
« Quel citoyen et quel dirigeant pour le Bénin en 2026? » : Une réflexion de Bénilde Akambi, administrateur civil et spécialisé en décentralisation
- *« Quel citoyen et quel dirigeant pour le Bénin en 2026 et au-delà ? À l’écoute de la jeunesse »*
_Par Bénilde AKAMBI,_
Administrateur Civil, Spécialisé en Décentralisation,
Président du Gouvernement des Jeunes du Bénin
*INTRODUCTION*
Au tournant de 2026, le Bénin entre dans une phase décisive de son histoire politique et citoyenne. Trois décennies et demie après l’historique Conférence Nationale et le triomphal renouveau démocratique, notre pays se trouve à une croisée des chemins : *entre la maturation institutionnelle et la pratique citoyenne, entre la vitalité de sa jeunesse et la fragilité de son lien civique.* La question du citoyen et du dirigeant de demain n’est donc pas simplement philosophique — elle est existentielle pour la République.
Les élections groupées (municipales et législatives) de janvier 2026, suivie de l’élection présidentielle d’avril 2026, offriront un miroir sans concession de ce que nous aurons semé en matière d’éducation civique, de conscience citoyenne et de leadership politique.
C’est dans cette perspective que s’inscrit la présente réflexion, que j’ai présentée samedi 18 octobre 2025, au Chant d’Oiseau de Cotonou lors de la Journée nationale sur l’intégration de la jeunesse à la construction du pays, organisée par l’Aumônerie Nationale des Cadres et Personnalités Politiques.
Cette réflexion poursuit une double-finalité :
– Primo, définir le profil du citoyen béninois de l’ère post-2026, acteur conscient et responsable du destin collectif ;
– Et secundo, tracer le portrait du dirigeant béninois de demain, qu’il soit élu national ou local, enraciné dans l’éthique, la compétence et le service.
Notre approche sera à la fois juridique, sociologique et empirique, fondée sur l’observation des dynamiques citoyennes actuelles et les enseignements des réformes institutionnelles.
Elle s’articule autour de deux grandes parties :
– I. Le citoyen béninois de 2026 : conscience, engagement et responsabilité
– II. Le dirigeant béninois de 2026 : éthique, proximité et vision
*I. DU CITOYEN BÉNINOIS DE 2026 : CONSCIENCE, ENGAGEMENT ET RESPONSABILITÉ*
Le citoyen de demain n’est plus un simple sujet de droit, mais l’acteur principal de la démocratie, appelé à incarner une citoyenneté active et éclairée.
*A. De la définition du citoyen de 2026*
Le citoyen n’est pas seulement un individu détenteur de droits politiques ; il est le sujet actif de la République, détenteur d’une part de souveraineté.
L’article 35 de la Constitution béninoise rappelle que « le devoir du citoyen envers l’État et la société est de respecter la Constitution, les lois et règlements, de défendre la patrie et de contribuer au développement de la nation. »
En d’autres termes, le citoyen de 2026 doit être à la fois *éclairé, engagé et solidaire.*
Cette citoyenneté rénovée s’inscrit dans un contexte marqué par *la montée des incivilités, la désaffection politique et la défiance envers les institutions*. Or, face à la crise de confiance, la jeunesse béninoise réinvente l’engagement : mouvements communautaires, plaidoyers environnementaux, innovations sociales, et même initiatives numériques.
On ne les dénombre plus, ces collectifs comme *l’Association des Citoyens Engagés du Bénin*, les *Conseils d’Enfants du Bénin*, le *Women Impact Network*, *l’Envol*, *Aide et solidarité*, *Nouveau Type de Citoyens,* *Debout ma commune*, ou encore le *Gouvernement des Jeunes du Bénin* (GJB) qui ont pris d’assaut l’espace public, avec dans la tête d’innombrables solutions aux problèmes de leur temps, pour démontrer qu’une nouvelle citoyenneté active prend corps.
Mieux, que pour notre jeunesse, la citoyenneté n’est pas un statut, c’est un engagement compris et assumé.
*B. Un éveil citoyen à trois dimensions*
Le 4 octobre dernier, j’étais à Savalou, pour former des jeunes du *Collectif Debout Ma Commune* sur la Décentralisation. Avec eux, nous nous sommes livrés à un exercice peu habituel : définir ensemble ce qui à leur sens, leur paraissait la définition la plus objective possible de l’élu communal modèle. Pour cela, nous avons usé d’un procédé métaphorique fondé sur la tête, le cœur et les mains. Je me propose de faire de même pour cette réflexion.
_1) La tête : un citoyen conscient et informé_
Plus que quiconque, le citoyen que nous voulons doit être une tête bien faite, bien formée et encore mieux, bien informée. Il doit *comprendre les enjeux du pays, maîtriser les mécanismes de la gouvernance, participer activement à l’œuvre de construction nationale et savoir évaluer les politiques publiques.*
L’éducation civique et politique, aujourd’hui marginalisée, doit redevenir l’un des piliers du système éducatif. C’est pour cela que le GJB initie depuis quelques années, une fois l’an, un Camp pendant lequel ses membres vont à l’école de la décentralisation. L’objectif est double : *participer aujourd’hui, et co-construire demain.* Car, comme le bâtonnier feu Sévérin Hounnou le soulignait, _« la connaissance libère de la peur »_, nous croyons fort que la jeunesse doit s’en affranchir et acquérir sa liberté de pensée, d’agir et d’impacter en se cultivant avec ardeur.
*2) Le cœur : un citoyen patriote et tolérant*
Dans un contexte où les divisions régionales et politiques fragilisent la cohésion sociale, le citoyen de 2026 doit être animé d’un patriotisme civique fondé sur le respect des différences.
