Le départ du Burkina Faso, du Mali et du Niger de la CEDEAO est souvent présenté comme un signal d’alarme pour l’organisation régionale. Mais au-delà des discours de rupture, cette décision marque-t-elle réellement un échec de la CEDEAO ou révèle-t-elle plutôt des enjeux politiques internes propres aux régimes concernés ?
*Une sortie dictée par des intérêts nationaux plus que par un rejet de la CEDEAO*
Les critiques adressées à la CEDEAO reposent sur l’idée qu’elle serait devenue un « club d’élites déconnectées ». Pourtant, cette organisation a joué un rôle central dans la stabilité et l’intégration économique de l’Afrique de l’Ouest depuis sa création. Accuser la CEDEAO d’ingérence sans reconnaître ses efforts en faveur de la médiation, du dialogue et du développement économique revient à occulter la complexité de la situation.
Le départ du Burkina Faso, du Mali et du Niger n’est pas le fruit d’un rejet unanime de la CEDEAO par leurs populations, mais bien d’une stratégie politique des régimes militaires en place. Ces États ont choisi de quitter l’organisation non pas pour des raisons de souveraineté abstraite, mais pour éviter les contraintes de la démocratie et de l’alternance.
*Une CEDEAO en mutation, pas en déclin*

Loin d’être en crise, la CEDEAO est confrontée à un défi de réadaptation. Son action ne peut être réduite à un « alignement sur les intérêts étrangers », comme le suggèrent ses détracteurs. Certes, elle doit renforcer ses mécanismes internes et restaurer la confiance des peuples, mais cela passe par une réforme concertée, et non par une dislocation précipitée.
L’idée d’une « CEDEAO forte de sa souveraineté » ne peut se construire en dehors des principes fondateurs de l’institution. Une communauté régionale repose sur des engagements communs, des règles partagées et une coopération économique. L’unité africaine ne se décrète pas par des ruptures spectaculaires, mais par des actions concrètes de consolidation des institutions régionales.
*Le risque d’un isolement pour les États de l’AES*
Si la CEDEAO doit évoluer, le choix du retrait unilatéral n’est pas une solution viable. En quittant l’organisation, le Burkina Faso, le Mali et le Niger prennent le risque de l’isolement économique et diplomatique. L’intégration régionale a prouvé son efficacité dans la libre circulation des personnes et des biens, le soutien aux économies locales et la gestion des crises sécuritaires. En se coupant de cette dynamique, ces pays pourraient s’exposer à de nouvelles vulnérabilités, notamment en matière de commerce et de sécurité.
*réformer sans briser l’unité*
Plutôt que d’encourager une fragmentation de l’Afrique de l’Ouest, le défi actuel est de moderniser la CEDEAO sans renier ses principes. Une réforme est nécessaire, mais elle ne peut être dictée par des États qui refusent de se conformer aux engagements communs. La CEDEAO, malgré ses imperfections, reste un cadre essentiel pour l’unité régionale. Ce n’est pas en la quittant que l’Afrique de l’Ouest construira son avenir, mais en y insufflant une dynamique de progrès collectif.