Poursuivi pour des faits de conflits d’intérêts, fraude dans les marchés publics et abus de fonction à la CBDH : Clément Capo-Chichi en garde à vue à la Bef
Isidore Clément Capo-Chichi, président de la Commission béninoise des droits de l’homme (Cbdh) n’est plus libre de ses mouvements depuis le mercredi 5 juin 2024. Poursuivi pour des faits de conflits d’intérêts, fraude dans les marchés publics et abus de fonction, Isidore Clément Capo-Chichi, es-qualité président de la Cbdh, a été arrêté et placé en garde à vue à la Brigade économique et financière (Bef). Nos sources informent que Isidore Clément Capo-Chichi a été placé en garde à vue dans le cadre d’une enquête préliminaire dans les affaires suscitées. Au fond, le flou persiste et les fondements des accusations portées contre le président de la Cbdh paraissent assez fragiles. Certains éléments ressortis ces dernières heures par certaines sources proches de l’affaire sont de nature à remettre en doute les faits reprochés à Isidore Clément Capo-Chichi désormais livré à la justice suite à la perte de son immunité devant la Cour suprême.
Prmp : une nomination sur procédure régulière
Entre le président Isidore Clément Capo-Chichi et les commissaires de la Cbdh, les clashs ont retenu tous les Béninois en haleine. Entre autres points de crise, des accusations sur des irrégularités dans la procédure de nomination de la Personne responsable des marchés publics à la Cbdh. Isidore Clément Capo-Chichi se retrouve dans le champ de tir de ses collègues commissaires. Mais, selon les sources du Département enquête et Investigation (Dei) du journal Le Potentiel, il s’agirait d’une « prétendue irrégularité » dans la nomination de Madame Tonami Alida Fidélia Denadi en qualité de Personne Responsable des Marchés Publics de la Cbdh. La même source renvoie à la lecture croisée des articles 10 et 11 de la loi n°2017-04 du 19 octobre 2017 portant code des marchés publics en République du Bénin ; des articles 3 et 4 du décret n°2018-226 du 13 juin 2018 portant attributions, organisation et fonctionnement de la Personne Responsable des Marchés Publics et de la Commission de Passation des Marchés Publics ; des dispositions du décret n°2020-596 du 23 décembre 2020 portant attributions, organisation et fonctionnement de la Personne Responsable des Marchés Publics et de la Commission d’ouverture et d’évaluation (Coe), lequel n’est pas applicable pour une nomination qui lui est antérieure. Selon les textes visés, la personne responsable des marchés publics doit être désignée parmi les cadres de la catégorie A échelle 1 ou équivalent, justifiant idéalement d’une expérience d’au moins quatre (4) ans dans le domaine des marchés publics. De l’avis des juristes spécialistes, « cet idéal n’induit pas que l’expérience de 4 ans soit acquise au poste de Prmp ». Mieux, lors de son audition le 17 mai 2024 dans les locaux de la Bef, Isidore Clément Capo-Chichi avait expliqué qu’il fut l’un des rares présidents d’institution à avoir sollicité l’expertise préalable de l’Autorité de Régulation des Marchés Publics (Armp) par courrier en date du 1er avril 2019 avant de nommer dame Fidelia Denadi en qualité de Personne Responsable des Marchés Publics de la Cbdh. L’acte de nomination est intervenu après échanges des courriers et des pièces entre l’Armp et la Cbdh. Un peu comme pour attester de la régularité de cette procédure de nomination, le 17 janvier 2020, dame Fidelia Denadi informera le président Isidore Clément Capo-Chichi qu’elle a reçu de l’Armp les documents de travail (registre spécial des offres et autres) en confirmation de sa nomination en tant que Prmp de la Cbdh. Il convient ici de se demander comment en est-on arrivé encore à trouver dans la procédure de nomination de la Prmp des irrégularités alors même que l’Armp a été saisie et a donné son quitus ? Curieux n’est-ce pas ! Au surplus, nos sources informent qu’Isidore Clément Capo-Chichi, dans le souci d’instaurer une bonne gouvernance, a sollicité de l’Armp, l’organisation d’un atelier d’information et de formation des membres de la Cbdh sur la passation des Marchés Publics au Bénin. Cet atelier a été organisé le 28 janvier 2020 sur le thème « Réglementation et pratique de la Passation des marchés publics au Bénin ». Cette action témoigne de la volonté du président de la Cbdh d’assoir les bonnes bases de l’orthodoxie financière au sein de son institution. L’analyse des faits ainsi relevés remet à première vue le doute sur les accusations portées contre Isidore Clément Capo-Chichi.
