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Projet de révision de la constitution: Voici la nouvelle architecture institutionnelle proposée par Aké Natondé et Assan Séïdou dont la création d’un Sénat au Bénin

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Le projet de révision de la constitution déposé à l’assemblée nationale par les députés Aké Natondé et Assan Séïdou marque une nouvelle étape dans la réflexion sur le fonctionnement des institutions au Bénin. Cette proposition de loi constitutionnelle vise à modifier la loi fondamentale du 11 décembre 1990 en y introduisant plusieurs innovations majeures, dont la plus marquante reste la création d’un Sénat, organe inédit dans le dispositif institutionnel béninois.

 

Les initiateurs estiment qu’après plus de trois décennies de pratique démocratique, les tensions partisanes et les clivages politiques freinent la dynamique de développement. Pour y remédier, ils proposent un Sénat chargé d’arbitrer les divergences politiques et d’encourager la cohésion nationale.

Cette nouvelle chambre, si elle est adoptée, deviendra un acteur institutionnel chargé de garantir la stabilité, la continuité de l’état et la qualité du débat politique. Elle serait composée, pour l’essentiel, d’anciens présidents de la République, de l’assemblée nationale et de la cour constitutionnelle, ainsi que des anciens chefs d’état-major. À ces membres de droit s’ajouteraient des personnalités désignées par le président de la république et celui de l’assemblée nationale, dans une proportion n’excédant pas un cinquième du total.

Le Sénat, gardien de la trêve politique

Autre innovation, l’instauration d’une trêve politique. L’article 5-1 du projet prévoit qu’après l’élection présidentielle, l’ensemble des partis et acteurs politiques devront suspendre les activités à visée compétitive jusqu’à l’année précédant la prochaine élection. Durant cette période, la vie politique devra soutenir l’action du gouvernement, dans une logique de continuité et de cohésion nationale. Le Sénat serait alors le garant du respect de cette trêve.

Le texte prévoit aussi que le Sénat soit consulté en amont de toute loi à caractère politique notamment celles concernant l’organisation du pouvoir d’état, la sécurité ou les finances publiques. Il pourrait demander une seconde lecture de tout texte voté à l’assemblée nationale, sauf les lois de finances. Dans certains cas, il interviendrait même en lecture définitive, ce qui en ferait un véritable contrepoids institutionnel.

Une révision aux accents symboliques

Les modifications touchent aussi à d’autres articles de la constitution. L’article 22, sur le droit de propriété, est reformulé pour préciser les conditions d’expropriation. L’article 53 introduit le Sénat parmi les institutions devant lesquelles le président de la République prêterait désormais serment. Enfin, une limite d’âge de 90 ans est fixée pour siéger au Sénat, avec une dérogation exceptionnelle jusqu’à 95 ans lors de son installation.

Une proposition lourde d’enjeux politiques

Cette révision constitutionnelle, si elle franchit les étapes parlementaires, introduira un tournant institutionnel inédit dans l’histoire politique du Bénin. En confiant aux anciens dirigeants un rôle officiel de médiation et d’arbitrage, les auteurs du texte espèrent instaurer une forme de continuité politique au-dessus des partis.

Mais la proposition soulève déjà des questions, quel équilibre entre ce nouveau Sénat et les pouvoirs déjà existants ? Quelle lecture les acteurs politiques feront-ils de la trêve imposée ? Et surtout, quelle sera la réaction de l’opinion publique face à une réforme qui redessine les rapports de pouvoir ?

En attendant le débat parlementaire, le projet Aké Natondé et Assan Séïdou relance la question du modèle institutionnel le plus adapté à la stabilité et au développement du Bénin.

Joseph Sossou

 

📍Les députés veulent instaurer une « trêve politique » et confier aux anciens dirigeants la mission de veiller à la stabilité nationale

 

 

L’intégralité du projet de révision de la Constitution

Proposition de loi
portant modification de la loi n°90-32 du 11 décembre 1990 portant Constitution de la République du Bénin

Monsieur le Président de l’Assemblée nationale,

Banniere carrée

Les députés soussignés, auteurs de la présente proposition de loi, ont l’honneur de vous exposer :

EXPOSE DES MOTIFS

La Conférence nationale des forces vives de la Nation tenue à Cotonou du 19 au 28 février 1990 a consacré la détermination du Peuple béninois à restaurer la démocratie libérale fondée sur la liberté, le pluralisme et la protection des droits fondamentaux.

