
Soutenance de thèse à l’Université de Parakou : Alimi Odoun décroche avec brio son grade de docteur en droit public
Face au jury, Alimi Odoun a fait parler son art. Pas avec les pinceaux étalant des fresques murales, mais avec le verbe soigné, mûri, réfléchi et surtout positionné dans un récipient dont la teneur et l’enveloppe ont un nom : la science. Pour accéder au grade de docteur en droit public, Alimi Odoun a travaillé sur un sujet actuel qui engage et impacte le progrès entendu sous tous ses aspects: « La transparence dans les marchés publics au Bénin ». Opérateur économique ayant de l’expérience, Alimi Odoun a su se détacher du piège des réalités ordinaires et des vécus subjectifs pour enrober son sujet dans une démarche de recherche rigoureuse interrogeant à la fois les fondements philosophiques, politiques et économiques de la commande publique. La problématique, déjà circonscrite au Bénin, embrasse tout aussi les réalités partagées sur le continent africain. C’est donc à juste titre que le scientifique appelé à défendre les résultats de ses travaux a fixé le cap d’un raisonnement qui va de la gravité des faits relevés à la reconnaissance des efforts déployés avec en point d’orgue un plaidoyer dosé pour une gouvernance qui emprunte les vertus de la transparence. Le sujet est de taille. Il est un pôle d’intérêt aussi bien pour le monde académique, mais aussi pour celui des décideurs. Pour évaluer Alimi Odoun lors de la soutenance qui s’est tenue à l’université de Parakou, le jury a été présidé par Docteur ALOU TIDJANI SANOUSSI MAHAMANE, Professeur Titulaire de l’université Abdou Moumouni de Niamey (Niger). Les membres de ce jury sont des figures élevées de la communauté scientifique africaine. Il s’agit du Docteur AHLINVI EMMANUEL MESSANH, Maître de conférence Agrégé, Université de Parakou (Bénin), Directeur de thès ; du Docteur ALOSSE DOTSÈ CHARLES- GRÉGOIRE, Professeur Titulaire de l’Université de Kara (Togo), Premier examinateur ; du Docteur DIEKO NZEGHO STEEVE, Maître de conférence Agrégé, Université Omar Bongo (Gabon), Deuxième examinateur ; et du Docteur MOUITY MOUNDOUNGA PATRICE, Maître de conférence Agrégé, Université Omar Bongo (Gabon), Troisième examinateur. « Peut-on parler de la transparence des marchés publics de façon générale sans faire référence à l’Etat ? », lance Alimi Odoun devant le jury avant de dire que la réponse à cette interrogation est bien évidemment négative. Selon lui, parler de marchés publics, c’est faire référence irrémédiablement à l’administration publique qui est le bras armé de l’Etat, mais qui par vocation est la cheville ouvrière de ce dernier en matière de délivrance de services publics. Mais sur la chaîne de commande publique, Alimi Odoun fait remarquer que l’action publique est normalement encadrée par des règles qui n’échappent pas non plus au style managérial des gouvernants. « […] le processus qui conduit à la passation des marchés publics est soumis à une analyse qui conduit à le remettre en cause et à engager des réformes qui structurent l’action des acteurs au cœur de ce processus. Au sein de ce processus, se dégage un principe fondamental : celui de la transparence dans les marchés publics qui est consacré comme l’un des principes sacro-saints et dont la violation connue engendre des répercussions sur la commande publique et peut faire l’objet d’une sanction par l’autorité compétente », a expliqué Alimi Odoun devant le jury.
