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Célébration du 1er août 2025 au Bénin : Amnistie, grâce et justice : le chemin d’une réconciliation nationale

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C’est peut-être l’occasion rêvée de se tenir la main, entre béninois liés par un destin commun et regardant dans la même direction. Le 1er août 2025, le Bénin va célébrer une nouvelle fois son indépendance acquise depuis 1960. Par coutume républicain, ce moment est celui choisi la plupart du temps pour poser des actes d’élévation de la nation au-delà des clivages de tous genres. Qu’en sera-t-il de ce 1er août 2025, le dernier que l’actuel Président la République, Patrice Talon va célébrer ? Cette question rencontre l’intonation donnée par le groupe parlementaire Les démocrates le 11 juin 2025 à l’Assemblée Nationale quant à la proposition de loi d’amnistie. Cette loi porte en elle des germes d’une réconciliation nationale alors que le pays semble vaciller sur fond des querelles politiques entre ses camps. La proposition de loi est là et dans les tiroirs du parlement béninois. Si cette proposition venait à prospérer, elle pourrait baliser la voie d’une sortie honorable et triomphale pour le président Patrice Talon, tout en offrant une issue libératrice à plusieurs figures emblématiques retenues dans les liens de la justice, telles que Reckya Madougou et Joël Aïvo. Qu’est-ce que c’est qu’une amnistie ? Elle est, selon la définition classique, « l’oubli légal de certaines infractions », effaçant rétroactivement le caractère délictueux des faits. Juridiquement, c’est comme si l’infraction n’avait jamais existé. La dernière en date au Bénin, promulguée par la loi n°2019-39 du 7 novembre 2019, amnistiait les délits et crimes commis dans le contexte des législatives d’avril 2019. Aujourd’hui encore, cette voie législative reste un outil puissant de pacification, d’autant plus nécessaire que notre société ploie sous le poids d’une tension politique et d’une détresse carcérale croissante.
Mais si cette nouvelle initiative parlementaire venait à échouer, d’autres mécanismes tout aussi républicains peuvent être mobilisés pour répondre à l’urgence humanitaire et morale qui se joue derrière les murs de nos prisons. La première de ces voies reste la grâce présidentielle. Il est de tradition que le chef de l’État accorde des grâces à la veille de la fête nationale du 1er août. L’année 2025 étant la dernière célébration de cette fête sous l’ère Talon, quel plus beau symbole de grandeur d’âme que de libérer des centaines de détenus ? « La grandeur d’un homme d’État se mesure à sa capacité à dépasser les rancunes pour servir l’histoire », disait un ancien président africain. Par ailleurs, il est à rappeler que la loi n°2022-19 du 19 octobre 2022, portant sur la suspension des peines, bien que votée, demeure à ce jour lettre morte. Son application effective permettrait pourtant d’accorder un répit bienvenu à des personnes condamnées dont la situation sociale ou médicale le justifie. La non-application depuis bientôt 3 ans de cette loi interpelle notre conscience collective.
À côté de ces mesures, une autre piste de soulagement existe, la liberté conditionnelle. Inscrite à l’article 810 de notre Code de procédure pénale, elle permet aux condamnés ayant purgé la moitié de leur peine et présentant des garanties de réinsertion d’être remis en liberté. Or, cette mesure est suspendue depuis 2022, sans justification officielle. Sa relance, pourtant, pourrait décongestionner considérablement les établissements pénitentiaires et permettre à l’administration pénitentiaire de mieux remplir sa mission. « La justice sans humanité n’est que cruauté déguisée », écrivait Montesquieu : il est temps de redonner chair à cette humanité.
Les juges à divers niveaux , eux aussi, sont appelés à prendre part à cette œuvre collective de réconciliation. Qu’il s’agisse des juges d’instruction, souvent débordés par des dossiers en souffrance, des juges d’appel et de cassation, ou des juges constitutionnels attendus pour rejuger certaines affaires en vue de réparer des erreurs juridiciaires, chacun doit œuvrer avec célérité, équité et indépendance pour dire le droit. Restaurer la confiance du peuple dans son appareil judiciaire est un chantier essentiel.
En définitive, si l’amnistie dépend du Parlement, la grâce présidentielle de l’Exécutif, et la liberté conditionnelle du garde des sceaux, c’est à l’ensemble des institutions qu’il revient d’agir de concert. À l’orée d’un nouveau cycle politique, le Bénin peut faire le choix du pardon et de la réconciliation.
Et à tous les niveaux de la République, l’heure est à la responsabilité. Pour que justice et paix s’embrassent enfin, et que le vivre-ensemble ne soit plus une illusion, mais la réalité d’un pays qui choisit la lumière. La conjugaison de l’ensemble de ces éléments et la prédisposition d’esprit de l’ensemble des acteurs seront déterminants pour tracer un chemin de réconciliation nationale au peuple béninois. À chacun d’y jouer sa partition. Et l’histoire retiendra des noms et se chargera de classer chacun du bon ou du mauvais côté.

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