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Révision de la loi fondamentale le week-end écoulé : La constitution change de visage, des pouvoirs redistribués

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Nouvelle révision constitutionnelle réussie pour les partis de la majorité parlementaire. Dans la nuit du vendredi 14 au petit matin du samedi 15 novembre 2025, les députés réunis en séance plénière au Palais des gouverneurs à Porto-Novo ont ouvert un nouveau chapitre dans l’organisation du régime politique au Bénin. Sur la table des élus du peuple, la proposition de loi portant révision de la constitution. Deux députés en sont l’initiateur. Il s’agit des députés Assan Seïbou et Aké Natondé, respectivement présidents des groupes parlementaires du Bloc républicain et de l’Union progressiste le renouveau. Conformément aux exigences de l’article 154 de la Constitution, la proposition de loi a été soumise à l’épreuve de la recevabilité. Il fallait ¾ de l’effectif total (109) des députés pour passer le filtre de la recevabilité de la proposition de loi portant modification de la Constitution. Dans cette nuit folle en débats, votes et émotions, 87 députés ont voté pour la recevabilité contre 22 députés ayant voté contre. Place a été ensuite faite au débat de fond. Les députés, toute tendances confondues ont opiné sur le texte avec des critiques, des approbations, des rejets et des amendements. C’est alors que la commission des lois a produit son rapport selon les pratiques parlementaires. La proposition de loi a été ensuite soumise au vote final à bulletin secret. Au décompte final, c’est par 90 voix pour, 19 voix contre et 00 abstention que les députés ont adopté la proposition de loi portant révision de la constitution de la République du Bénin. Dans le fond, cette opération de révision alterne création et modifications. En effet, 15 articles nouveaux ont été créés tandis que 18 articles de la constitution existante ont été réécrits. La révision intervenue au petit matin du samedi 15 novembre 2025 entraîne une réorganisation de l’espace institutionnel avec une redistribution des pouvoirs par endroit. Plus concrètement, la révision constitutionnelle induit désormais un parlement bicaméral avec la création d’un nouvel organe, le Sénat placé comme une chambre haute au-dessus de l’Assemblée nationale. Au terme des dispositions de l’article 79, le Parlement est organisé en deux chambres. Les lois votées seront désormais transmises simultanément au président de République et au président du Sénat. La mission du Sénat est encadrée par l’article 113.1. Les membres siègeant au Sénat sont appelés des  »sénateurs ». Par ailleurs, la révision constitutionnelle a provoqué un changement dans la durée des mandats. Désormais, le président de la République est élu pour un mandat de 7 ans renouvelable une seule fois. Les députés, maires et élus communaux ont, eux aussi, bénéficié d’un allongement de mandat. Ils seront désormais élus pour un mandat de 7 ans. Les nouvelles dispositions votées encadrent aussi la transhumance politique. Avec la nouvelle Constitution, tout député qui démissionne de son parti d’origine perd automatiquement son siège à l’Assemblée nationale. De quoi dissuader les champions en transhumance politique.

 

*Le Sénat béninois, qu’est-ce que c’est ?*

L’architecture Institutionnelle au Bénin a été modifiée par la récente révision de la Constitution. Cette modification est notamment traduite par la création du Sénat, la chambre haute du Parlement dont les missions sont encadrées par l’article 113.1. Le Sénat est placé dans un rôle de régulation de la vie politique, et de maintien de la stabilité nationale. Ci-après l’essentiel a retenir du Sénat béninois sur la base de la révision constitutionnelle opérée le weekend écoulé.

𝗖𝗼𝗺𝗽𝗼𝘀𝗶𝘁𝗶𝗼𝗻 𝗱𝗲𝘀 𝗺𝗲𝗺𝗯𝗿𝗲𝘀

■ 𝙈𝙚𝙢𝙗𝙧𝙚𝙨 𝙙𝙚 𝙙𝙧𝙤𝙞𝙩 (𝙙’𝙤𝙛𝙛𝙞𝙘𝙚) :

●Les anciens Présidents de la République.

●Les anciens Présidents du Parlement.

●Les anciens Présidents de la Cour constitutionnelle (élus, ayant exercé au moins la moitié de leur mandat).

■ 𝙈𝙚𝙢𝙗𝙧𝙚𝙨 𝙙𝙚́𝙨𝙞𝙜𝙣𝙚́𝙨 :

● Cinq (5) personnalités issues des forces de défense et de sécurité (choisies parmi les anciens chefs d’État-major ayant assumé des responsabilités majeures).

● Membres supplémentaires désignés à parité par le Président de la République et le Président du Parlement si le nombre de membres de droit n’atteint pas vingt-cinq (25).

𝗠𝗮𝗻𝗱𝗮𝘁 𝗲𝘁 𝗢𝗿𝗴𝗮𝗻𝗶𝘀𝗮𝘁𝗶𝗼𝗻

■ 𝘿𝙪𝙧𝙚́𝙚 𝙙𝙪 𝙈𝙖𝙣𝙙𝙖𝙩 :

Banniere carrée

●Le mandat des sénateurs désignés est fixé à cinq (5) ans et est renouvelable.

𝗗𝗶𝗿𝗲𝗰𝘁𝗶𝗼𝗻 𝗱𝘂 𝗦𝗲́𝗻𝗮𝘁 :

●Le Sénat est dirigé par un Président, un Vice-président et un Rapporteur.

