Procès en appel et confirmation de la condamnation de l’ex-DG du Fnda et ses coaccusés CRIET : l’indignation des avocats, des failles judiciaires relevées

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Pour l’ancien directeur général du Fonds national de développement agricole (Fnda), Valère Houssou, c’est le verdict qui ruine tous les espoirs de recouvrer assez rapidement sa liberté. Lui et ses coaccusés ont vu leur sentence confirmée lors d’un procès en appel à la Cour de Répression des Infractions Économiques et du Terrorisme (CRIET). En effet, en réponse à la requête de leurs avocats, la CRIET a rouvert, le vendredi 28 juin 2024, le procès en appel de Léonard Valère Houssou, ancien Directeur Général du Fonds National de Développement Agricole (Fnda), et de ses coaccusés. Condamnés en première instance pour abus de fonction, corruption dans les marchés publics et blanchiment de capitaux, l’ancien Dg et son Directeur Administratif et Financier (Daf) avaient écopé chacun d’une peine de dix (10) ans de prison ferme, assortie d’une amende de vingt millions de francs CFA ainsi que de la confiscation de leurs biens.

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Ce procès en appel, présidé par le magistrat Edouard Cyriaque Dossa, Président de la CRIET, a vu le ministère public représenté par Armand Houngue, le même magistrat ayant officié lors du premier jugement. Ouvert le 28 juin 2024, il aura fallu deux audiences supplémentaires, tenues les 12 et 19 juillet 2024, avant que la Cour ne rende son délibéré ce 11 octobre 2024, en présence des familles, des avocats des accusés et d’autres curieux. Les inculpés condamnés étaient Léonard Valère Houssou, Zénabou Saka (ancienne Personne Responsable des Marchés Publics, Prmp) et Fidèle Yaovi Tossou, ancien Daf.

Leur défense fut assurée par un collège d’avocats, sous la coordination de Maître Olga Anassidé et composé de Didé Sèdjro Elvys et Ahoumenou Michel pour le compte du Dg Houssou Léonard Valère, AYOBELE Narcisse, Rafiou Guy-Charles PARAÏSO, Olga ANASSIDE et Marc ZINZINDOHOUE pour le compte de la PRMP, SAKA Zénabou, GNONHOUE Marie-José à la défense de TOSSOU Yaovi Fidèle. Que retenir du procès en appel ?Il s’agit ici d’une question de procédure à suivre pour dire le droit. Dans un climat empreint de rigueur et de pédagogie, le Président de la Cour a donné la parole aux trois accusés, leur permettant d’exprimer leur insatisfaction vis-à-vis du verdict initial. Ceux-ci ont tous contesté leur condamnation, invoquant des erreurs matérielles qui, selon eux, ont entaché le premier jugement du 23 janvier 2024.

Ces contestations ont été relayées par leurs avocats, qui ont plaidé pour l’annulation du jugement et l’acquittement pur et simple de leurs clients. Ils ont notamment soulevé plusieurs insuffisances dans le dossier, tout en rappelant au président que son arrêt constituerait un précédent pour la jurisprudence nationale. Pour obtenir la libération de leurs clients, la ligne de défense des avocats des accusés a été claire. La défense a vigoureusement contesté l’absence de preuves matérielles dans le verdict de première instance. Selon eux, aucun rapport des organes de contrôle n’avait révélé d’irrégularités dans les marchés attribués par le Fnda.

Les avocats rappellent qu’aucun soumissionnaire n’avait porté plainte. Cette situation d’absence de plainte est de nature à fragiliser les accusations d’abus de fonction et de corruption, selon les avocats. Maître Marc Zinzindohoué a même fait un parallèle avec la loi dite des « suspects », adoptée en France en 1793, qui permettait d’arrêter et de condamner sans preuve toute personne soupçonnée d’être ennemie de la Révolution. Aussi, les avocats ont exprimé des réserves sur les accusations de corruption. Selon eux, il y a une absence d’un corrupteur dans cette affaire.

« Pour qu’un acte de corruption soit avéré, selon les dispositions du Code pénal, il doit y avoir au moins deux parties, à savoir un corrupteur et un corrompu. Or, aucun corrupteur n’a été identifié, rendant l’accusation inconsistante », soutiennent les avocats. Par ailleurs, les avocats ont mis l’accent sur ce qu’ils appellent un  »traitement inégal des accusés ». La défense a relevé une disparité dans le traitement des accusés, comparant les cas de Aïcha Massary et Marcel Effon, qui ont bénéficié d’un non-lieu, à ceux de Houssou et Tossou, condamnés sur la base des mêmes faits.

