
Déposé en prison pour blanchiment de capitaux et cybercriminalité : Achille Tchaou, la grande victime des vices de procédure !
Présenté comme ami proche du président du parti Le Libéral, Achille Tchaou est envoyé depuis quelques jours en détention préventive pour des faits supposés de blanchiment d’argent et de cybercriminalité. Si les avocats conseils de cet homme très connu dans le milieu des affaires contestent déjà les charges retenues contre leur client, des éléments factuels d’observation renforcent les doutes sur la régularité de la procédure judiciaire. Dans le milieu des praticiens du droit, la garde à vue de Achille Tchaou heurte les principes de respect des délais légaux et constitutionnels. En effet, selon les informations disponibles, la mise en garde à vue de Achille Tchaou a été notifiée le vendredi entre 9h et 10h. Dès cet instant, un délai légal incompressible de 8 jours de garde à vue devrait être respecté. À l’expiration de ce délai, sauf saisine régulière du parquet ou d’un juge, Achille Tchaou devrait être libéré. Or, ce n’est qu’à 14h, soit plusieurs heures après l’expiration légale de la garde à vue, qu’il (Achille Tchaou) a été de nouveau auditionné. Cette situation est décrite dans le rang des praticiens du droit comme un « mépris des délais constitutionnels, une atteinte grave de l’article 18 de la Constitution béninoise relatif aux droits de la défense et à la durée maximale de la garde à vue, renforcé par les articles 59 à 64 du Code de procédure pénale ». Par ailleurs, le cas Achille Tchaou nourrit des questionnements sur la transparence en ce qui concerne les pièces à conviction. La procédure semble expéditive de l’avis des experts des questions juridiques. Ce qui fait penser à une violation du droit à un procès équitable. Pour inculper Achille Tchaou, les autorités de la chaîne judiciaire ont évoqué la découverte de documents compromettants dans son ordinateur. Jusqu’à son placement sous mandat de dépôt, il a été impossible d’avoir des informations sur la nature des documents indexés. Pour les sources proches de l’affaire, ces documents n’ont jamais été imprimés, ni présentés en présence de Achille Tchaou qui nie d’ailleurs et formellement leur existence. « Cet état de chose est délicat. Et l’accusé a le droit de s’en plaindre. Il s’agirait tout simplement d’une méthode qui viole le principe du contradictoire, pilier fondamental du droit à un procès équitable (article 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques ratifié par le Bénin), ainsi que les garanties du droit à l’information sur les charges, prévues par les articles 10 et 57 du Code de procédure pénale béninois », analyse un procédurier averti du droit positif béninois. La même source pense que cette « faute » pourrait bien servir Achille Tchaou et desservir l’autorité qui poursuit. « En l’absence de constat contradictoire ou de scellés établis dans les règles, la recevabilité de ces pièces peut être contestée devant toute juridiction impartiale », analyse-t-elle.
La compétence de la Bef remise en cause
Le dossier Achille Tchaou ouvre aussi une fenêtre de doute sur la compétence de la Brigade Économique et Financière (Bef), institution ayant mené l’enquête. Sommes-nous face à un vice de forme fondamental ? Sur l’incompétence de la Bef, nos sources convoquent les charges retenues contre Achille Tchaou. Les infractions liées à la cybercriminalité relèvent depuis plusieurs années de la compétence exclusive de l’Office Central de Répression de la Cybercriminalité (OCRC), ou aujourd’hui du Centre National d’Investigation Numérique (CNIN). L’observation factuelle laisse croire que dans le dossier Achille Tchaou, l’enquête a été conduite par la Bef. Très vite, certains spécialistes du droit rappellent que la Bef est une structure dont le champ d’intervention ne couvre ni la cybercriminalité ni les infractions informatiques, sauf réquisition exceptionnelle et encadrée. Cette réquisition exceptionnelle a-t-elle été faite? Si oui, où se trouve la preuve de son activation ? En l’absence de réponses claires sur ces questions, les interlocuteurs du Département enquête et investigation (DEI) du groupe de presse Le Potentiel soutiennent que le flou sur ces questions pourrait conduire à « une nullité de l’ensemble de la procédure pour incompétence matérielle de l’organe d’enquête, conformément aux articles 36 et suivants du Code de procédure pénale ».

Quid du mandat de dépôt
Achille Tchaou est placé en détention préventive suite au mandat de dépôt pris par les autorités compétentes de la Cour de Répression des Infractions Économiques et du Terrorisme (CRIET). Pourra-t-il sortir de sitôt de sa cellule ? Selon une large partie de la communauté des juristes et praticiens de droit pénal, ce mandat de dépôt est contestable. Apparaissent ici, les questions doctrinaires propres au droit. « En présence de certaines irrégularités, notamment la garde à vue prolongée illégalement, les preuves douteuses et l’incompétence de l’enquêteur, la légalité d’un mandat de dépôt délivré est sérieusement compromise », explique un expert juriste interrogé par notre rédaction et qui a requis l’anonymat. Les avocats de Achille Tchaou pourraient bien engager une procédure de contestation de la légalité du mandat de dépôt émis à l’encontre de leur client. Va alors s’ouvrir le débat sur la validité légale ou non d’un mandat fondé sur des éléments entachés de nullité. Si les avocats réussissent à démontrer « la vacuité du dossier et la nullité des éléments, le mis en cause doit immédiatement recouvrer sa liberté», commente une autre source du monde judiciaire qui fait allusion à certaines dispositions du Code de procédure pénale qui exigent que la détention préventive repose sur des indices graves et concordants. Depuis le début de l’affaire Tchaou, les indices graves peinent à faire l’unanimité. Au regard de tout ceci, on peut bien s’attendre à une véritable bataille judiciaire. Les avocats de Achille Tchaou vont jouer leur va-tout pour démontrer que l’image de cybercriminel collée au visage de l’homme d’affaires Achille Tchaou n’a aucun fondement. Les autorités judiciaires doivent aussi probablement se préparer à recevoir les exceptions et les arguments de la défense qui mettront en évidence la procédure jugée bâclée et juridiquement fragile ayant conduit Achille Tchaou en détention préventive. Le débat de fond s’annonce intéressant. A suivre…
Brivaël Klokpê Sogbovi