La Constitution adoptée après référendum, par la loi n°90-32 du 11 décembre 1990, porte en promesse et en actions politiques, cette détermination dont la finalité est le renforcement d’un État fondé sur le droit, le développement économique et la justice sociale.

Des dysfonctionnements institutionnels et systémiques observés après une trentaine d’années de mise en œuvre ont conduit à une première série de modifications contenue dans la loi n°2019-40 du 7 novembre 2019. Celles-ci ont porté sur le renforcement des droits fondamentaux à caractère individuel (l’abolition de la peine de mort) et catégoriels (l’admission de la discrimination positive à l’égard de la femme) ; le renforcement des institutions (la création de la Cour des comptes) ; l’alignement des élections nationales et communales (l’institution de l’année électorale) ; la reconnaissance de la chefferie traditionnelle etc.

Toutefois, quoiqu’appréciables et saluées de tous, ces premières modifications ne suffisent pas à rendre irréversible l’élan du développement complet et durable pris par le peuple béninois.

En effet, il est constant que l’accélération voire l’accentuation de la transformation structurelle du Bénin ainsi que le règlement durable des problèmes socio-économiques sont annihilés avec l’animation de la vie politique dans une perspective politicienne qui oppose systématiquement les courants politiques adverses et empêche tout éventuel compromis susceptible de permettre la mise en œuvre de solutions consensuelles aux problèmes de développement de la Nation. Pour y remédier, il convient d’envisager la création d’un nouvel organe dans l’environnement institutionnel, capable de rapprocher voire arbitrer les options politiques divergentes, au profit de l’action publique efficace et consensuelle. Il est souhaitable que cet organe nouveau compte, entre autres, sur l’expérience des anciens présidents de la République, des anciens présidents de l’Assemblée nationale ainsi que les anciens présidents de la Cour constitutionnelle pour leur confier, à titre principal, cette mission : c’est la raison qui motive la proposition de création du Sénat.
Ainsi, le Sénat aura pour rôle de :
concourir à garantir la sauvegarde et le renforcement des acquis du développement de la Nation, de défense du territoire et de sécurité publique. A ce titre il veille à la stabilité politique, la continuité de l’État, au débat politique contradictoire constructif.
assurer la promotion des mœurs politiques conformes à la sauvegarde des intérêts supérieurs de la Nation, de l’Unité et de la Cohésion nationale, du développement durable et de la paix sociale.
veiller à renforcer les libertés publiques, la qualité de la gestion des biens publics, l’unité et la concorde nationales en vue du développement humain équilibré et durable.
De même, en matière législative, le Sénat délibère, a priori, sur tout projet ou proposition de loi à caractère politique, notamment en ce qui concerne la dévolution ou l’organisation du pouvoir d’État.
Par ailleurs, le Sénat peut solliciter une seconde lecture de toute loi votée à l’Assemblée nationale exceptées les lois de finances et assimilées.
A cet effet, lorsque, à sa demande de seconde lecture de toute loi conférée par la constitution, l’Assemblée nationale écarte les observations du Président de la République, le Sénat est saisi en lecture définitive.

Par ailleurs, il est indiqué que pour tenir compte des exigences d’une telle chambre politique d’une part, et des expériences requises dans la gestion des dossiers d’Etat d’autre part, le Sénat soit composé des anciens présidents de la République ; des anciens présidents de l’Assemblée nationale ; des anciens présidents de la Cour constitutionnelle ; des chefs d’État-major des forces en charge de la défense et de la sécurité nationales (tous membres de droit). Il est également souhaité qu’en dehors des membres es-qualités mentionnés, le Président de la République et le Président de l’Assemblée nationale désignent chacun, des membres dont le nombre constitue un quota qui n’excéderait pas au total, 1/5 de ces membres de droit.
Toutes ces propositions sont élaborées et consignées dans le texte de loi que nous annexons.
C’est pour ces motifs que nous, les auteurs de la présente proposition de loi vous demandent d’en saisir la représentation nationale en vue de son étude et de son adoption.

