
Dans le 1er arrondissement de Parakou :Des populations sevrées d’électricité et d’eau, la politicaillerie en cause
Parakou, ville phare d’entrée sur le Nord-Bénin. Les effets de la gouvernance publique imprimée au sommet de l’État s’y observent. Mais pas partout. Parakou, c’est aussi l’exemple typique des distorsions en termes de développement. Les faits tangibles observables suffisent à eux seuls pour témoigner des ressentis peu gais des populations d’une certaine portion de la ville. Le premier arrondissement de Parakou est le symbole de cette distorsion. Ici, la souffrance des populations a un nom : indisponibilité d’eau potable et d’énergie électrique. Les quartiers de Titirou, Okédama et Korobororou portent cette croix depuis longtemps dans un contexte où le vent du progrès souffle depuis le sommet de l’État. Le contraste est si saisissant qu’à leur passage à Parakou, le ministre de l’énergie, de l’eau et des mines, Paulin Kingnidé Akponna et le Ministre-Conseiller à la défense, Rachidi Gbadamassi n’ont pu s’empêcher de prendre du temps pour en parler. « Rien de hasard ». Le langage des deux ministres se résume à contester l’hypothèse d’un hasard dans la précarité ambiante qui frappe Titirou, Okédama et Korobororou. Les voix ministérielles refusent d’y lire une négligence de la part du pouvoir central qui, depuis 2016 consacre d’importants budgets pour opérationnaliser des programmes d’infrastructures dans le septentrion. Routes, réseaux électriques, adductions d’eau… sur tous ces chantiers, le gouvernement du Président de la République, Patrice Talon est « champion », font-ils savoir. Questions : comment et pourquoi, les quartiers Titirou, Okédama et Korobororou sont-ils restés à ce niveau de précarité ? Les populations qui habitent ces quartiers ont-elles commis un péché particulier pour mériter ce sort ? À Titirou, aucune trace de raccordement conséquent. À Okédama, les rues s’enfoncent dans la poussière. À Korobororou, les robinets restent secs, sans trace d’eau. Le quotidien de ces populations rime ainsi avec la « misère », ennemi numéro 1 du gouvernement Talon. Aux questions soulevées par la réalité pratique des quartiers Titirou, Okédama et Korobororou, Paulin Akponna et Rachidi Gbadamassi répondent qu’il s’agirait d’un plan structuré visant à alimenter la colère dans les bastions réputés hostiles au pouvoir Talon. L’histoire des élections douloureuses revient aussitôt au-devant des réflexions. À Titirou, lors des élections législatives de 2019 et de la présidentielle de 2021, des tensions ont éclaté. Bulletins brûlés, centres vandalisés, défiance assumée. Et aujourd’hui, les projets de développement peinent à produire des effets positifs à Titirou. Le pouvoir central ferait-il payer aux populations de cette localité, le prix fort de leur rébellion contre la République ? Non, répondent en chœur Paulin Akponna et Rachidi Gbadamassi. Les deux ministres parlent plutôt d’un “plan machiavélique”. Ce plan consisterait, en clair, à priver d’infrastructures des quartiers jugés trop turbulents pour discréditer le régime et semer le doute dans l’opinion. La manœuvre, si elle est avérée, jette une lumière inquiétante sur le fonctionnement local de l’Administration. Ici commence, chez Paulin Akponna et Rachidi Gbadamassi, le procès de la gouvernance locale. Ce procès est meublé par plusieurs questions qui malheureusement peinent à trouver des réponses. Où sont passés les financements annoncés pour Parakou ? Pourquoi l’exécution des projets stagne-t-elle précisément dans ces zones ? Qui bloque, et pour quels intérêts ? Sur ces différentes questions, les autorités politico-administratives n’ont, jusqu’ici, fourni aucune explication claire. Alors que le silence des autorités locales sert de combustible pour alimenter un marché d’interprétations, les populations, elles, ploient toujours sous le poids de ce déficit de développement. Si bien qu’aujourd’hui, les habitants de ces quartiers n’ont que des souvenirs des espoirs nés à l’annonce de grands investissements.
Là-dessus, les archives sont formelles. Par exemple, Titirou figurait parmi les quartiers ciblés dans les plans d’investissement. Des appels d’offres ont été publiés, des lignes budgétaires ouvertes. Mais sur le terrain, rien ne suit. Pas même un chantier. Tout comme si un malheur ciblait particulièrement cette localité. Au fil des mois, l’exclusion prend des allures de sanction. L’eau et l’électricité deviennent des armes muettes. Les populations, elles, s’épuisent dans l’attente. Et l’image du gouvernement en sort écornée, y compris dans ses fiefs du Nord. L’affaire dépasse le simple cadre local. Elle interroge la cohérence du Programme d’Actions du Gouvernement. Elle met en cause la responsabilité des relais administratifs. Et elle ravive un besoin évident, remettre l’équité au cœur de la politique publique. Le développement ne peut être conditionné à la loyauté électorale. Encore moins dans un État qui se veut impartial. Face au poids de l’évidence, l’État dans sa forme homogène, dans l’expression de sa toute puissance et à travers ses appendices à la base doit se réinventer. Repenser les politiques de développement, trouver des relais administratifs au niveau déconcentré et implanter l’équité dans le partage des dividendes nationaux loin des calculs politiciens sont aujourd’hui des impératifs pour aller vers un développement harmonieux, inclusif, sans frustration, sans arrière-pensée et sans murmure. Peut-être bien que le premier arrondissement de Parakou sera le théâtre d’expression de cette bonté de l’État.

Brivaël Klokpê Sogbovi
