Urgence en santé sexuelle et reproductive au Bénin : Grossesses précoces, une menace silencieuse pour l’avenir des jeunes filles

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Au Bénin, de nombreuses adolescentes déscolarisées et non scolarisées sont confrontées à un déficit d’informations en matière de santé sexuelle et reproductive. Une situation qui les conduit à des comportements à risque tels que des relations sexuelles non protégées et un manque de connaissances sur les méthodes contraceptives, et appelle à des actions concrètes pour remédier à cette situation et offrir aux adolescentes béninoises un avenir prometteur.

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« Ma maman ne m’a rien expliqué de ces choses. Elle me disait seulement de faire attention aux garçons si je tiens à réussir ma vie. J’ai abandonné l’école en 2018 en classe de 5e». Apprentie couturière à Sô-Ava, une commune lacustre située au nord de Cotonou, la capitale économique du Bénin, Annick, 19 ans, a eu son premier rapport sexuel à 16 ans. « C’est moi qui l’ai voulu parce que je me sentais prête », avance-t-elle, confiant avoir su compter sur ses amies pour les conseils. Elle continue de mettre en pratique ce qu’elle a appris de ces dernières. « J’ai un copain actuellement et pour ne pas tomber enceinte, j’évite d’avoir des rapports sexuels certains jours de mon cycle ».
Florence, 16 ans, joue aussi avec le feu. Sexuellement active une année après la survenue de ses premières règles, elle est convaincue d’être protégée contre une grossesse surprise en n’ayant pas de relations sexuelles après le 5e jour de son cycle. Son petit ami ayant en horreur le préservatif, elle n’a pas le cran de le lui exiger et préfère lui faire plaisir, prenant au passage tous les risques découlant de rapports non protégés.
Jouer sur son cycle menstruel pour avoir des relations sexuelles non protégées est synonyme de jouer à la roulette russe. Le risque est là. Dorcas, 18 ans, l’a appris à ses dépens. « J’ai eu mes premières menstrues à 15 ans. Je savais qu’il ne fallait pas avoir de rapports sexuels certains jours du cycle, mais je l’ai fait quand-même et ça a fini par se transformer en une grossesse », révèle-t-elle.
Aujourd’hui maman d’un bébé de six mois, la jeune fille avoue, à demi-mot, n’avoir pas eu d’autre choix. « Je n’avais pas de quoi payer le contrat d’apprentissage. Mes parents n’avaient pas les moyens de me le payer non plus. Je me suis dit que mon copain le ferait pour moi si je tombe enceinte de lui » confesse Dorcas. Après son accouchement, elle n’a adopté aucune méthode contraceptive. Elle s’y oppose même farouchement et rejette surtout le préservatif à cause de tout le mal qu’elle en a entendu dire dans son entourage.

« Le préservatif, c’est pour les filles faciles »

« On dit que les hommes les utilisent avec les femmes de passage et non avec celles qu’ils veulent épouser. Mon homme ne doit pas porter de condom avec moi parce que je ne suis pas une fille facile et que je suis déjà sous son toit », argumente-t-elle. Si elle a réussi à convaincre son compagnon de prendre sa formation en charge, Dorcas s’émeut du sort des nombreuses filles de sa localité, obligées d’aller au sexe pour des raisons financières.
Dorcas pointe particulièrement certains parents qui poussent leurs filles dans les bras du premier venu. « Ils leur disent de se trouver un mari qui va payer leur contrat mais quand elles tombent enceintes, l’homme les abandonne ».
Sènami a 16 ans. Elle souhaite avoir son premier enfant après sa formation mais entretient pourtant des relations sexuelles non protégées avec son petit ami de 19 ans, lui-même « apprenti tailleur ». Si une grossesse survenait toutefois, et malgré les conseils de ses amies, ça sera forcément « la volonté de Dieu » selon la demoiselle.
Attentive aux confidences de ses « filles », Blandine, la propriétaire de l’atelier n’en revient pas. « J’essaie d’échanger avec elles sur ces sujets. J’initie des séances de causerie mais elles ne s’ouvrent pas à moi. Je ne connais aucun de leurs copains par exemple ».
Dans la localité, une barque érigée en clinique mobile par le Fonds des Nations Unies pour la population (UNFPA) offre pourtant des services de SR. Dorcas et ses collègues n’y ont jamais mis pied. « Que vont penser de moi les gens quand ils me verront y entrer ou en sortir ? », se demande Sènami. Selon ce qu’elle a ouï-dire, « le planning familial n’est pas bien, ça rend stérile et ça tue ».  Ici, comme dans de très nombreuses communautés du Bénin, les questions liées au sexe, surtout qu’elles concernent les adolescents et jeunes, sont frappées du sceau du tabou.
Annick, Sènami, Florence et Dorcas ne sont pas des cas isolés. Comme elles, en matière de SR, elles sont nombreuses, les adolescentes béninoises à être confrontées à un manque d’information qui leur font adopter des comportements à risque comme la précocité des relations sexuelles.

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Premier rapport sexuel avant l’âge de 15 ans

Selon la dernière Enquête démographique et de santé (EDS 2017-2018), 12% des adolescentes ont eu leur premier rapport sexuel avant l’âge de 15 ans tandis que 20% des grossesses est du fait des adolescentes, soit une grossesse sur cinq.
Un état de chose qui compromet leur santé sexuelle et reproductive, mais aussi leur avenir. Selon Dorcas, beaucoup d’adolescentes en apprentissage ont laissé tomber leur formation avant échéance parce qu’elles avaient contracté une grossesse et ont été obligées d’abandonner leur futur gagne-pain pour des activités précaires.
Poussées au mariage très jeunes, d’autres adolescentes finissent par tenir un rôle essentiellement reproductif dans leur foyer, avec des grossesses rapprochées parce qu’elles sont incapables de dire non, de décider de différer ou d’éviter une grossesse.

« Ne laisser personne de côté »

A pratiquement six années de l’échéance des Objectifs de développement durable qu’il s’est résolument engagé à atteindre, il est impérieux que le Bénin lève les obstacles qui empêchent encore ses adolescentes de jouir effectivement de leurs droits sexuels et reproductifs en apportant des réponses adéquates à leurs besoins particuliers.
Intervenant à la faveur de la session d’ouverture de la Réunion annuelle du Partenariat de Ouagadougou le 12 décembre 2023 à Abidjan, la capitale économique de la Côte d’Ivoire, Dr Thierry Lawalé, directeur de la Santé de la mère et de l’enfant, des soins infirmiers et obstétricaux au ministère béninois de la Santé a appelé les décideurs à opérer un changement vis-à-vis de la jeunesse en général, à travers des actions impactantes. Pour Dr Lawalé, c’est impératif car cette couche représente le plus grand potentiel et incarne l’avenir du Bénin.

SWEDD

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