Dictature et confiscation du pouvoir en Afrique de l’Ouest, Togo : le parlement illégitime prépare un coup d’État constitutionnel

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La boulimie du pouvoir fait basculer le régime de Faure Gnassingbé dans une dérive totalitaire, méprisante pour les règles de démocratie et humiliante pour la souveraineté du peuple togolais. En prenant la succession de son feu père Eyadéma Gnassingbé en 2005 dans des conditions de fraude à la loi, le Président Faure Gnassingbé a hérité d’un système politique bâti pour pérenniser la dictature.

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Presque 20 ans après sa prise de pouvoir, Faure est toujours fort et le sera davantage pour les 14 prochaines années, au moins, si le projet perfide d’une révision constitutionnelle piloté par l’Assemblée nationale illégale et illégitime aboutissait. Le mandat des actuels députés à l’Assemblée nationale togolaise est arrivé à expiration le 31 décembre 2023. Le corps électoral est convoqué pour se rendre aux urnes afin de procéder au renouvellement des membres du parlement le 20 avril 2024 prochain. Mais alors qu’ils n’ont plus ni la légalité ni la légitimité, un groupuscule de députés issus du parti gouvernemental et manifestement nostalgiques du parti unique, parti-Etat ont fait le choix dangereux de rouiller l’éclat de la souveraineté du peuple togolais. Dans leur sac, se trouve une proposition de révision constitutionnelle. De grands bouleversements sont prévus dans la nouvelle constitution complètement réécrite avec un effondrement de tous les piliers du système politique actuel. Avec cette constitution, le Togo passe d’un régime présidentiel à un régime parlementaire. L’article 37 de ce projet de nouvelle constitution dont Le Potentiel a pu avoir copie dispose que « Le Président de la République est élu sans débat par le parlement en séance conjointe de ses membres». Plus loin, l’article 39 dispose que « Le Président de la République est élu pour 7 ans. Il est rééligible une seule fois ». Il est donc assez clair que si le parlement actuel dont le mandat est venu à terme depuis plusieurs mois arrive à faire passer cette nouvelle constitution, tous les compteurs seront remis à zéro. L’actuel président togolais, Faure Gnassingbé, au pouvoir depuis bientôt 20 ans aura ainsi un chemin tout tracé devant lui pour briguer encore deux mandats de 7 ans. Soit 14 ans encore au pouvoir. Pour qui connait la pratique malicieuse du régime Gnassingbé, rien ne garantit que la constitution ne sera pas une fois encore révisée vers la fin du deuxième septennat pour remettre encore le compteur à zéro. L’objectif étant de maintenir coûte que coûte Faure Gnassingbé au pouvoir au mépris de toutes les règles démocratiques. Déjà le parlement illégal et illégitime qui tente de réviser la constitution est un parlement monocolore. Aucun parti de l’opposition n’avait pris part aux élections législatives ayant consacré l’élection des députés à l’époque. Et pourtant ce parlement illégal et illégitime veut faire un passage en force pour faire du Président Faure Gnassingbé un roi à la tête d’un pays qui en réalité est devenu un royaume avec une succession dynastique. L’abjecte proposition de révision constitutionnelle aura besoin de recueillir l’approbation de 4/5 des députés. Mais si elle est votée à la majorité simple de 2/3, elle sera soumise au référendum. Mais les dés sont pipés. Faure Gnassingbé et ses « employés politiques » au parlement illégal et illégitime ne voudront pas prendre le risque du référendum. Les mêmes députés avaient déjà adopté sans obstacle une révision constitutionnelle en mai 2019. Ces députés aux ordres du pouvoir autocratique de Lomé vont en faire une formalité et rééditer l’exploit sordide d’une révision constitutionnelle pour offrir 14 nouvelles années au président Faure Gnassingbé.

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Des arguties, la mode des révisions à risque dans la CEDEAO

Au Togo, il est plus qu’évident que Faure Gnassingbé veut se fossiliser au pouvoir. Pas question de partir du palais présidentiel vivant. Seule la mort pourrait l’y déloger à l’image de son feu père qui a aussi régné sans partage. Mais pour cela, Faure Gnassingbé et sa majorité de députés ne veulent pas du tout passer par le filtre souverain. Le régime togolais veut quitter définitivement le chemin de la démocratie en confisquant le pouvoir du peuple. Si la nouvelle constitution passait, les députés du parti gouvernemental vont simplement désigner Faure Gnassingbé comme Président de la République. Le Président de la République ne sera plus l’émanation du peuple, mais d’un groupe de députés eux-mêmes élus dans un système électoral corrompu qui, jusqu’ici, a garanti une victoire systématique au candidat Faure Gnassingbé à toutes les élections depuis 20 ans. S’agripper aux députés pour être Président à vie, cela ne s’appelle pas de la démocratie. Ce mode d’ascension au pouvoir rappelle le système chinois, encore que là, le jeu est plus raffiné. Même dans les pays qualifiés de haute dictature comme la Corée du Nord ou la Russie, ce mode de désignation d’un Président de la République n’existe pas. Même s’il s’agit d’un simulacre d’élections, le président est toujours élu. De quoi ont finalement peur Faure Gnassingbé et ses soutiens pour ainsi arracher des mains du peuple souverain togolais le droit d’élire leur Président de la République ? Et comme à l’accoutumée, des arguties sont avancées pour justifier l’élan révisionniste. À en croire les tenants de l’initiative de la révision constitutionnelle, le projet est motivé par le souci de renforcement de la démocratie et de la séparation des pouvoirs ; l’amélioration de la stabilité gouvernementale ; la mise en place un régime qui offre une plus grande stabilité politique et gouvernementale, en permettant la formation de gouvernements qui reflètent les majorités parlementaires ; l’adaptation aux évolutions sociopolitiques du pays. Au fond, ces éléments de langage ont du mal à convaincre. Depuis 2005, la constitution plusieurs fois tripatouillée n’empêchait en rien la stabilité de l’État, la séparation des pouvoirs, la reddition des comptes, etc. Au contraire, les faits prouvent que les thuriféraires du pouvoir Gnassingbé sont ceux qui ont perverti la constitution et les lois pour confisquer le pouvoir et établir une gouvernance qui ne tient pas compte des aspirations du peuple togolais. La question de cette nouvelle révision constitutionnelle au Togo est une nouvelle épreuve pour la CEDEAO. Face à un coup d’État constitutionnel en préparation au Togo, la CEDEAO doit se lever plus tôt et mettre fin à l’imposture. Championne dans les combats contre les coups d’État militaire, la CEDEAO doit reprendre la même énergie pour dénoncer ce projet perfide de révision constitutionnelle afin d’éviter des drames plus sévères au Togo dans les prochains mois.

B. K. S

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