Brouille diplomatique entre le Bénin et le Niger : Benoît Dègla dénonce l’attitude belliqueuse de la junte militaire
Benoît Dègla, député élu du parti Bloc républicain (Br) à la neuvième législature prend toute sa place dans les débats publics qui replongent le Bénin au-devant de l’actualité africaine. Reçu ce lundi 13 mai 2024 sur l’émission sur l’émission »Actu Matin » de la chaîne de télévision privée Canal 3 Bénin, Benoît Dègla est revenu sur la brouille diplomatique entre le Bénin et le Niger. Début mai, le Président de la République, Patrice Talon, a décidé du blocage du pétrole nigérien sur le pipeline de Sèmè-Podji.
Cette décision du Chef de l’État intervient dans un contexte où la junte militaire au pouvoir à Niamey a maintenu le statu quo sur la fermeture des frontières du Niger avec le Bénin. Et ce, malgré la réouverture systématique des frontières béninoises depuis la levée des sanctions prises par la CEDEAO. Invité à se prononcer sur le sujet, le député Benoît Dègla a d’abord rappelé que les peuples du Bénin et du Niger partagent des relations séculaires depuis des siècles. L’élu du parti Bloc républicain a ensuite rappelé l’attitude exemplaire du Bénin dans le contentieux autour de l’île de Lété qui l’opposait au Niger.
«Quand la Cour internationale de justice a tranché en défaveur du Bénin, le Bénin sans tapage s’est soumis et s’est plié à la décision de la justice internationale. Nous avons des litiges avec la plupart des pays qui nous entourent, mais nous n’avons pas crié que cela mettait à mal nos relations », a fait savoir Benoît Dègla soulignant que le Bénin a toujours développé une politique de bon voisinage. Selon le député, dans le cadre des mesures de sanctions prises par la CEDEAO suite au coup d’État survenu au Niger, le Bénin ne pouvait pas faire l’enfant indiscipliné. La fermeture des frontières du Bénin n’a donc pas été décidée de gaité de cœur. Pour Benoît Dègla, c’est encore le Bénin par la voix du Président Patrice Talon qui a plaidé pour la levée des sanctions de la Cedeao. Aussitôt, les sanctions levées, rappelle Benoît Dègla, le Bénin a rouvert ses frontières.
« Nous attendions que nos frères de l’autre côté du fleuve puissent aussi ouvrir les frontières parce que nous avons tous perdu. Ce n’est pas dans l’intérêt de nos populations que la situation continue à s’empirer. Depuis deux mois, nous sommes dans l’attente et nous cherchons à savoir les raisons qui motivent cette situation [refus de réouverture des frontières nigériennes avec le Bénin, Ndlr] lorsque l’État béninois apprend que ses navires devraient arriver à Sèmè pour venir récupérer le brut nigérien », a expliqué le député Benoît Dègla.
L’invité de Canal3 précise qu’en 2019, le Bénin et le Niger ont signé un accord pour que le Bénin cède son territoire pour la construction des pipelines. Pour Benoît Dègla, si la construction de l’ouvrage s’est faite dans la grande sérénité avec des relations fraternelles, sa mise en œuvre a buté contre la fermeture des frontières. L’élu du Bloc républicain bat alors en brèche les accusations de la partie nigérienne tendant à faire croire que le Bénin aurait violé les accords signés.
«L’article 23.1 du contrat dit que les parties contractantes, le Bénin et le Niger devaient s’engager à créer des commissions de coopération fructueuse devant permettre l’exploitation du pipeline», a martelé Benoît Dègla qui se pose une question : « Est-ce que le Niger nous a permis de créer des commissions de coopération fructueuse pour permettre cela ?»
Pour Benoît Dègla, la Cedeao a pris des mesures de sanctions conséquentes dans un contexte de recrudescence des coups d’État dans la sous-région. Le Bénin se devait d’être solidaire desdites décisions, a-t-il dit avant d’insister sur le fait que c’est encore le Bénin qui a soutenu la levée des sanctions notamment contre le Niger. « C’est dommage que nos frères du Niger veuillent faire du Bénin le fonds de commerce de leur existence. Je le dis parce ce que les arguments qu’ils avancent ne parviennent pas à convaincre le peuple nigérien lui-même.
