mort du Prd ». De l’autre côté, Adrien Houngbédji ne lésinera pas sur aucun moyen légal et politique pour faire plier le ministère de l’Intérieur. Déjà, la clarté du raisonnement étalé par Maître Adrien Houngbédji dans sa correspondance adressée au ministre de l’Intérieur séduit certains juristes amoureux du droit administratif. Qui va remporter cette bataille administratif et potentiellement judiciaire qui s’annonce ? Pendant que les protagonistes aiguisent leurs »armes de combats », nous resterons attentifs aux issus de divorce presque acté entre l’UP et le Prd.
B. K. S
