
En dépit du tour-média dans lequel excelle ces derniers jours, les députés Aké Natondé et Assan Seïbou, initiateurs de la proposition de loi portant révision de la Constitution, la mayonnaise tarde à prendre. Ainsi libellée, cette conclusion peut paraître hâtive chez certains esprits fumant déjà le parfait amour avec les initiateurs ou encore avec l’actuelle mouture de la proposition de loi modificative de la Constitution. Mais il n’en est de rien. Au groupe de presse le Potentiel, le sujet est inscrit en priorité sur les fiches de collecte d’informations. Le pool politique du département enquête et investigation (Dei) s’attèle, avec méthode, à mettre bout à bout, les moindres petits détails liés au dossier de révision de la constitution. Si dans l’opinion publique, le sujet de la révision nourrit des débats passionnels avec des divergences sur la pertinence ou non de cette proposition de loi, des arguments avancés et du timing, au sein de l’hémicycle, les choses ne sont pas si simples comme cela en a l’air. Au parlement, la »loi Aké-Assan » met à l’épreuve la cohésion politique au sein des groupes parlementaires. Tout comme en mars 2024, la proposition de loi portant révision de la Constitution divise. Elle campe des positions et suscite des murmures au sein même du bloc de la majorité parlementaire. Seulement, la loi du silence public et officiel couvre les oppositions internes au sein des partis Union progressiste le renouveau (Up-r) et Bloc républicain (Br). Le weekend écoulé, le pool politique du Dei du groupe de presse le Potentiel a eu une série d’entretiens informels loin des micros, caméras et oreilles indiscrètes. Un »entretien off » comme on le dit dans le jargon. Les profils de nos interlocuteurs sont bien choisis, une dizaine de députés de la mouvance, et pas des moindres. La proposition de loi portant révision de la Constitution passera-t-elle comme une lettre à la poste? Pas si sûr. La proposition aurait encore du plomb dans l’aile. L’idée d’une préservation des acquis du développement est »très bonne », retient-on de nos échanges. De même, l’idée de la nécessité d’une accalmie politique favorable au développement est applaudie. Mais sur le process, Aké Natondé et Assan Seïbou n’ont pas encore réussi à convaincre tous leurs pairs. Ça bute fort sur l’idée d’instauration d’un Sénat avec les prérogatives énoncées et les mécanismes de choix des sénateurs. « Nous sommes au moins 11 en bloc compact qui allons voter contre cette révision constitutionnelle », lâche un député très influent de la mouvance présidentielle. Avec ce groupe de onze députés (G-11), la proposition de loi portant révision constitutionnelle a plus de chances d’échouer. Et cette fois-ci, la fronde ne serait plus seulement l’œuvre des députés du groupe parlementaire de l’opposition Les Démocrates. Au surplus, les 22 députés LD restés fidèles à leur parti après la démission de 6 de leurs collègues trouveront ainsi du renfort. Et rien n’exclut que le G-11 puisse s’élargir dans les jours qui viennent en toute discrétion. Chacun dans sa conscience et sans forcément revendiquer une certaine appartenance à un groupe de frondeurs au sein du bloc de la majorité parlementaire, saura quoi faire, laissent entendre nos interlocuteurs. En l’état actuel des choses, le vin semble être tiré. Le G-11 dresse patiemment un mur d’échec à cette proposition de loi portant révision de la Constitution. Mais attention, le patron de la mouvance n’a pas encore dit son dernier mot. Patrice Talon a démontré à maintes occasions qu’il a l’art de convaincre. S’il se décide à prendre le devant des discussions directes avec ses soutiens, les positions tranchées des députés décidés à voter contre la révision constitutionnelle pourraient bien changer en un claquement de doigt. Là-dessus, le Chef de l’État, Patrice Talon, chef de la majorité présidentielle jouera sur son expérience d’homme d’État. S’il est désigné comme le grand bâtisseur des temps modernes, Patrice Talon sait mieux que quiconque qu’il a surfé sur la stabilité politique pour engranger les résultats aujourd’hui salués. Dans une prise directe de langue, arguments contre arguments et entre mouvanciers, le sort de cette révision constitutionnelle pourra se jouer. Wait and see.

Brivaël Klokpê Sogbovi