La trame d’une recherche focalisée sur le Bénin

Le chercheur n’invente rien. Alimi Odoun est allé puiser dans des réalités béninoises pour construire sa problématique de recherche. Selon l’impétrant, depuis la fin des années 1980, le Bénin a engagé une vaste politique de dénationalisation et de libéralisation, confiant la gestion de nombreux secteurs stratégiques (eau, électricité, santé, infrastructures) au secteur privé par le biais de marchés publics. Cette dynamique, accentuée sous la présidence de Patrice Talon, vise à moderniser l’économie et à renforcer l’efficacité de l’action publique. « Cependant, malgré la mise en place d’organes de contrôle et de régulation (Direction nationale de contrôle, Cellule de contrôle, Autorité de régulation des marchés publics), la transparence peine à s’imposer comme norme dans la passation des marchés publics au Bénin », a souligné Alimi Odoun qui poursuit : « La persistance de pratiques opaques (favoritisme, corruption, réseautage) continue de miner la crédibilité du système, comme l’attestent les irrégularités relevées dans le rapport d’audit des marchés publics de 2020, qui a mis en lumière des dysfonctionnements dans 38 structures étatiques pour un montant dépassant 130 milliards FCFA ». Face à cette situation, la réaction de l’Armp a été prompte.
L’institution de régulation des marchés publics n’a pas tardé à s’autosaisir du dossier pour mener des investigations approfondies sur les structures concernées afin de déterminer les éventuelles responsabilités individuelles. « Face à ce constat décevant, il est évident de chercher à comprendre pourquoi la transparence peine à crédibiliser la procédure de passation des marchés publics au Bénin malgré tous les efforts consentis », relève Alimi Odoun qui soulève la question centrale qui va structurer toute sa thèse de doctorat : Comment expliquer la difficulté à instaurer une véritable transparence dans la procédure de passation des marchés publics, malgré l’arsenal normatif et institutionnel déployé ? Il a ensuite décliné sa problématique de recherche en ces termes : la libéralisation, censée moderniser l’État en étant guidée par la transparence, n’a-t-elle pas paradoxalement contribué à institutionnaliser l’opacité dans la commande publique ? Comme dans tout travail de recherche, Alimi Odoun a formulé deux hypothèses. La première part de l’idée selon laquelle les marchés publics, initialement conçus comme instruments de satisfaction des besoins collectifs, sont devenus, depuis la libéralisation économique, des leviers de politiques publiques favorisant un transfert massif de ressources et de responsabilités vers le secteur privé, dans un environnement qui s’efforce de lutter contre l’opacité et la corruption. La seconde quant à elle, postule que la transparence, pourtant érigée en principe fondamental par les textes régissant la commande publique, demeure largement introuvable dans la pratique, en raison de l’affaiblissement de l’État, de la prégnance des réseaux d’intérêts et des limites structurelles du système de passation. En clair, Alimi Odoun s’est fixé comme objectif général, de comprendre les mécanismes qui entravent la transparence dans les marchés publics au Bénin, d’analyser les effets de la libéralisation sur la gouvernance publique, et de proposer des pistes d’amélioration pour renforcer l’efficacité et l’intégrité du système. Le travail a combiné une approche méthodologique mixte combinant l’approche juridique qui reste fondamentalement interprétative des textes et des lois en vigueur à l’analyse sociologique qui s’intéresse aux acteurs dans un processus d’interaction, pour révéler les dynamiques qui se jouent dans ce processus. « En termes de résultat du travail, nous constatons à l’issue de cette recherche que, la transparence dans la passation des marchés publics au Bénin ne peut être comprise et appréhendée de façon pertinente si l’on ne met pas en relief le fait qu’elle est désirée et qu’elle relève de l’idéal. C’est pourquoi la mise en évidence de ses conditions variées de production (philosophiques, intellectuelles, politiques et économiques) est un préalable. En la confrontant à la réalité de l’Etat dans sa dynamique et à celle des diverses politiques publiques qui lui sont liées, sans en occulter les conséquences sur l’administration qui est le bras exécutif de l’Etat, on se rend à l’évidence qu’elle est insaisissable et introuvable. C’est alors que cette situation favorise l’ultralibéralisme et l’affaiblissement de l’Etat », a partagé Alimi Odoun avec les membres du jury et l’assistance marquée par la présence de parents, amis et proches. Le docteur Alimi Odoun croit fermement aux vertus de la transparence qui selon lui « n’est pas un luxe [mais, Ndlr] la base de toute dignité. » Et Alimi Odoun est désormais docteur en droit public de l’Université de Parakou.
Brivaël Klokpê Sogbovi
