Affaire « passation de marchés publics hors budget » à la municipalité d’Abomey-Calavi: les points clés du rapport de l’IGF
Dans sa parution n°2021 du mercredi 11 mai 2022, le journal Le Potentiel avait lancé une alerte citoyenne sur des marchés publics passés hors budget et suivant une procédure bancale à la mairie d’Abomey-Calavi. Au nombre de dix-sept (17), ces marchés sont estimés à environ 700 millions FCFA. Quelques jours seulement après la publication de cette information, les services compétents du ministère de l’Économie et des Finances se sont saisis du dossier. Une commission de l’inspection générale des Finances (Igf) a été missionnée par le ministre d’État Romuald Wadagni aux fins de procéder à la vérification du bien-fondé des informations révélées par votre Journal Le Potentiel. C’est d’ailleurs à juste titre que le rapport produit par la commission de l’Igf à la suite de sa mission de vérification a plusieurs fois mentionné le Journal Le Potentiel. Depuis le 27 décembre 2022, le ministre des Finances a transmis le rapport à son collègue en charge de la gouvernance locale sous le sceau d’une correspondance confidentielle. Cela fait donc déjà trois mois que les conclusions et les recommandations sont connues du ministre Raphaël Akotègnon. Selon nos sources, le rapport définitif a aussi été envoyé au maire de la commune d’Abomey-Calavi, Angelo Ahouandjinou courant début janvier de cette année 2023. Dans ce rapport de vingt-deux (22) pages, la commission de l’Igf a dressé une méthodologie rigoureuse de travail respectant le principe du contradictoire. Le maire et ses services visés par les critiques d’une approximation dans la passation des 17 marchés publics ont été consultés avec leurs contre-observations. Ainsi donc, le rapport est disponible. Le journal Le Potentiel, organe ayant dénoncé les faits en premier, a aussi l’obligation morale d’éclairer la lanterne de ses lecteurs dans un contexte où certaines langues distillent dans l’opinion que le rapport est bloqué par la mafia. Votre journal Le Potentiel, média engagé dans l’investigation a pu avoir l’intégralité du rapport étalé sur 22 pages. Le présent article reprend juste quelques extraits des conclusions et des portions tirées des 11 recommandations contenues dans le rapport.
Que dit le rapport de l’Inspection générale des finances ?
Dans le texte conclusif du rapport de la commission de l’Inspection générale des finances (Igf), il ressort que les 17 marchés d’environ 700 millions FCFA concernent les années 2020 à 2022. En ce qui concerne la planification et la budgétisation des marchés, le rapport renseigne que les autorisations requises pour la mise en œuvre du PDC, des PAI, des budgets, des PPM et du PTI ont été obtenues par l’administration communale. Dans les détails, le rapport précise que 9 marchés sur les 17 ne sont pas inscrits sur les différents PAI examinés. Ces marchés portent sur un montant cumulé d’environ 132 millions FCFA, soit 20% du coût total de l’ensemble des marchés dénoncés. Aussi, précise le rapport de l’Igf, 3 marchés d’environ 43 millions FCFA ne figurent-ils pas dans les différents budgets examinés, soit 6,43% du montant total des marchés dénoncés. Le rapport précise que cette maldonne confirme ainsi « partiellement la dénonciation » faite par le Journal Le Potentiel. Les 3 marchés sus évoqués ne sont pas non plus inscrits aux PAI. Toutefois, les projets auxquels ils se rapportent figurent au PTI, atteste le rapport. Dans la suite du rapport, les membres de l’Igf découvrent que les budgets ne comportent pas d’états annexes faisant apparaitre distinctivement les marchés budgétisés. Dans le même temps, tous les marchés dénoncés figurent dans les différents PPM publiés sur SIGMap. Toujours selon le rapport, les intitulés et les montants des contrats ou des projets ne sont pas toujours cohérents d’un document à un autre. Les membres de la commission de l’inspection générale des finances sont aussi allés sur le terrain. Des visites de chantiers en lien avec les marchés dénoncés ont été faites. Le rapport renseigne que des faiblesses ont été relevées. Il s’agit de l’absence de contrôle permanent des travaux de construction de la mairie, de la non-fonctionnalité de certains ouvrages pour lesquels la réception provisoire est déjà prononcée et de l’absence de murets anti-érosion au niveau des bâtiments achevés ou réfectionnés et de garde-corps en bordure de la terrasse des deux salles de classe construites dans l’école maternelle de Kpanroun centre, malgré sa hauteur.
Des recommandations
Face à ces insuffisances, une dizaine de recommandations ont été formulées à l’endroit du maire et d’autres acteurs. Entre autres recommandations, le maire de la commune d’Abomey-Calavi Angelo Ahouandjinou est invité à veiller à la passation des marchés d’investissement conformément au PAI adopté par le Conseil communal ; de veiller à l’inscription individualisée dans les annexes aux budgets des différents projets d’investissement en cohérence avec les autres documents de planification ; de suspendre les procédures de passation des marchés non budgétisés jusqu’à l’obtention de l’autorisation budgétaire conformément aux règles en vigueur ; de faire assortir les marchés de travaux de contrats de contrôle permanent avec des consultants indépendants au besoin ; de veiller à l’élaboration des contrats de marchés dans les règles de l’art ainsi que des PV de conception ; de mettre en état de consommation, dans les meilleurs délais, les chantiers déjà réceptionnés. Les préfets et autres proches collaborateurs du maire ont aussi reçu des recommandations aux fins de veiller au respect des règles sur la chaîne de la commande publique. En clair, le rapport n’épingle pas l’édile de la ville dortoir et n’a fait aucune proposition d’une sanction quelconque. Les recommandations sont beaucoup plus adressées à ses collaborateurs.
Brivaël Klokpê Sogbovi