●Ils sont élus pour un mandat de cinq (5) ans renouvelable.

𝘼̂𝙜𝙚 𝙡𝙞𝙢𝙞𝙩𝙚 :

L’âge maximum pour être membre du Sénat est de 85 ans.

𝗗𝗶𝘀𝗽𝗼𝘀𝗶𝘁𝗶𝗼𝗻 𝘁𝗿𝗮𝗻𝘀𝗶𝘁𝗼𝗶𝗿𝗲 : Cette limite d’âge ne s’applique pas lors de la première installation du Sénat, permettant aux premiers sénateurs de siéger pleinement jusqu’à la fin de leur mandat.

𝗥𝗲̀𝗴𝗹𝗲 𝗱𝗲 𝗡𝗲𝘂𝘁𝗿𝗮𝗹𝗶𝘁é

■ 𝙊𝙗𝙡𝙞𝙜𝙖𝙩𝙞𝙤𝙣 𝙙𝙚 𝙍𝙚́𝙨𝙚𝙧𝙫𝙚 :

● Les sénateurs ne peuvent exercer aucune activité politique partisane.

● Ils sont soumis à une obligation stricte de réserve politique pour garantir l’indépendance et la sagesse institutionnelle du Sénat.

En disposant comme tel, le législateur qui a opéré la révision de la Constitution a voulu faire du Sénat, un Conseil des sages, au-dessus de la mêlée et dont les actions seront revêtues à la fois d’une autorité morale et légale.

*Joseph Djogbénou, un rêve présidentiel enterré pour de bon*

La révision constitutionnelle intervenue au petit matin du samedi 15 novembre 2025 est lourde de conséquences et d’implications. Si au plan institutionnel, les grands changements sont connus, des incidences sont aussi à signaler au plan individuel. Dans cet article, on partira d’un cas pratique, celui du professeur Joseph Djogbénou, actuel président du parti politique Union progressiste le renouveau. Joseph Djogbénou, a un parcours intéressant. Enseignant de droit, avocat de carrière et militant engagé, Joseph Djogbénou s’est montré percutant dans l’espace civique avant d’officialiser son entrée en politique avec la création du parti alternative citoyenne. Soutien actif du candidat Patrice Talon en 2016, Joseph Djogbénou, déjà élu député en 2015 avec les fonctions de président de la Commission des lois au parlement, sera nommé ministre de la Justice par Patrice Talon en avril 2016. En 2018, le garde des sceaux, Joseph Djogbénou, sera envoyé à la Cour constitutionnelle dont il deviendra le Président. Il y sera jusqu’en 2022 avant de démissionner pour dit-il, « reprendre son combat politique loin du confort institutionnel ». Joseph Djogbénou a donc repris depuis lors la présidence du plus grand parti politique du Bénin, Union progressiste le renouveau. Il est jusqu’ici actif sur la scène politique. Sauf, que Joseph Djogbénou devra apprendre très rapidement à vivre loin de la scène politique. Il s’agit d’une exigence constitutionnelle et légale. En effet, la nouvelle Constitution fait des anciens présidents de la Cour constitutionnelle des membres de droit. Joseph Djogbénou est un ancien président de la Cour constitutionnelle. Il devient de facto, un sénateur membre de droit. La même Constitution révisée fait obligation aux sénateurs de se retirer de la vie politique et des postures partisanes. Les sénateurs doivent se soumettre à une obligation de réserve et à la neutralité politique. Le sénateur Joseph Djogbénou devra donc se soumettre à ces dispositions. Par conséquent, son départ de la tête du parti Union progressiste le renouveau est imminent. De même les portes de la participation aux élections législatives du 11 janvier 2026 sont aussitôt refermées pour Joseph Djogbénou si la loi votée est promulguée. Un sénateur qui attend juste la mise en place du Sénat en 2026 ne saurait prendre un mandat législatif de 7 ans. Ici aussi, Joseph Djogbénou est forclos. L’actuel président du parti Up-r devra aussi oublier définitivement ses ambitions présidentielles. Le sénateur Joseph Djogbénou désormais enfermé au Sénat, sorti de la scène politique, soumis à la neutralité politique et garant de la trêve politique ne pourra plus se lancer à la conquête du pouvoir présidentiel. Mieux, Joseph Djogbénou sera aussi disqualifié par la limitation d’âge à 70 ans pour être candidat à l’élection présidentielle. Le prochain président de la République aura un mandat de 7 ans. S’il renouvelle, comme cela est de coutume sous nos cieux, il aura exercé le pouvoir d’État pendant 14 ans. Né le 20 mars 1969, Joseph Djogbénou a 56 ans actuellement et 57 ans en 2026. Au terme des deux septennats du futur président de la République, Joseph Djogbénou aura 71 ans, et donc inéligible à la fonction de président de la République. Au regard de ces contraintes induites par la nouvelle Constitution, autant se faire à l’idée que Joseph Djogbénou est définitivement out pour être président de la République au Bénin, sauf une nouvelle loi alternative d’aménagement qui pourrait le ramener sur la scène politique. Mais là encore, rien n’est sûr. La loi constitutionnelle est désormais rigide. On ne veut plus voir les sénateurs sur la scène politique. C’est ce message qui transcende toute autre chose. Et là, les carottes sont presque cuites pour Joseph Djogbénou, devenu en une seule nuit sénateur, membre de droit.

Brivaël Klokpê Sogbovi

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