Renaissance spirituelle du plateau de Guèdègbé, devin du Roi Gbêhanzin d’Abomey à Porto-Novo : Quand les objets restitués retrouvent leur essence sacrée
Au Bénin dans la commune de Porto-Novo, le dimanche 12 janvier 2025, une étape décisive a marqué les Vodun Days dans la ville à trois (3) noms. Une réplique minutieuse du mythique plateau de Guèdègbé, devin du Roi Gbêhanzin a été remise au babalawo Mathias Paqui, prêtre du fâ, pour un usage rituel. Cette œuvre d’art réalisée par l’ébéniste béninois de renom Robert Djanta représente plus qu’un simple objet : elle incarne un retour aux racines spirituelles et culturelles du Bénin, terre d’histoire.

Une réintégration spirituelle profonde
Dans l’après-midi, dans le quartier Catchi, une cérémonie privée, empreinte de ferveur et de respect, a vu la remise officielle de cette réplique sacrée. Ce moment solennel s’inscrit dans une démarche visant à réintégrer des objets culturels restitués à leur usage originel.
Le plateau, symbole majeur du Fâ, a ainsi retrouvé sa place au cœur de la vie rituelle béninoise, après un travail acharné de 31 jours et nuits de la part de l’ébéniste dont les talents et les mérites ne sont plus à présenter. «Le plateau divinatoire de Guedegbe, devin du roi Behanzin du Dahomey (actuel Bénin), est un objet fascinant lié à l’oracle de Fâ, un système divinatoire complexe d’Afrique de l’Ouest. Ce plateau, aujourd’hui exposé au musée du quai Branly à Paris, a une histoire particulière qui témoigne des échanges culturels entre la France et le Bénin », a fait savoir Robert Djanta.
Le premier signe divinatoire révélé sur ce plateau, Yeku Meyi, est porteur de symbolisme fort : il est le signe des ancêtres, rappelant leur présence et leur bénédiction sur ce retour historique.
Un pont entre le passé et le présent
Le plateau du devin du Roi Gbêhanzin, Guèdègbè est bien plus qu’un objet rituel. Offert il y a 85 ans à l’anthropologue français Bernard Maupoil, il revient aujourd’hui dans un contexte renouvelé grâce à une collaboration exceptionnelle entre Béninois et chercheurs étrangers.


Le professeur Erwan Dianteill, anthropologue et sociologue français, a joué un rôle clé en facilitant cette restitution et en garantissant que ce patrimoine culturel soit restitué avec respect et dignité. «La fabrication de la réplique, sous la guidance de Paqui, stimule un regain d’intérêt pour les pratiques divinatoires traditionnelles et encourage les jeunes artisans à s’engager dans la préservation de leur héritage culturel», a rapporté l’artiste avant d’ajouter que «sur le plan de la recherche, cette reproduction permet à Dianteill et à d’autres chercheurs d’étudier de près les techniques et symboles utilisés, approfondissant ainsi la compréhension de ces pratiques anciennes. Cela ouvre de nouvelles perspectives dans les domaines de l’anthropologie, de l’histoire et des études religieuses.»
L’événement illustre une nouvelle voie pour les objets d’art africains souvent conservés dans des musées étrangers. Plutôt que de les figer dans des vitrines, cette initiative démontre qu’il est possible de leur redonner vie dans leurs contextes culturels et rituels d’origine. Les Vodun Days de cette année marquent ainsi une renaissance spirituelle, une reconnexion authentique avec le patrimoine ancestral béninois. Pour le plateau de Guèdègbé, c’est un retour symbolique à ses origines, chargé d’une énergie spirituelle retrouvée.
Un exemple pour l’avenir
Cette cérémonie démontre que la restitution d’objets patrimoniaux ne se limite pas à leur rapatriement physique. Elle doit également permettre leur réintégration dans les pratiques vivantes des communautés concernées. Le geste de ces deux Béninois, épaulés par des acteurs internationaux, offre une leçon inspirante : l’héritage culturel ne doit pas être enfermé dans le passé mais activement cultivé dans le présent.
Le plateau de Guèdègbé, témoin silencieux de l’histoire, reprend ainsi sa place légitime, entre les mains des prêtres fâ, pour inspirer les générations futures. L’initiative de Robert Djanta, Mathias Paqui et Erwan Dianteill offre une alternative provisoire à la restitution de l’objet original, ramenant symboliquement cet héritage au Bénin.
Elle favorise un dialogue entre les pratiques traditionnelles et la modernité, explorant comment ces traditions restent pertinentes dans le Bénin contemporain.
Cette collaboration exemplaire entre un artisan, un praticien et un chercheur contribue non seulement à la revitalisation et à la valorisation du patrimoine immatériel du Bénin, mais aussi potentiellement à son développement socio-économique et à son rayonnement culturel.
Les trônes royaux, symboles du pouvoir monarchique, les récades et autres sont des candidats pour ce type de projet, selon Robert Djanta confiant que la reproduction de ceux-ci va servir dans le cadre des cérémonies transitionnelles ou exposés dans des musées locaux.
Ulrich ZINSOU