En sciences politiques, les données sont presque et toujours vérifiées. La prédiction d’un mouvement de masse à la fin de chaque régime politique en est une. Et le système Talon, bien que solide, ne pourra pas échapper à la donne. Alors que les prochains mois annoncent une fin de règne pour le Président Patrice Talon qui bouclera dix ans à la tête de l’État béninois, le système partisan sera aussi mis à l’épreuve. L’homme qui partira de la Marina en 2026, rêve de passer le témoin avec le sentiment d’avoir contribué à anoblir le jeu politique. Héritage si cher et si charité, le système partisan en place, est à tous égards, l’œuvre du Président Talon. Cet héritage sera-t-il intact jusqu’à son départ du pouvoir en 2026 ? Sera-t-il préservé ou encore va-t-il survivre dans le temps ?
Si ces questions nourrissent des réflexions dans l’opinion publique, ce sont les acteurs de la mouvance eux-mêmes qui annoncent des couleurs d’ un »grand tohu-bohu » politique par ces temps qui courent. La dynamique des grands ensembles politiques est déjà éprouvée par la transhumance politique. Les transhumants réputés comme tels, ont créé et animé leur marché à la faveur des élections législatives de 2023. Jamais deux sans trois, dit-on.
Le même marché de la transhumance politique, cette fois-ci, raffiné, pointe à l’horizon. Au-delà des mouvements de va-et-vient entre différents partis, certains acteurs qualifiés de »déçus du pouvoir » pourraient se coaliser pour créer de nouveaux partis politiques. Ces »déçus du système Talon » comme le précise une source du journal Le Potentiel, sont ceux qui espèrent désespérément »des récompenses » , des »positionnements ou nominations politiques » sans jamais les avoir depuis 2016.
Sentant la fin du régime venir, autant renouer avec les vieilles pratiques. Patrice Talon ne fera rien de nouveau s’il cherche coûte que coûte à assurer ses arrières à travers la désignation d’un dauphin politique à imposer dans le siège du pouvoir d’État. « Je ne serai pas inactif en 2026 (…)», avait-il déclaré fin décembre 2023 lors d’une émission télévisée un peu comme pour annoncer son activisme à assurer une succession en douceur en 2026. Mais, les »déçus du pouvoir » ne sont plus prêts à espérer.
Ils ne croient plus que le »Chef » qui annonce un activisme leur fera de la place avec et après ce tournant si son dauphin remportait l’élection. Conséquence, sur le terrain, la réalité est loin de refléter le jeu paisible que le Chef de l’État voudrait prescrire à ses soutiens dans le jeu relatif à sa succession.
Au détour du débat qu’avaient engagé les députés dans le couloir de la révision de la constitution, le Président de la République et la plupart des béninois avertis ont pu se rendre compte des fissures visibles dans le bloc compact de la mouvance. Calculatrice en main, les conflits de pouvoir s’étalent déjà dans la cour mouvance.
Seul enjeu, la conservation des positions de pouvoir dans l’appareil d’Etat en 2026. Pour cela, avec ou sans l’avis de Patrice Talon, les affidés du régime de la Rupture sont prêts à rompre avec la fidélité habituelle au » grand chef » . Ce grand chef sera bientôt fini au bout de son second mandat. Sa capacité de « nuisance » peut être relativisée. Les députés et les caciques du pouvoir Talon en ont conscience.
Et ils veulent jouer à fond le jeu quitte à tendre les nerfs au Président de la République qui risque de se retrouver seul à penser qu’il détient encore les pleins pouvoirs de contrôles sur ses partisans en 2026. C’est à ce titre par exemple que des » déçus du pouvoir » sont annoncés à la tête de nouveaux blocs de partis politiques dans les prochains mois.
De sources concordantes, on apprend que des réunions se multiplient dans les rangs des députés, maires et autres leaders de la mouvance afin de définir un plan de sauvetage de leurs » intérêts » jusqu’ici non pris en compte par le régime. Union Progressiste le renouveau ( Up-r), le Bloc républicain ( Br), Moele-Bénin, Renaissance Nationale ( Rn) sont dans une zone de turbulence.
Certains de leurs acteurs, même les plus insoupçonnés seront les meneurs de cette dynamique de fronde des » déçus du pouvoir ».
Le retour au désordre politique, la fin de la discipline politique observée au sein des partis de la mouvance, l’effondrement du système partisan tel que rêvé sont entre autres dangers qui s’annoncent. Patrice Talon, pourra-t-il y faire grand-chose ? Question !