Pour nous, être citoyen, c’est *refuser la haine et choisir le dialogue*. C’est rester insensible aux sirènes de l’intolérance, de l’extrémisme et privilégier l’amour, le vivre-ensemble. Le citoyen dont nous rêvons après la période électorale de 2026, c’est celui ou celle-là qui voit le jeune de Tchaourou, de Lokossa, de Savè, d’Abomey, de Djakotomey, de Natitingou comme son frère et/ou sa sœur. Et il doit s’en faire impérativement le gardien !
*3) La main : un citoyen acteur du changement*
Les paradigmes de la citoyenneté sont désormais en pleine mutation. Nous ne pouvons plus l’ignorer, le citoyen béninois ne se contente plus de voter ; il agit. Il est devenu *co-producteur de l’action publique.*

Vous en doutez ? Pour vous en convaincre, faisons juste le point de ces jeunes qui sont dans le volontariat, l’entrepreneuriat social, qui participent sérieusement à l’élaboration des documents de politique nationaux et communaux, et font la veille citoyenne.
Cette dimension pratique de la citoyenneté puise son essence dans une profonde compréhension, mi-consciente, mi-inconsciente de notre génération de l’idée que Rousseau porte dans le contrat social, _« chacun de nous met en commun sa personne et toute sa puissance sous la suprême direction de la volonté générale »._
*II. LE DIRIGEANT BÉNINOISE DE 2026 : ÉTHIQUE, PROXIMITÉ ET DE VISION*
Le dirigeant pour 2026 doit être multiple, adapté à l’échelon de son mandat, et incarner le modèle de la compétence et de la probité.
*A. Le dirigeant national : intelligence de l’État et leadership de transformation*
Le président et les députés de la République sont les gardiens du pacte démocratique.
En 2026, le Bénin aura besoin non d’un chef qui domine, mais d’un leader qui incarne.
Le futur Président devra être un homme de la tête, c’est-à-dire un stratège lucide, capable de penser le développement à long terme, au-delà des cycles électoraux.
Mais il devra aussi être un homme du cœur, sachant écouter, dialoguer, unir son peuple autour des enjeux de développement.
Enfin, ce devra être un homme de la main, capable de réaliser concrètement ses promesses, de mobiliser les compétences et d’agir dans l’intérêt du peuple. Emplois décents et durables, éducation et formations de qualité, participation politique, soutien à l’innovation et à l’entrepreuneuriat, respect des libertés et des droits fondamentaux : voilà les chantiers sur lesquels la jeunesse espère voir notre futur Président se positionner !
Et surtout, et surtout, *il devra faire le difficile choix entre le champagne pour quelques-uns et l’eau potable pour tous !*
Gouverner, c’est servir, disait Jacques DALARUN. J’ajoute, gouverner bien, c’est servir avec conscience. La gouvernance du Bénin d’après 2026 doit s’inspirer de l’éthique de Nelson Mandela que je veux bien résumer ainsi : Un dirigeant véritable est celui qui conduit son peuple là où il doit aller, non là où il veut aller.
Autrement dit, sous le magistère de notre futur Président, l’État doit redevenir le laboratoire de la justice social, de la rigueur et de la proximité avec le peuple souverain.
*B. Le dirigeant local : servir de plus près, agir plus juste*
La décentralisation confère au maire et aux conseillers communaux une responsabilité directe dans la vie quotidienne des citoyens.
Lors de la formation sur la décentralisation à Savalou, les participants ont déjà élaboré le portrait de l’élu communal modèle, à partir du triptyque tête – cœur – main. Je ne ferai que reprendre humblement ici le fruit de nos travaux.
_1) La tête : compétence et vision locale_
L’élu local doit comprendre les textes sur la décentralisation, savoir planifier le développement et mobiliser les ressources. Il n’est pas un administrateur, mais un visionnaire de proximité, capable d’articuler les besoins des populations avec les politiques nationales.
_2) Le cœur : écoute, équité et intégrité_
Le dirigeant local doit être le miroir des aspirations de sa communauté.
Il incarne la probité, la transparence et la compassion. Dans un contexte de défiance généralisée, caractérisé par la montée des discours haineux et extrémiste, l’élu communal de 2026 doit redonner confiance à travers son comportement exemplaire.
_3) La main : efficacité et redevabilité_
La main symbolise l’action, la tenue des promesses électorales et la réponse aux préoccupations urgentes des populations.
Le maire ou le conseiller communal doit non seulement agir, mais rendre compte.
La reddition de comptes doit devenir un réflexe démocratique, un gage de confiance entre élu et mandant.
Comme l’a dit Barack Obama : _« Le changement ne viendra pas si nous attendons un autre homme ou un autre moment. Nous sommes ceux que nous attendions. »_
*CONCLUSION*
Le Bénin de 2026 et d’après a besoin de plus que de bonnes intentions. Il exige une alchimie parfaite entre un Citoyen éclairé – qui ose l’engagement civique et la co-construction – et un dirigeant éthique et compétent.
La bataille pour le développement se gagnera ou se perdra dans *la qualité du lien social et politique*. *Le dirigeant doit oser inventer l’avenir en facilitant les talents des jeunes, et le citoyen doit assumer la « révolte » positive de la vigilance pour exiger la probité.*
La Constitution nous donne le cadre, mais c’est au pacte générationnel, fondé sur l’écoute et la redevabilité, que se joue le destin.
Que *l’écoute, le dialogue et la responsabilité* soient les piliers du Bénin qui vient.
Le Bénin de demain, celui que nous appelons « le plus grand Bénin qui vient », ne se construira pas seulement dans les bureaux des politiques, mais dans le cœur et les mains de chaque jeune citoyen.
