Port de casque obligatoire pour les passagers à moto: une décision mal inspirée aux conséquences désastreuses
Le port de casque sera obligatoire dès le 15 novembre prochain pour tout conducteur et son passager. C’est l’annonce qui a été faite par la haute hiérarchie de la Police Républicaine le mardi 25 octobre 2022. Une décision sur fond de polémiques ressuscitée qui vient saper le moral des Béninois qui en avaient déjà ras-le-bol de la morosité économique qui sévit dans le pays. L’on se demande l’intérêt pour la Police de ramener une décision controversée en cette période sensible où subvenir aux besoins vitaux devient de jour en jour plus difficile pour le citoyen lambda. Bien que la raison fondamentale qui sous-tend cette décision soit de prévenir les citoyens des risques d’accidents mortels, ses instigateurs sont loin d’imaginer les conséquences qui pourraient en découler. D’abord, selon plusieurs citoyens interrogés, la décision en l’état, si elle est vraiment appliquée causerait plus de morts par maladies virales contagieuses que par accidents tel qu’on essaie de faire croire. Ensuite, malgré le contexte économique compliqué, chaque Béninois est appelé à s’acheter au moins un casque.
Le risque des maladies virales
Les premiers Béninois concernés par cette décision sont les conducteurs de Taxi-moto. En effet, dans leurs quêtes quotidiennes de clients, ils sont appelés à se procurer un casque pour leurs différents passagers. Etant entendu qu’il leur est impossible d’avoir un casque pour chaque passager, alors tous les clients d’un même Zémidjan seront obligés de revêtir le seul casque dont dispose ce dernier. Une telle situation, même pour un profane du domaine de la santé publique, est fort inquiétante. En effet, le fait pour les passagers de porter le même casque les expose à des maladies virales, notamment les hépatites B et C, qui se transmettent par les secrétions corporelles telles que la sueur.
Dans un contexte où les populations se remettent peu à peu des effets de la pandémie du coronavirus, comment comprendre que la Police Républicaine, garante de l’ordre et de la sécurité publics, les expose à un tel risque sanitaire sans proposer de solutions alternatives ? Avec cette décision, il sera difficile par exemple pour un étudiant de prendre en auto-stop l’un de ses camarades. De même, une vieille qui quitte le village pour la ville en décidant de venir saluer ses proches à Cotonou va-t-elle également prévoir un casque parce que pour ses déplacements elle devra prendre un Zémidjan ? Un conducteur de véhicule personnel dont la voiture peut tomber en panne à tout moment va-t-il prévoir un casque à bord s’il sollicitait l’un de ses amis pour venir le chercher à moto ? Un voyageur qui descend à l’aéroport et décide de prendre un conducteur de taxi-moto va-t-il transporter en amont un casque dans l’avion ? Un père de famille doit-il acheter un casque pour chacun des membres de sa famille ?
Il est vrai que dans certains pays, notamment la France, le port du casque est obligatoire pour les conducteurs et passagers à moto. Mais les contextes socio-démographiques et sanitaires ne sont pas les mêmes. A petite échelle, il est plus facile pour les autorités de faire appliquer une telle décision. En effet, en France, il n’y a pas des dizaines de milliers de motos en circulation quotidienne à Paris comme c’est le cas à Cotonou. De plus, les maladies virales contagieuses qui sévissent en Afrique et dont nous avons fait cas plus haut, sont mieux maîtrisées en occident.
La décision tient-elle compte du contexte économique ?
Il est clair que cette décision qui contraint tous les Béninois à s’acheter désormais un casque ne tient pas compte du contexte économique actuel dans le pays. Par les temps qui courent, acheter un casque serait de la mer à boire pour certains Béninois vu le coût très élevé des casques. En effet, après un tour sur les différentes artères où sont vendus à la sauvette les casques, le constat est effarant. Le casque le moins cher aujourd’hui revient au minimum à 7000f ; et là encore, la qualité de l’accessoire est très douteuse. D’ailleurs, les casques qui disposent des garanties de sécurité (mentonnières, visières, etc.) à même de protéger efficacement un usager en cas d’accident, sont achetés au minimum à 15.000 F. Quand on sait que le Béninois lambda gagne très difficilement sa vie, l’on se demande comment diable pourra-t-il souscrire à cette nouvelle exigence ?
Des pistes pour faire adhérer les populations
Il est une évidence que cette décision vise à sauver des vies humaines, et nul ne doute de la bonne foi des autorités en la matière. Seulement, il serait préférable que cette dernière soit matérialisée par des mesures pour susciter en amont l’adhésion des populations. Dans ce cadre, une subvention par exemple serait la bienvenue pour faire baisser les prix des casques (de bonne qualité) et lutter contre la surenchère, puis inciter les populations par une démarche pédagogique à comprendre et accepter la décision, avant d’aboutir au contrôle. Autrement, la répression annoncée pour les jours à venir risque de semer une panique générale dans le pays et saper le moral des populations. Les autorités au plus haut niveau sont donc appelées à prendre leurs responsabilités, car cette décision mérite d’être repensée à défaut d’être annulée
Abbas TITILOLA