Femmes et pouvoir, brisent-elles enfin le plafond de verre: Les femmes sont-elles des hommes politiques comme les autres ?

Longtemps cantonnées aux marges du pouvoir, les femmes s’imposent aujourd’hui comme des actrices incontournables de la vie politique, bousculant les codes et redéfinissant les équilibres. Au Bénin, les réformes récentes ont ouvert la voie à une participation plus affirmée, mais les résistances demeurent. Dans cette tribune, Claudine A. Prudencio interroge cette évolution et pose une question fondamentale : les femmes sont-elles des hommes politiques comme les autres ? Au-delà du constat des avancées, elle invite à repenser les rapports de pouvoir et à inscrire durablement l’égalité dans les mentalités comme dans les pratiques.

Les femmes sont-elles des hommes politiques comme les autres?

Par Claudine A. Prudencio

Longtemps marginalisées dans l’exercice du pouvoir, les femmes prennent aujourd’hui une place croissante sur la scène politique, au Bénin comme ailleurs. Leur engagement ne relève plus de l’exception mais de la dynamique. Leur légitimité n’est plus à prouver, mais à affermir. Pourtant, une question subsiste, à la fois provocante et pertinente: les femmes sont-elles des hommes politiques comme les autres?
Depuis l’accession au pouvoir du Président Patrice Talon, le Bénin a franchi un cap décisif en matière de promotion de la femme dans la sphère publique. En 2021, plusieurs réformes législatives d’envergure ont été adoptées, traduisant une volonté politique forte de déconstruire les inégalités structurelles. La révision du Code électoral instaurant un quota de femmes à l’Assemblée nationale, la réforme du Code des personnes et de la famille, ainsi que la loi sur la santé sexuelle et reproductive sont autant d’avancées majeures.
Ces lois ont amorcé une dynamique de transformation sociale profonde. Elles ont permis de redéfinir les conditions d’accès des femmes à la politique et d’élargir l’espace de leur parole publique. Aujourd’hui, au Bénin, l’engagement féminin en politique bénéficie d’un socle juridique plus solide que jamais, facilitant une représentativité plus équilibrée.
Malgré ces progrès indéniables, il serait prématuré de considérer que les femmes évoluent dans un champ politique parfaitement égalitaire. L’héritage des discriminations passées continue d’influencer les parcours. La charge mentale familiale, les préjugés tenaces, les stéréotypes de genre, ou encore la difficulté à mobiliser les ressources restent des réalités pour de nombreuses femmes en quête de responsabilités politiques.
Mais cette réalité ne les affaiblit pas : elle forge, au contraire, une résilience particulière. Les femmes politiques portent en elles une mémoire de combat, un sens aigu du collectif, et souvent une attention particulière aux questions sociales, de santé, d’éducation ou de justice. Ce n’est pas une affaire de nature, mais d’expérience.
Entrer en politique en tant que femme, c’est aussi devoir souvent faire preuve d’un sens élevé de l’écoute, de la négociation et de la proximité. Ce style de leadership, bien que non exclusif aux femmes, apporte une respiration nouvelle dans les pratiques politiques. Il ne s’agit pas d’un pouvoir « féminin », mais d’un pouvoir autrement incarné.
Pour autant, les femmes politiques ne doivent pas être essentialisées. Elles ne forment pas un bloc homogène. Elles sont de tous bords, de toutes sensibilités, avec leurs qualités, leurs failles, leurs ambitions. Comme les hommes. Ce qui fait leur spécificité, ce n’est pas leur genre, mais le regard que la société pose encore trop souvent sur ce genre.
L’enjeu n’est pas que les femmes deviennent des hommes politiques « comme les autres ». L’enjeu est que le politique, en tant qu’espace de gouvernance, d’idées et de responsabilité, soit véritablement ouvert à toutes les citoyennes et à tous les citoyens, sans stéréotypes ni barrières implicites.
Sous l’impulsion des réformes récentes, le Bénin offre désormais un terreau favorable à cette inclusion. Il revient à chaque femme politique de s’en saisir, et à la société de valoriser cette diversité qui est une chance pour la démocratie. Il ne s’agit plus seulement de parler d’égalité, mais de la faire vivre concrètement dans les pratiques et dans les mentalités.
Et si, au lieu de chercher à savoir si les femmes sont des hommes politiques comme les autres, nous admettions enfin qu’elles sont, tout simplement, des politiques à part entière — bâtisseuses d’avenir, actrices de transformation, et piliers de notre cohésion républicaine?

À propos de l’auteure :

Claudine A. PRUDENCIO est Juriste / Gestionnaire – Chercheure en Sociologie de Développement – Elle s’intéresse aux dynamiques de genre, aux politiques publiques en Afrique et à la gouvernance inclusive. Ministre Conseiller à la Santé, ancienne Ministre de la République et ancienne Députée à l’Assemblée nationale. Première Présidente de l’Institut National de la Femme BENIN – Elle préside le Parti Renaissance Nationale (RN) – Engagée dans les domaines de la santé, de l’éducation et de la promotion des droits des femmes. Elle poursuit des travaux sur la représentativité féminine dans les sphères de decision.