RAM Grand

Liberté de culte des religions importées au Rwanda: Kigali ferme le robinet des églises évangéliques

0 431

La vague de fermetures d’églises évangéliques au Rwanda ne relève ni de l’improvisation ni d’un simple zèle administratif. Elle s’inscrit dans une reconfiguration assumée des rapports entre l’État et les confessions religieuses, dans un pays où la stabilité politique et institutionnelle est érigée en dogme.

Banniere carrée

Depuis 2018, les autorités rwandaises ont durci l’arsenal réglementaire encadrant les lieux de culte. Désormais, toute communauté religieuse doit satisfaire à des exigences strictes, conformité des bâtiments aux normes de sécurité, transparence financière, qualification académique et morale des responsables religieux. Une ligne dure assumée au sommet de l’État. Le président Paul Kagame n’a jamais caché sa méfiance à l’égard de certaines églises, accusées de prospérer sur la crédulité des fidèles. « La foi ne peut servir de couverture à des pratiques frauduleuses », avait-il martelé, dénonçant des structures qu’il qualifie sans détour d’outils d’exploitation. Sur le terrain, l’application de ces règles a frappé de plein fouet les églises de petite taille, souvent dépourvues de moyens financiers suffisants pour se conformer aux standards imposés. Les inspections menées par les services compétents ont mis au jour de nombreux manquements, bâtiments jugés dangereux, dispositifs anti-incendie inexistants, comptabilités opaques ou inexistantes. Résultat, des scellés apposés, des portes closes et des milliers de fidèles contraints de se disperser. Mais au-delà de l’argument officiel de l’assainissement, la dimension politique du dossier alimente le débat. Pour l’avocat rwandais Louis Gitinywa, les églises évangéliques ne sont pas de simples espaces spirituels. « Elles sont aussi des lieux de mobilisation sociale, capables de structurer l’opinion et d’influencer les consciences », analyse-t-il. Dans un pays gouverné par le même pouvoir depuis plus de trois décennies, leur encadrement strict apparaît, aux yeux de certains observateurs, comme une manière de neutraliser toute forme d’expression collective autonome. Selon des chiffres relayés par la presse Rwandaise, plus de 10 000 lieux de culte auraient ainsi cessé leurs activités à travers le pays, un chiffre qui donne la mesure de l’onde de choc provoquée par cette politique. Cette situation ravive une question centrale, jusqu’où un État peut-il réguler l’espace religieux sans porter atteinte à la liberté de culte? Au Rwanda, la réponse se dessine clairement. La foi est tolérée, encouragée même, à condition qu’elle reste strictement encadrée et alignée sur l’ordre institutionnel établi. Une ligne de crête délicate, où l’autorité de l’État prime, quitte à fragiliser l’expression religieuse plurielle.

Laura LEKE

Laisser un commentaire

Votre adresse email ne sera pas publiée.

error: Content is protected !!