Dossier »Anatt Gate »: l’ouragan judiciaire embrase le ministère des Transports
•2016-2020 : les membres successifs des Conseils d’administration visés pour légèreté et complicité
• Risque d’une réclusion criminelle à perpétuité pour les personnes poursuivies
La nébuleuse »ANatt Gate » étend ses tentacules au-delà des seuls cadres de l’administration de l’Agence déjà dans les mailles de la Brigade économique et financière (Bef). Selon le compte rendu du conseil des ministres en date du 7 juillet 2021, la gabegie financière entretenue ces dernières années (2016-2020) au niveau de l’Agence nationale des transports terrestres (Anatt) a généré des manques à gagner estimés à 13,6 milliards FCFA. Alors que le montant dilapidé et/ou géré en violation du cadre réglementaire fait des vagues sur la toile, nos sources renseignent de nouveaux profils d’agents supposés impliqués dans ce crime économique. L’organigramme de l’Agence nationale des transports terrestres (Anatt) présente un palier d’au moins à deux escaliers dans la prise de décision. La gouvernance générique de l’Anatt est confinée entre la Direction générale et un Conseil d’Administration où siègent divers représentants des structures habilitées. Placée sous la tutelle du ministère des Infrastructures et des Transports (Mit), l’Agence nationale des transports terrestres (Anatt) quoique disposant d’une autonomie relative, du moins sa direction générale, ne peut agir sans l’aval du Conseil d’Administration (CA). Cet organigramme établit ainsi des rapports de hiérarchie et de dépendance entre la direction générale (DG) et le Conseil d’administration (Ca). La première entité est soumise à l’autorité de la seconde. Selon nos sources, tous les membres des différents Conseils d’administration qui se sont succédé depuis 2016 à l’Anatt sont dans le collimateur des juridictions béninoises pour leur présumée implication dans cette affaire de détournement de 13,6 milliards FCFA. L’inculpation prochaine des membres des différents Conseils d’administration est par ailleurs justifiée au vu des aveux des agents de la direction générale et les administratifs déjà épinglés. De l’ex-directeur général Thomas Agbéva limogé et arrêté au dernier agent de l’administration de l’Anatt visés, nos sources renseignent qu’ils confient avoir agi avec l’accord de la hiérarchie, donc des différents membres des Conseils d’administration. Même s’ils n’ont pas été cités expressément en conseil des ministres, ces membres des différents Conseils d’administration ne peuvent pas avoir le sommeil tranquille. Les rendez-vous pour tout au moins des auditions classiques pointent à l’horizon entre la brigade économique et financière ou la Cour de Répression des Infractions Économiques et du Terrorisme (CRIET). Les membres de ces conseils d’administration risquent d’être poursuivis pour légèreté ou, plus grave, pour complicité dans cette affaire de détournement de 13,6 milliards FCFA. Outre le Conseil d’administration, certains agents du Ministère des infrastructures et des transports (Mit) sont aussi visés en raison d’éventuelles accointances avec les auteurs de cette fraude financière entretenue à l’Agence nationale des transports terrestres. Déjà, le ministère des Infrastructures et des Transports en tant qu’institution de tutelle a tout au moins un représentant qui siège au sein du Conseil d’administration de l’Anatt. Ici aussi, les aveux incessants des cadres de l’Anatt interpellés ne sont pas de nature à disculper l’administration du ministère des Infrastructures et des Transports. Au cours des auditions à la Bef, ça ressemble à : » nous avons bouffé ensemble les 13,6 milliards FCFA, je n’irai pas seul en prison ». Avec la langue facile, ces agents de l’Anatt interpellés facilitent la tâche aux enquêteurs qui traquent tous les présumés coupables dans cette affaire de fraude financière.
Réclusion criminelle à perpétuité pour les auteurs
Face aux crimes économiques, le Code pénal béninois a prévu de lourdes peines, et ce, en fonction de la taille des montants indûment pris dans les caisses publiques. C’est le paragraphe I du Code pénal relatif aux soustractions ou détournements commis par les agents publics en son article 327 qui prévoit les sanctions applicables. En effet, selon l’article sus visé : « tout agent de l’État, d’un établissement public, semi-public ou subventionné par l’État, tout percepteur, tout commis à une perception, dépositaire ou comptable public, qui aura détourné ou soustrait des deniers publics ou privés ou effets actifs en tenant lieu, ou des pièces, titres, actes, effets mobiliers qui étaient entre ses mains en vertu de ses fonctions, est puni d’un emprisonnement de un (1) an au moins et de cinq (5) ans au plus si les choses détournées ou dissipées sont d’une valeur inférieure ou égale à un million (1.000.000) de francs CFA. Lorsque le montant de la chose détournée ou dissipée est supérieur à un million (1.000.000) et inférieur à dix millions (10.000.000) de francs CFA, la peine est celle de la réclusion criminelle à temps de cinq (5) ans à dix (10) ans et une amende de cinq millions (5.000.000) à dix millions (10.000.000) de francs CFA. Lorsque le montant de la chose détournée ou dissipée est égal à dix millions (10.000.000) de francs CFA et inférieur à cent millions (100.000.000) de francs CFA, la peine est celle de la réclusion criminelle à temps de dix (10) ans à vingt (20) ans et d’une amende d’au moins dix millions (10.000.000) de francs CFA sans que ladite amende puisse être supérieure à cent millions (100.000.000) de francs CFA. Lorsque le montant de la chose détournée ou dissipée est égal ou supérieur à cent millions (100.000.000) de francs CFA, la peine est celle de la réclusion criminelle à perpétuité et une amende d’au moins cent millions (100.000.000) de francs CFA. » Le montant dilapidé ici dans le cadre de la nébuleuse »Anatt Gate » est de 13,6 milliards FCFA, soit largement supérieur à 100 millions. Ainsi, les auteurs de ce crime économique risquent donc une réclusion criminelle à perpétuité. S’ils sont reconnus coupables, ils devront passer le restant de leur vie en prison. Il n’est pas aussi exclu que le juge ordonne une saisie de leurs biens pour récupérer l’amende qui ne peut être en deçà de 100 millions. Selon le rapport d’audit (2016-2020) rendu public en conseil des ministres, les 13,6 milliards FCFA de manque à gagner concernent entre autres, des primes et indemnités fantaisistes, des décaissements relatifs à des marchés irrégulièrement passés, des cas de 2646 véhicules non dédouanés, mais immatriculés, des rançonnements, des dotations en boissons au profit de l’ensemble des agents ayant rang de directeur, etc. « Prenant acte des conclusions de ce rapport, le Conseil a décidé de relever de leurs fonctions, messieurs Thomas Agbeva, ancien Directeur général de l’ANaTT et actuellement conseiller technique du ministre des Infrastructures et des Transports, Félix Jonas Koukoui, Directeur des Titres de transport, Malik Bagnan, Directeur administratif, Dominique C. P. BOKO, Agent comptable et Charles J.M. Zoglobossou précédemment Personne responsable des marchés publics.
Des poursuites judiciaires appropriées seront également engagées à leur encontre.
Le Conseil a, en outre, ordonné la transmission au ministre de la Justice et de la Législation ainsi qu’au Directeur général des Douanes, aux fins de poursuites, la liste des propriétaires des 2646 véhicules illégalement immatriculés sans paiement des droits de douanes », lit-on dans le compte rendu du conseil des ministres. Il s’agit donc d’un feuilleton judiciaire à plusieurs épisodes qui vient à peine de commencer.
Rose .H
[…] LIRE AUSSI >>> Dossier « Anatt Gate » : l’ouragan judiciaire embrase le ministère des Transports […]