Fin de la 6e mandature à la Haute Autorité de l’Audiovisuel et de la Communication Haac : un bilan handicapé, scandales administratifs, décès, médias fermés

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Dans quelques jours, les conseillers élus ou nommés siégeant pour le compte de la 6e mandature de la Haute autorité de l’audiovisuel et de la communication (Haac) vont accoster sur la rive d’une fin de mission. Cinq (5) ans durant, ils ont été chargés de protéger la liberté de la presse et de réguler le fonctionnement des médias au Bénin. Alors qu’ils égrènent les derniers jours, l’heure du bilan sonne et interpelle tant les professionnels des médias que l’ensemble des consommateurs des produits de la presse.

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Ce bilan en demi-teinte semble être dominé par des passifs lourds à porter par les personnes investies des charges républicaine et constitutionnelle au sein de la Haac. S’il est subjectif de penser qu’en 5 ans, tout a été mauvais, il est plus logique de tirer les leçons de la proportionnalité des bonds positifs et des tâtonnements ayant porté des préjudices graves à l’institution. Le Département enquête et Investigation (Dei) a fait, tout au long de cette 6e mandature, un travail de suivi et publié en temps réels des faits majeurs ayant ébranlé la Haac.

Dans ce premier article, quelques morceaux choisis renseignent sur la pâle copie du bilan de cette 6e mandature finissante.

Un chaos administratif et financier

Fait rare, la Haute autorité de l’audiovisuel et de la communication (Haac), sous cette 6e mandature, a vu son image traîner dans la boue. Engluée dans un feuilleton judiciaire à rebondissements en raison des agissements peu orthodoxes de certains hauts cadres, la Haac a alimenté les folles discussions et fait la une de l’actualité nationale pendant des mois.

L’ancien Directeur administratif et financier (Daf) de l’institution, Raimi Batoko et l’ex-assistant de la Personne responsable des marchés publics (Prmp) de l’institution, Ange Ahlan, ont chacun été condamnés à 7 ans de prison avec des amendes le 12 juin 2024 par la Cour de Répression des Infractions Économiques et du Terrorisme (CRIET). Les deux inculpés ont été condamnés pour des faits de corruption et d’abus de fonction.

Raimi Batoko est le Daf nommé par les soins de la personne faisant figure d’autorité de premier plan à la Haac depuis plusieurs années déjà. Cette condamnation ainsi que les faits qui y sont liés souillent l’image de la Haac et entachent par la même occasion le bilan de cette 6e mandature. On se rappelle, tout est parti d’une plainte de Ange Adandedjan, un fonctionnaire de la Haac reconverti depuis en chef d’entreprise. C’est lui qui a postulé et gagné un marché public à la Haac.

Mais la suite ne sera pas du tout plaisante pour lui. Audio à l’appui, Ange Adandedjan va démontrer qu’il a été grugé dans la procédure de paiement des fonds. Réclamation d’argent, demande de pot-de-vin… sont entre autres sujets de colère.

Dans le dossier, le Daf Raimi Batoko et l’assistant Prmp Ange Ahlan seront désignés comme les principaux cerveaux de ces faits de corruption. Arrêtés et jetés en prison le vendredi 13 octobre 2023, les deux hommes seront finalement condamnés le 12 juin 2024. Ce feuilleton a eu le temps de ternir l’image de l’institution de régulation des médias.

La nomination du nouveau Daf, une décision Oukase

Cette 6e mandature de la Haac traîne aussi le fardeau des errements administratifs. Et là-dessus, il est judicieux de s’attarder sur la nomination à polémique du nouveau Daf après la déchéance de l’ancien Raimi Batoko. Le Département enquête et Investigation (Dei) de Le Potentiel a mené une investigation relative à la nomination du sieur BIO KEKERE Malick qui aurait été faite en totale violation des textes de la République.

Les informations qui sont parvenues au Département Enquête et Investigation (DEI) du groupe de presse Le Potentiel, renseignent qu’à travers la décision n° 24-001/HAAC du 15 janvier 2024 portant nomination du Directeur Administratif et Financier, le Président de la Haac Prosper Moretti a nommé le sieur BIO KEKERE Malick en qualité de Directeur Administratif et Financier de l’institution qu’il dirige.