Veuillez agréer, Monsieur le Président de l’Assemblée nationale, l’expression de notre haute considération

Proposition de loi portant modification de la loi n°90-32 du 11 décembre 1990 portant Constitution de la République du Bénin

Article premier : sont créés ou modifiés :
Article 5-1 (création) : A l’élection du Président de la République, les activités politiques des partis politiques et des corps de la Nation doivent converger au renforcement de l’action politique du Gouvernement jusqu’à l’année précédant la prochaine année électorale.
Au cours de cette période de trêve des activités de compétition politique, l’activité des partis politiques ne doit pas compromettre l’action politique du président de la République et du Pouvoir exécutif. L’animation du débat politique à finalité compétitive est suspendue. L’activité politique doit être contributive et concourir au succès de l’action politique mise en œuvre par la majorité en charge de la direction de l’État.
Le Sénat veille au respect des dispositions du présent article.

Article 22 (modification) : Toute personne a droit à la propriété. Nul ne peut être privé de la propriété des biens immeubles, lorsque cette propriété est fondée en titre judiciaire ou administratif, que pour cause d’utilité publique et contre juste et préalable dédommagement.

Article 53, alinéa dernier (modification) : Le serment est reçu par la Cour constitutionnelle et le Sénat, devant l’Assemblée nationale, la Cour suprême et la Cour des comptes.

TITRE V NOUVEAU : DU SENAT

Article 113-1 (création) : Le Sénat concourt à garantir la sauvegarde et le renforcement des acquis du développement de la Nation, de la défense du territoire et de la sécurité publique. A ce titre il veille à la stabilité politique, la continuité de l’État et la paix de la Nation.

Le Sénat assure la promotion des mœurs politiques conformes à la sauvegarde des intérêts supérieurs de l’État et de la Nation, de l’Unité et de la Cohésion nationale, du développement durable et de la paix sociale.
Le Sénat veille à renforcer les libertés publiques, la qualité de la gestion des biens publics, l’unité et la concorde nationales en vue du développement humain et complet durable.
En matière législative, il délibère, a priori, tout projet ou proposition de loi à caractère politique, notamment lorsque les projets ou propositions de loi intéressent la dévolution ou l’organisation du pouvoir d’État, les finances publiques, la sécurité intérieure et la défense du territoire.
Il peut, alors même que le président de la République n’a pas user de ce pouvoir, solliciter une seconde lecture de toute loi votée à l’Assemblée nationale.
Lorsque, à sa demande de seconde lecture d’une loi, l’Assemblée nationale écarte les observations du Président de la République, le Sénat est saisi en lecture définitive.

Le Sénat siège à Cotonou.
Il dispose d’une administration et organise son fonctionnement conformément à un règlement intérieur.
Article 113-2 (création) : Le Sénat se prononce sur les comportements des dirigeants politiques, à l’exception du Président de la République et du Président de l’Assemblée nationale, des membres de l’Assemblée nationale, du Gouvernement ou des partis politiques qui contreviennent aux dispositions des articles 5-1et 113-1 de la présente Constitution et prend les sanctions et les mesures prévues à son règlement intérieur.

Article 113-3 (création) : Le Sénat veille au changement de régime et à la transmission du pouvoir d’État dans les conditions pacifiques et républicaines sans que les acquis du développement soient compromis.

Article 113-4 (création) : Le Sénat est composé des anciens présidents de la République ; des anciens présidents de l’Assemblée nationale ; des anciens présidents de la Cour constitutionnelle ; des chefs d’État-major des forces en charge de la défense et de la sécurité nationales. Le président de la République et le président de l’Assemblée nationale, désigne chacun, des membres dont le nombre n’excède pas le 1/5ème des membres de droit.
Nul ne peut exercer les fonctions de membre du Sénat s’il est âgé de plus de 90 ans.

Article 2 : A l’installation du Sénat, les membres de droit ayant atteint la limite d’âge de 90 ans, peuvent y siéger à titre dérogatoire jusqu’à l’âge de 95 ans.
La présente loi constitutionnelle entre en vigueur dès sa promulgation et sera exécutée comme loi de l’Etat.

 

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