Cherté de la vie et crise mondiale: Emmanuel Golou, sa thérapie de résilience pour l’économie béninoise
La période est critique. Au plan social, le monde vit des heures sombres de son histoire et les ménages subissent de plein fouet les affres d’une double crise: celle de la pandémie de la Covid-19 et celle de la guerre déchirante russo- ukrainienne. Non épargné par cette crise, le Bénin tente de contenir les effets avec des politiques publiques au sommet de l’État. C’est dans ce contexte que l’ancien Président du Comité Afrique de l’international socialiste et Directeur de l’Institut d’études et de prospective, Emmanuel Golou, a rendu publique une adresse à ses concitoyens béninois. Pour cet ancien ministre et figure majeure de la scène politique béninoise, la flambée des produits de grande consommation (maïs, produits dérivés du manioc, huile, etc.), les perturbations dans la chaîne d’approvisionnement, la hausse des coûts de logistique et du fret maritime ont des conséquences énormes sur la vie quotidienne. Emmanuel Golou a rappelé les mesures prises par le gouvernement du Président Patrice Talon, notamment le décaissement de plus de 80 milliards FCFA pour assurer la stabilité des prix sur les marchés locaux. S’inscrivant dans une vision prospective, Emmanuel Golou propose que des politiques publiques soient accentuées à l’effet de faire du Bénin le fermier de la sous-région ouest-africaine. Ceci permettra d’assurer une résilience durable de l’économie béninoise et parer à d’autres chocs exogènes.
Brivaël Klokpê Sogbovi
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FLAMBÉE DES PRIX DES PRODUITS DE GRANDE CONSOMMATION EN AFRIQUE : ALLER PLUS LOIN QUE LA PRISE DES MESURES D’URGENCE
Les dernières crises sanitaire et politique qu’a connu le monde n’ont laissé indifférente l’économie d’aucun continent.
L’économie africaine traîne donc à l’heure des conséquences qui s’observent clairement à travers la flambée vertigineuse des prix des produits de grande consommation. Aujourd’hui, la certitude des diverses causes qui ont induit cette flambée éclosent d’elles-mêmes et laissent contrarier aisément l’augmentation des taxes par l’État central, pensée par certains citoyens.
Lorsqu’en février de cette année, la guerre éclata entre la Fédération de Russie et l’Ukraine, personne ne pensait que deux mois plus tard, les conséquences seraient si proches de nous au point de secouer nos ménages.
Le blé utilisé dans les industries béninoises étant selon l’Agence ANADOLU, cent pour cent russe, les difficultés liées donc à son approvisionnement, dans ces deux pays de l’ex-URSS, grands producteurs de ce produit dans le monde, ont provoqué une augmentation des prix du pain et autres produits connexes sur le marché. C’est le même phénomène qui s’observe pour les hydrocarbures et les intrants au plan mondial. Il est important de souligner que les conséquences de cette crise russo-ukrainienne viennent amplifier celles du phénomène COVID encore présentes.
Les perturbations dans la chaîne d’approvisionnement mondiale observées à travers la fermeture des frontières, la hausse des coûts de logistique et du fret maritime ont réduit l’offre face à la courbe ascendante de la demande.
La montée des prix du maïs, des produits provenant du manioc, de l’huile au Bénin s’explique aisément aujourd’hui par le déficit de production dans la filière céréale chez les pays frères comme le Nigeria et le Niger qui viennent s’approvisionner sous toutes les formes sur le marché béninois.
Face à cette situation préoccupante et d’envergure, les États africains ont pris diverses mesures d’urgence pour tenter de contenir la crise.
De manière générale, les États de la sous-région ont agi sur la fiscalité, les subventions ou le plafonnement des prix de certaines denrées. La soumission des exportations à autorisation pour le cas de la Côte d’Ivoire, les subventions du riz et de l’huile pour le Sénégal et l’augmentation des taxes sur le numérique afin de subventionner certaines denrées pour le cas du Ghana sont à rappeler.
Le gouvernement du Président Patrice TALON a aussi pris des mesures vigoureuses à plus de quatre-vingts milliards ( 80.000.000.000 FCFA) pour contrer la situation. Ces mesures passent par l’exonération de la TVA sur certains produits comme la farine de blé et l’huile végétale, le décaissement de près de cinq milliards ( 5.000.000.000 FCFA) le mois pour maintenir le prix du litre du gasoil à 600F CFA, la subvention et la réduction des prix des intrants agricoles pour encourager les cultivateurs sans oublier l’amélioration du pouvoir d’achat des travailleurs des secteurs publics et privés qui s’annonce.
Des réflexions approfondies s’imposent en tout état de cause afin de prévenir des crises du genre.
Il apparaît alors pertinent pour l’avenir de revisiter les politiques et stratégies de développement agricole et de sécurité alimentaire dans le sens de lutter durablement contre ce phénomène. L’examen de la réouverture de l’Office National de Sécurité alimentaire (ONASA) est une piste, avec d’importantes corrections sur sa gestion. Son passé a connu en effet des problèmes, mais c’est un risque qu’on pourrait prendre.
En se référant à la crise alimentaire mondiale de 2008, la présente crise pose avec plus d’acuité, le problème de l’avantage que le Bénin peut tirer des échanges de produits agricoles vivriers transfrontaliers, en repensant son positionnement stratégique. Le Bénin appartient en effet à une sous-région où les échanges transfrontaliers officiels et non officiels de produits agricoles vivriers entre les États, sont très dynamiques depuis la période précoloniale. Il n’y a pas eu de changements significatifs même après les indépendances, et les transformations économiques et sociales. Devant cette situation, le Bénin peut se positionner en tant qu’exportateur de produits vivriers, surtout qu’à sa frontière, le Nigéria avec ses plus de deux cent millions de consommateurs constitue un gros marché d’écoulement, sans oublier les pays sahéliens. En somme, il s’agit de faire du Bénin, le vrai fermier de la sous-région afin de répondre à la demande forte et constante.
Cependant, il est évident que ces objectifs ne peuvent être atteints sans une amélioration de la productivité, un renforcement de la compétitivité des filières et une amélioration des conditions d’accès au financement du secteur agricole.
Emmanuel GOLOU
Ancien Président du Comité Afrique de l’international socialiste
Directeur de l’Institut d’études et de Prospective