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Selon les recoupements effectués, le sus-nommé ne serait pas inscrit au Fichier national d′Admission et de Nomination de cadres aux emplois de la chaîne des dépenses publiques. Ceci, nonobstant les prescriptions réglementaires en la matière, notamment celles de l’article 8 du Décret n° 2016-477 du 11 août 2016 portant création du Fichier national d’admission et de nomination de cadres aux emplois de la chaîne des dépenses publiques qui dispose que « nul ne peut être désigné en qualité d’Inspecteur général du ministère, d’Inspecteur général adjoint du ministère, de Directeur de l’Administration et des Finances, de chef de cellule de contrôle des marchés publics et de Délégué du contrôleur financier ou de toute autre fonction relative à la gestion ou au contrôle des finances publiques s’il n’est inscrit sur la liste d’aptitude du fichier national ».

Face à ces faits, le Dei du groupe de presse Le Potentiel a saisi le Président Prosper Moretti par une correspondance en date du 11 mars 2024 à l’effet d’avoir, selon la démarche contradictoire, sa version des faits. Ici, le Dei a été confronté à un silence méprisant du Président de la Haac qui n’a pas daigné répondre aux questions soulevées dans la correspondance. Ce silence viole les dispositions de la loi portant code de l’information et de la communication. Curieux n’est-ce pas que ce soit le garant de la loi qui la viole violemment ! Le président de la Haac qui devrait donner l’exemple s’est résolu de ne pas répondre aux questions.

Quoi qu’il en soit, cette nomination du nouveau Daf à la Haac est suspecte. Le ministre des Finances et même le Président de la République devraient s’intéresser à cette décision Oukase qui ne gêne visiblement pas le président Prosper Moretti arrivé en fin de mandat.

Entraves au droit d’accès à l’information, des plaintes sans suite

Un fait renseigne aussi sur le bilan médiocre de la 6e mandature. Sous cette mandature, le droit d’accès à l’information a été bafoué sans aucune réaction vive. Le Code de l’information et de la communication donne le droit aux professionnels des médias d’avoir accès aux informations à caractère public essentiellement. Le même Code prévoit que les professionnels des médias qui se retrouvent en difficulté d’avoir accès aux sources publiques d’information puissent saisir la Haac pour avoir la couverture institutionnelle et des moyens de coercition.

Mais, les professionnels des médias ont peiné à avoir l’assistance de la Haac face aux actes de blocage. Fidèle à son professionnalisme, le Dei du Groupe de presse Le Potentiel a été confronté aux entraves et à des violations du droit d’accès à l’information. En faisant recours aux dispositions de la loi, Le Potentiel a saisi le Président de la Haac d’au moins une trentaine de plaintes qui sont restées sans suite entre 2023 et 2024. À ces statistiques, il faudra ajouter les nombreuses autres plaintes adressées au président de la Haac en 2022 et qui sont restées sans suite véritablement. Ce manque de réactivité non seulement n’encourage pas le travail d’investigation journalistique, mais tant à rendre la Haac complice de la violation du droit d’accès à l’information.

Relation cahin-caha entre Haac et faîtière des médias

La 6e mandature de la Haac refermera bientôt ses portes. La 7e mandature va s’installer. Mais pour les conseillers qui s’apparentent à sortir, les fentes dans les relations entre la Haac et les associations faîtières de la presse resteront dans le panier du bilan. Alors qu’elle devrait être un partenaire de premier ordre, la Haac n’a pas réussi à créer et à entretenir de bonnes relations avec l’UPMB, le CNPA et autres.

Les différends sont nés sur plusieurs sujets. De la confection et la distribution des cartes de presse professionnelle aux journalistes, au traitement des médias dans le cadre des élections organisées, en passant par la prise de mesures conservatoires de fermeture de médias et de suspension de tel ou de tel autre journal, la Haac et les associations faîtières n’ont toujours pas eu de cordiales collaborations. Il y a eu assez de grincements de dents et cette image ne plaide pas en faveur d’un bilan positif de la Haac.

Une mandature endeuillée

La 6e mandature de la Haac, c’est aussi des décès en cascade. Pleurs, tristesse, consternation et amertume ont été le lot de partage des membres de cette institution sur le quinquennat qui s’achève. Au journal Le Potentiel, nous avons recensé au moins cinq (5) décès à la Haac au cours du mandat qui prend fin. La conseillère Bilikissou Ali Machifa ; des cadres de l’administration comme Bouraima Adissa, Adamou Maman Aminatou, Albert Kindoho et Léonel Akoueson ont tiré, chacun, leur révérence, soit en moyenne, un décès par an.

Paix à l’âme des disparus. La 6e mandature de la Haac est en fin de mission. Mais, le bilan qui doit se faire ne fait que commencer. Cet article est le premier jet de faits constitutifs du bilan. Le reste suivra dans les prochaines publications. À suivre…

Brivaël Klokpê Sogbovi

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