
À l’approche des fêtes de fin d’année, la question paraît banale mais révèle un vrai choc de générations. Le “cadeau monétaire”, désormais courant chez les jeunes couples, suscite autant d’adhésion que de crispations.
Une pratique qui séduit mais fait débat
Sur les réseaux sociaux, les injonctions pleuvent, « Un bon gars doit donner au moins 50 000 F à sa go », « Bb ! Et l’argent des fêtes ? ». La pression est réelle et pour beaucoup, donner de l’argent est presque devenu un test de loyauté.
Judicaël Minhinto, étudiant en psychologie à l’UAC, assume : « Donner de l’argent, c’est matérialiser l’amour. Cela peut même garantir la fidélité. » M. Behanzin, étudiante à la FADESP, nuance, « Ce n’est pas une obligation. Mais s’il peut faire plaisir, qu’il le fasse. » Rodrigue, 22 ans, va droit au but, « Je préfère donner de l’argent. Elle choisira ce qu’elle veut. »
Tous ne partagent pas cette vision. Pour Adolphe, mécanicien, « c’est un geste qui doit rester spontané ». Prosper, maçon, craint les dérives, « Certaines filles profitent des fêtes pour soutirer de l’argent. Si son ex lui donnait et pas moi, elle peut me tromper. »
Le sociologue Kratos Achille SODEGLA confirme l’importance croissante du facteur financier, « Les jeunes utilisent l’argent pour matérialiser l’attachement, baliser la relation et situer leur position. »
Quand le geste perd sa symbolique

SODEGLA rappelle que, dans les pratiques traditionnelles, le don impliquait la famille et respectait un protocole, « On ne donnait jamais en direct. L’intermédiaire validait l’intention. Le montant importait peu. C’était un acte chargé de respect, d’engagement et de maturité.» Aujourd’hui, tout est individualisé, mobile money, messages instantanés, absence de rituel. « La symbolique s’efface, et le geste devient transactionnel.»
Entre pragmatisme et romantisme
Simone et Marcel, mariés depuis 40 ans, s’agacent de ce glissement, « L’important, ce n’est pas l’argent, mais l’intention. Donner de l’argent peut devenir impersonnel. » Symphorien d’Almeida, libraire depuis quatre décennies à l’UAC, est encore plus direct, « Les attentes matérielles fragilisent tout. Avant, il n’y avait pas d’amour sans idées. » Dassi Bibiane, commerçante de 53 ans, défend la spontanéité «L’homme qui offre volontairement est une bénédiction. On ne doit rien lui imposer. » SODEGLA insiste, « Beaucoup ignorent que donner de l’argent à une femme était un acte codifié. Désormais, la culture se dilue et la signification s’effondre.» Pour lui, il faut “rééduquer” à la symbolique du don, « Les jeunes veulent des relations sérieuses mais manquent de repères. Apprendre le sens du geste, la gestion des émotions et les codes culturels devient urgent. »
Certains jeunes cherchent déjà un équilibre. Jordan D., 23 ans, raconte, « Je donne un petit billet, mais je l’accompagne d’un mot écrit et de petites douceurs pour éviter la logique purement transactionnelle. »
En définitive
Il n’existe pas de règle universelle. Offrir ou non de l’argent dépend des valeurs du couple et du sens que chacun accorde au geste. Monétaire ou symbolique, l’essentiel reste l’attention portée à l’autre pas la somme.
Laura LEKE