De son côté, maître Rafiou Guy-Charles PARAÏSO a exprimé ses inquiétudes sur le fait que l’accusation tient à mettre à la charge de la Prmp Saka Zénabou les actes dont elle n’a pas connaissance. Pour l’avocat, ces actes se sont produits un (1) an après le départ de la Prmp Saka Zénabou du Fnda, lesquels actes ont été posés par sa remplaçante Aïcha Massary blanchie par la justice et libérée, selon maître Paraïso. Absence de préjudices selon les avocats !Les avocats de l’ancien Dg du Fnda Valère Houssou et cie ont joué le tout pour le tout pour tenter d’obtenir la libération de leurs clients.

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L’autre angle de défense a été la démonstration d’une absence de préjudice et l’impertinence des accusations d’abus de fonction. Ici, les avocats ont souligné que les actes de leurs clients n’avaient causé aucun préjudice ni au Fnda ni à l’État. Selon la défense, l’accusation d’abus de fonction ne tenait donc pas, aucun avantage n’ayant été tiré par les accusés. Concernant le blanchiment de capitaux, les avocats ont dénoncé une violation du principe contradictoire, car l’infraction n’avait pas été débattue ni en première instance ni lors de l’instruction. Selon les avocats, les biens immobiliers, cités comme preuve, avaient été acquis avant l’entrée en fonction au Fnda des accusés Léonard Valère Houssou et Fidèle Yaovi Tossou.

Pour conclure leur défense, maître Didé Sèdjro Elvys est revenu sur le cas particulier de l’ex-DG du Fnda Valère Houssou. Il a informé la Cour que c’est après avoir passé 25 ans dans le secteur privé financier et bancaire sans aucun incident au Bénin et à l’international que le Gouvernement de son pays a fait appel à son expertise pour lancer véritablement le Fnda. « Et pour avoir accepté de faire le job, il est condamné à dix (10) ans de prison, vingt (20) millions d’amende et la confiscation de ses biens après seulement trois ans de fonction », relève l’avocat. Par ailleurs, pour maître Didé, cette peine de 10 ans de prison va ruiner la vie de l’ex-directeur général du Fnda.

L’avocat fait constater à la Cour que la peine prononcée par le premier juge contre Valère Léonard Valère et contre son Daf est celle donnée aux accusés de crime de sang ou encore à celle prononcée par la CRIET contre les accusés du scandale ICC Services lequel avait causé un préjudice de plus de 150 milliards de francs CFA au sein de la population béninoise. Réquisition du ministère public et délibéré de la CourEn dépit des arguments avancés par la défense, le ministère public a maintenu ses accusations, requérant les mêmes peines qu’en première instance. S’appuyant toujours sur les échanges WhatsApp jugés  »controversés » par la défense, le ministère public a affirmé son droit de poursuivre certains protagonistes tout en en épargnant d’autres.

Là-dessus, les avocats de la défense ont exprimé leurs vives désapprobations. Et le verdict tomba. Après avoir écouté les arguments des uns et des autres, le délibéré de la Cour est tombé ce vendredi 11 octobre 2024. Bien que partiellement infirmé, le premier jugement a été en grande partie confirmé par la Cour. Léonard Valère Houssou et Fidèle Yaovi Tossou ont été déclarés coupables des infractions d’abus de fonction, de corruption dans la passation des marchés publics et de blanchiment de capitaux.

Ils ont chacun été condamnés à dix ans de réclusion criminelle et à une amende de vingt millions de francs CFA. La Cour condamne enfin les trois accusés appelants aux dépens et leur donne un délai de trois jours pour se pourvoir en cassation. Après cette confirmation du verdict rendu en première instance, les avocats de la défense se livrent à une série de questionnements.

Selon eux, ce procès en appel restera dans les annales, à la fois pour les enseignements qu’il procure et les interrogations qu’il soulève quant à la justice et l’équité dans le traitement des affaires de corruption au Bénin.

Pour rappel, l’ancien directeur général du Fnda Valère Houssou avait été limogé de son poste le 12 octobre 2022 par le Conseil des ministres, pour des faits présumés de rançonnement et de perception de commissions au préjudice des producteurs agricoles.

B. K. S

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