Isidore Clément Capo-Chichi : Ni coordonnateur des subventions ni ordonnateur du budget
Le président de la Cbdh est accusé des faits de conflit d’intérêts et d’abus de fonction. Ici encore, les éléments d’information obtenus par le Dei du journal Le Potentiel laissent perplexe. Des raisons de douter hanteraient les esprits éclairés. À Isidore Clément Capo-Chichi, il est reproché d’avoir usé de sa position en tant que président de CBDH/autorité contractante pour favoriser les entreprises de ses proches pour gagner des marchés à la commission. Les commissaires frondeurs pointent du doigt notamment Monsieur Maxime ELIEL et son épouse Adeline ELIEL. Le président Isidore Clément Capo-Chichi serait un fidèle membre de l’église de ce couple pastoral. En ce qui concerne la location des véhicules de Monsieur Maxime ELIEL, le Dei du journal Le Potentiel apprend qu’au cours de l’audition contradictoire tenue le 2 avril 2024 à l’Armp entre Messieurs Serge PRINCE AGBODJAN et Armand AZANHOUE, respectivement rapporteur général de la Cbdh et Directeur de l’Administration et des Finances (Daf), il aurait été mentionné que c’est sur instruction du Rapporteur Général de la CBDH, qu’il a contacté monsieur ELIEL Maxime pour solliciter deux de ses voitures pour une période de dix (10) jours en mai 2023, dans le cadre de la visite des prisons et maisons d’arrêt du nord Bénin (Natitingou, Kandi, Parakou). « Il ne pouvait en être autrement, car seul le Rapporteur Général (Serge Prince AGBONDJAN, Ndlr) coordonne les subventions de l’Ambassade de France pour les besoins de la visite de prisons et maisons d’arrêt ; mieux Monsieur Armand AZANHOUE (DAF/et ordonnateur délégué du budget de la CBDH en ce qui concerne les dépenses ordinaires, y compris les dépenses liées aux projets financés sur ressources extérieures), aurait cité le Régisseur, une fonctionnaire assermentée, qui en réponse à la demande d’informations à elle adressée par le Trésorier Général, a répondu que les fonds destinés à la location sont coordonnés par le rapporteur Général, qui n’est autre que monsieur Serge Prince AGBODJAN », confie une source bien avisée de l’affaire au Dei de Le Potentiel. Le président Isidore Clément Capo-Chichi n’est donc ni celui qui coordonne les subventions ni ordonnateur du budget. Ce n’est non plus lui qui introduit monsieur Maxime Eliel. Comment ou à quel moment, le président de la Cbdh a pu favoriser la société Vase d’honneur pour la location des véhicules de monsieur Maxime ELIEL? Question énigmatique n’est-ce pas !
2 marchés querellés pourtant passés loin des yeux du président de la Cbdh
Les commissaires plaignants tablent sur les liens de chrétienté qui existeraient entre le président de la Cbdh Isidore Clément Capo-Chichi et le couple pastoral Eliel. Au total, deux marchés ont été attribués à la société « ELIEL & FILS SARL ». Le Dei du journal Le Potentiel apprend que ces marchés ont été attribués à ladite société par la Commission d’ouverture et d’évaluation (COE). Il s’agit des contrats de marché n°3934/MEF/CBDH/PRMP/DNCMP du 13 novembre 2020 et n°4176/MEF/CBDH/PRMP/DNCMP du 28 octobre 2021 avec pour prestataire, la société ELIEL & FILS SARL, représentée par sa gérante statutaire, madame Fifamé Adéline AGBANGLA épouse ELIEL pour des montants respectivement de trois millions neuf cent quatre-vingt-dix-neuf mille deux cents (3.999.200) FCFA TTC et de huit millions quarante mille six cent cinquante (8.040.650) francs CFA TTC. Certaines sources sont formelles. Les deux marchés sus évoqués, ont été attribués et exécutés sans la moindre ingérence de la part du Président de la Cbdh. Pour motiver cette position tranchée, les sources précisent que ces marchés ont été attribués par des Commissions d’ouverture et d’évaluation dans lesquels ont siégé en septembre 2020 monsieur Christophe HOUESSIONON, Trésorier général, et le représentant du Directeur Administratif et Financier, Madame Morelle HOUESSIONON, Chargé du Matériel, qui serait la fille du Trésorier Général en octobre 2021.
