Macron dit « soutenir » le Mali : le mensonge du siècle
Contre Wagner ou « pour » le Mali ?
Depuis quelques temps, Macron est vent-debout contre la présence identifiée de mercenaires du groupe paramilitaire russe Wagner. Pour avoir déjà consacré un premier article à propos de Wagner intitulé « Tête de pont des armées privées: Wagner prend pied en Afrique », nous rappellerons juste que ce groupe privé, bras militaire officieux de la « diplomatie » poutinienne, n’officie que dans les intérêts bien compris des capitalistes russes liés au Kremlin. On l’a vu ainsi « intervenir » en Syrie, dans divers pays du continent africain, principalement en Libye où son activité sur le tarrain a clairement fait basculer les rapports de force, et on la voit désormais faire ses offres de service au niveau international sur le marché de la sécurité militaire comme d’autres font des offres commerciales sur le marché international.
Toujours dans le même article, nous rappelions que, pour un pays souverain, il n’y a, bien sûr, aucun intérêt à confier sa sécurité militaire et son avenir politique à un groupe paramilitaire privé, pas plus qu’il n’y a d’intérêt à les confier à une puissance tutélaire extérieure. Autrement dit, sachant qu’il est beaucoup plus facile, pour un pays indépendant, de confier les clefs de la maison à un groupe de paramilitaires que de s’en séparer ensuite, il n’y a donc aucun intérêt, en rien, à passer d’une dépendance à une autre, d’une soumission à une autre.
On peut donc, on doit même, dénoncer les dangers inhérents à se soumettre à « l’efficacité » de groupes tels que Wagner et combattre, dans le même temps l’ingérence militaro-politique exercée par d’ex puissances coloniales sur leurs anciennes colonies comme le fait régulièrement la France depuis les indépendances.
Voir aujourd’hui Macron « s’inquiéter » que les responsables actuels du Mali se tournent vers la solution Wagner afin, d’une part, de prendre ses distances avec la France et palier d’autre part, à la réelle inefficacité de la force Barkane, pourrait prêter à rire si la situation n’était pas dramatique au peuple malien.
Aide ou ingérence ?
Depuis son élection, Macron, ex ministre de Hollande, n’a fait que suivre fidèlement l’option militaire décidée par son prédécesseur. Qui ne se souvient des pompeuses arguties d’un François Hollande, fraîchement élu au sommet de l’état français, s’en allant guerroyer contre la barbarie sur le sol africain ? Une campagne massive des médias nationaux expliquait alors aux citoyens de France qu’il était inenvisageable de laisser l’humanité s’effondrer devant les portes de Tombouctou, etc…etc…Ainsi, c’est dans cette ambiance de « dernier rempart de la civilisation » que les militaires français prenaient pied sur le territoire malien pour y protéger l’intégrité du pays et les populations contre les exactions des groupes djihadistes.
Nul ne saurait nier les difficultés rencontrées par les habitants du Mali, dues essentiellement aux incursions menées pas des groupes stationnés au nord et alimentés en armes de toutes catégories provenant directement du chaos libyen provoqué, lui, par l’intervention militaire française sous couvert de l’OTAN. Déjà depuis cette date, 5000 hommes stationnent donc en permanence sur le territoire avec comme double mission officielle de « protection des populations civiles » et de « lutte contre le terrorisme ».
Or, la volonté officiellement affirmée par les autorités françaises, est bien éloignée de ce que vivent les populations.
En réalité, depuis l’arrivée de ce contingent français les populations, les habitants sont clairement prises en tenaille entre les opérations de Barkane d’un côté et les actions des groupes djihadistes de l’autre.
Parce que défendant des intérêts différents, et contrairement aux affirmations répétées par l’état major, les militaires français ne sont pas du tout « en étroite coopération » avec les forces régulières maliennes, ce qui explique en grande partie les bavures dont sont régulièrement victimes les populations civiles.
À titre d’exemple de ces dysfonctionnements, c’est au mois de janvier 2021, qu’une cérémonie de mariage faisait l’objet d’une attaque aérienne par l’armée française qui l’avait confondue avec une concentration de terroristes. Une attaque qui devait tuer dix-neuf participants et que, ni l’armée française, ni les autorités maliennes ne voudront reconnaître comme « bavure », à l’inverse des Nations Unies, présentes elles aussi au Mali aux côtés de la coalition, qui, elles, reconnaitront l’erreur et la réalité du massacre. Ainsi donc, de secours aux populations civiles, l’expédition française est vite apparue pour ce qu’elle était vraiment : une ingérence militaire dans un pays souverain, visant à défendre ses intérêts dans toute la Région, sans préoccupation réelle des besoins des populations locales, lesquelles n’ont pas tardé, évidemment, à montrer leur mécontentement.
Le néo-colonialisme français menacé de remplacement
Dans l’argumentaire français, pour justifier l’intervention, on trouvait pêle-mêle, la défense « des droits de l’homme »… »des services publics »… »de la sécurité des personnes »…autant de promesses non tenues, de toute façon balayées par le FMI et ses plans d’ajustement structurel, autant de mensonges.
C’est dans ce contexte dégradé, tenant compte du « ras le bol » des habitants comme du comportement de quasi puissance occupante adopté par les autorités françaises et pour faire pièce à la tutelle écrasante et trop visible de la France, que les nouveaux maîtres du Mali ont décidé de faire appel à cette fameuse armée privée Wagner.
La mobilisation massive et immédiate de la diplomatie française en dit long sur la panique qui s’est emparée d’elle à l’annonce de cette décision.
Au terme de cette affaire, c’est en effet un pan entier de la françafrique armée qui risque de lui faire défaut et causer un trou majeur dans la raquette du néo-colonialisme français dans la grande région, de l’Afrique de l’Ouest à l’Afrique centrale. Évidemment, Wagner, armée de mercenaires au service direct des intérêts portés par Poutine ne viendra pas prendre la place des français pour faire le bien des maliens pas plus que ne l’a fait la France, loin s’en faut.
Eu égard à son passé et son présent, la France n’a, bien évidemment, aucune leçon à donner en matière de droits de l’homme et de respect des souverainetés nationales, pour autant, il reviendra aux maliens de se mobiliser afin de ne pas laisser les autorités confier les pouvoirs militaires et de maintien de l’ordre intérieur à une bande armée de mercenaires, ce qui serait, une fois encore, une catastrophe pour les populations qui n’ont déjà que trop souffert.
Par François Charles,
Directeur de L’Autre Afrique