Désolidarisation probable de mouvanciers de « La Rupture »: Bonaventure Fandohan invite Talon à anticiper les risques
Au Bénin, les feuilletons politiques suggèrent à l’opinion que l’infidélité semble être le ‘’sang’’ qui circule dans les veines de certains politiciens. Si le président de la République Patrice Talon a bénéficié lors de son premier quinquennat, du soutien de nombreux acteurs politiques, ces derniers pourraient toutefois lui tourner dos pendant le second. Et plusieurs raisons sous-tendent cela, à en croire le spécialiste des questions de politiques des chaînes de valeurs, de compétitivité et d’inclusion économiques, Bonaventure Fandohan. Il a fait ressortir dans une tribune purement technique, des évidences politiques non connues du public.
G. D.
(Lire l’intégralité de l’analyse du spécialiste)
La Cour constitutionnelle du Bénin a confirmé le mercredi 21 avril 2021 la réélection du Président Patrice Talon avec 86% des voix du scrutin du 11 avril. Le Président Talon, avec Mariam Chabi Talata en tant que Vice-Présidente, a recueilli 1 982 534 voix sur un total de 2 297 315 votes valides exprimés, selon cette cour. Au lieu de m’attarder sur ce résultat qui vient d’une machine huileuse et bien pensée, je voudrais plutôt m’aventurer sur le terrain de ce qui vient dans les cinq prochaines années.
S’il est vrai que la Rupture a écrasé sur son chemin les candidatures contre le candidat Talon durant cette élection, elle a augmenté le nombre des participants et acteurs qui se réclament de la victoire de ce duo. Aujourd’hui, certains partis tels que MOELE- Bénin, le PRD, l’UNDB qui sont des partis qui n’avaient pas un accès direct ou suffisant au « gâteau » bien que se réclamant de la « grande mouvance », devront désormais espérer, et à juste titre, une participation plus grande et active. Les deux grands partis qui s’affrontent au quotidien pour une participation plus accrue à la gestion des affaires de la nation, et qui avaient sérieusement « mouillé leurs maillots » durant cette élection, devront aussi espérer plus et non moins. Face à cette classe politique très espérant des fruits de ses efforts, se retrouvent les organisations de soutien au candidat Talon qui aussi n’ont pas démérité sur le terrain. À cette situation complexe d’attentes s’ajoute le caractère de l’homme de la Rupture qui ne semble pas vouloir changer une équipe qui gagne et qui se garde de faire des changements pour plaire à la classe politique béninoise connue pour ses intérêts égoïstes et individualistes.
Par ailleurs, il est important de considérer les promesses électorales du candidat Talon et les attentes créées au sien des populations. Si le Président Talon est arrivé à se faire élire sur la promesse de s’attaquer au développement socio-économique centré sur le bien- être humain et individuel, il devra désormais convaincre le peuple béninois qu’il a une stratégie qui va impacter leur bien-être individuel et collectif. Aussi devra- t- il prouver que cette stratégie marche pour la majorité des Béninois tant en milieu rural qu’en milieu urbain, du Nord au Sud et de l’Est à l’Ouest. Cet objectif n’est pas facile à réaliser et à mesurer dans un environnement politique difficile caractérisé par une certaine partie de l’opposition qui se radicalise et entraine peu à peu les Béninois à questionner leur capacité à vivre ensemble en tant que peuple uni et indivisible.
Un autre évènement non moins important est l’échéance 2023. Depuis 2016, les lieutenants du Président Talon ont bénéficié du vide laissé par son prédécesseur, le Président Boni Yayi. Certains supporteurs de la Rupture sont conscients que si Yayi avait donné des consignes de votes, qu’ils ne seraient pas élus dans leurs diverses fonctions politiques. Cette absence du Président Yayi a créé un manque à gagner à ses supporteurs en ce qui concerne leur capacité de mobilisation et le test de leur force de frappe sur le terrain. Mais ce silence apparent pourrait être rompu en 2023. Conscients de ce fait, certains supporteurs du Président Talon pourraient trouver des alibis pour se démarquer de lui d’ici 2023. Ceci pourrait exacerber la division déjà perceptible au sein de la machine Rupture et créerait une opportunité pour les amis de Yayi s’ils sont organisés et peuvent se dévêtir des idées « des conférences et assises » qu’ils continuent de réclamer depuis 2016.
Somme toute, si la plupart des seconds mandats au Bénin ont montré des difficultés sérieuses, celui-ci non plus ne sera pas aisé et promet d’être riche en évènements politiques majeurs pour le Bénin. Le Président Talon, ancien homme d’affaires averti, qui est en train de créer un autre standard pour la classe politique béninoise, est sans doute conscient de ces enjeux. Toutefois, il devra anticiper ces risques durant les cinq prochaines années pour ne pas quitter le pouvoir sous les pressions de la rue ou finir en 2026 sans un dauphin préparé et averti comme ses prédécesseurs Kérékou et Yayi.
Bonaventure Fandohan,
Socio-économiste ; spécialiste des questions de politiques des chaines de valeurs, de compétitivité et d’inclusion économiques
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