Dire que le Bénin est infiltré de bases militaires françaises n’est pas juste», a soutenu Benoît Dègla qui demande aux autorités nigériennes de sillonner tout le territoire béninois pour se rendre compte qu’il n’y a aucune base militaire étrangère. Selon le député du Bloc républicain, les bases militaires béninoises implantées dans certaines régions du Nord Bénin sont destinées à assurer la sécurité intérieure face au mouvement terroriste menaçant. Benoît Dègla rappelle les déplacements du Chef de l’État Patrice Talon au Burkina Faso dans le cadre de la lutte contre le terrorisme.
Il analyse par la suite la posture de la junte militaire au pouvoir à Niamey comme un refus de dialogue. « Eux ils ont peur que nous ayons des bases militaires françaises dans notre pays, mais nous, nous n’avons pas peur qu’eux ils aient des instructeurs militaires d’autres pays dans leur pays », a relevé Benoît Dègla. L’invité de Canal3 est formel. La décision du blocage du pétrole brut nigérien n’est pas une violation des termes de l’accord signé entre les deux États.
Car, souligne-t-il, le Niger en tant que partenaire ne font rien pour respecter l’article 23.1 en s’engageant dans une coopération fructueuse dans le cadre de l’exploitation du pipeline. « Pendant qu’ils refusent que les marchandises en provenance du Bénin aillent sur leur territoire, ils ouvrent largement le long de leurs frontières aux produits vivriers béninois. Vous savez que les manifestations contre la vie chère dans certains pays ont débouché sur des coups d’État ? Donc nous ne pouvons pas permettre que nous produisions assez de vivres pour nos populations et que pour une politique qui est la leur, nous mettions à mal notre pays», a déclaré Benoît Dègla.
Sur les issues possibles du bras de fer entre le Bénin et le Niger relativement au pipeline, le député Benoît Dègla précise qu’il est prévu qu’en cas de litiges, que les solutions de résolution par voie diplomatique soient envisagées. Mais, si au bout de 6 mois, aucune solution n’est trouvée par voie diplomatique, le litige sera porté devant la Cour commune de justice de l’Ohada, a informé le député Benoît Dègla. Si le Niger estait en justice le Bénin, nous serons prêts à répondre, a laissé entendre le député. En ce qui concerne l’interdiction de l’exportation des produits vivriers du Bénin vers d’autres pays, Benoît Dègla précise que cette décision ne cible pas le Niger de façon exclusive. Il s’agit d’une réponse du gouvernement au cri de cœur des populations dans un contexte où les organisations syndicales protestent contre la vie chère.
« Le gouvernement ne peut pas rester sourd à cela. Nous produisons suffisamment en matière de maïs, deux fois plus que ce qu’il nous faut. Mais malheureusement le maïs coûte cher. C’est dû à cette situation dans laquelle une part impressionnante de nos produits vivriers se retrouve hors de notre pays. Le gouvernement est donc obligé de taper du poing sur la table et de prendre les décisions qui permettent de contenir nos produits sur notre territoire afin de nourrir prioritairement les Béninois », a expliqué Benoît Dègla. Le député de la neuvième législature demande aux dirigeants nigériens de prendre conscience de la situation.
« Ils ne punissent pas le Bénin. Le Bénin tient debout. Nous avons vécu pendant très longtemps sans les retombées du pétrole nigérien. Je répète encore que nous ne crachons pas là-dessus, mais dans l’intérêt de nos peuples qui souffrent, il serait bon qu’on mette l’intérêt supérieur de la nation au-dessus de tout », a martelé Benoît Dègla qui espère que la diplomatie silencieuse de Chine, propriétaire du pipeline, sera efficace dans la résolution du différend entre les deux pays. En parlant de la situation sociale au Bénin, le député Benoît Dègla a félicité les organisations syndicales qui ont compris qu’il y a des règles à respecter dans un État pour marcher contre la vie chère.
Brivaël Klokpê Sogbovi