Curieuse fixation sur deux marchés dans un gros panier de marchés distribués
Les deux marchés attribués par la Coe à l’entreprise Eliel & fils sarl sont visiblement le point d’attention des commissaires plaignants. Au-delà du caractère suspect de l’obstination des frondeurs, les statistiques relatives aux marchés passés viennent davantage jeter le doute sur les réelles intentions des plaignants. La lecture du tableau renseignant sur le niveau d’exécution des marchés de 2020 à 2023 remet au goût du jour les doutes. Au titre de l’année 2020, sur 19 marchés à la CBDH pour un total de 52.194.266 francs CFA, la société ELIEL & FILS SARL a soumissionné, gagné et exécuté un marché d’un montant de trois millions neuf cent quatre-vingt-dix-neuf mille deux cents (3.999.200) FCFA TTC. Au titre de l’année 2021, sur 18 marchés à la CBDH pour un total de 92.884.039 francs CFA la société ELIEL &FILS SARL a soumissionné, gagné et exécuté un marché de huit millions quarante mille six cent cinquante (8.040.650) francs CFA TTC ; au titre de l’année 2022 la société ELIEL &FILS SARL n’a obtenu aucun marché auprès de la CBDH ; au titre de l’année 2023, la société ELIEL &FILS SARL n’a obtenu aucun marché auprès de la CBDH ; au titre de l’année 2024, la société ELIEL &FILS SARL n’a obtenu aucun marché auprès de la CBDH. Ces statistiques renvoient à une autre question. Celle de savoir si, Isidore Clément Capo-Chichi qui a bouclé cinq années à la Présidence de la Commission Béninoise des Droits de l’homme, n’aurait favorisé ses proches que pour deux marchés sur près d’une centaine attribuée par son institution et ceci pour un montant total de 12.039.850 francs CFA au mépris de sa probité. Répondre par l’affirmatif à cette question est peu probable pour qui connait les effets réels de la pratique des conflits d’intérêts et de favoritisme sur la chaîne de la commande publique où plusieurs milliards sont souvent en jeu.
Silence suspect des plaignants sur plusieurs dizaines de millions sur plusieurs marchés attribués à d’autres entreprises
À la Cbdh, plusieurs marchés sont passés. Les entreprises qui gagnent ces marchés de plusieurs millions de francs CFA les exécutent sans réveiller dans le rang des commissaires la fronde. Le tableau renseignant sur le niveau d’exécution des marchés de 2020 à 2023 consulté par le Dei du journal Le Potentiel est expressif. Ce tableau révèle par exemple une récurrence des marchés attribués à une entreprise. Et pourtant, le fait que cette même entreprise ait gagné et exécuté plusieurs marchés n’a éveillé aucune attention chez les commissaires frondeurs. En effet, au titre de l’année de 2020, l’entreprise Cap succès a obtenu un marché de 5.481.200 francs CFA au mois de septembre et un autre de 2.497.200 francs CFA au mois de novembre ; au titre de l’année de 2021, elle a obtenu un marché d’un montant de 8.898.984 francs CFA ; au titre de l’année de 2022, elle a obtenu un marché d’un montant de 8.898.984 francs CFA. Dans tous ces marchés, les commissaires plaignants n’ont apparemment constaté aucune irrégularité alors même que ces marchés ont été attribués par les mêmes Commissions d’ouverture et d’évaluation (années 2020 et 2021). Les commissaires plaignants n’ont pas aussi trouvé l’ingérence du président Isidore Clément Capo-Chichi dans ces marchés attribués à cette entreprise. Dans cette logique, les Ets BENARES ont obtenu un marché d’un montant de 24.126.478 francs CFA au titre de l’année 2021 dans les mêmes conditions sans susciter l’intérêt des commissaires plaignants. Ces cas ne sont que quelques exemples tirés du tableau des marchés passés et exécutés à la Cbdh.
Isidore Clément Capo-Chichi, la victime d’une machination collective ourdie par ses collègues commissaires à la Cbdh?
Les faits étalés montrent à bien des égards la fragilité des accusations portées contre le président de la Cbdh Isidore Clément Capo-Chichi. D’ailleurs, les charges qui pèsent sur Isidore Clément Capo-Chichi et qui sembleraient tirer leur fondement dans la décision n°2024-050/ARMP/PR-CR/CD/SP/DRA/SA du 18 avril 2024 rendue par l’Autorité de Régulation des Marchés Publics sont dans le viseur des avocats conseil. Le Dei apprend que cette décision est déférée devant la chambre administrative de la Cour suprême par une requête en date du 22 mai 2024. À suivre.
Brivaël Klokpê Sogbovi