Makosso Allavo au sujet de la consommation locale: « Avec la volonté de tous, le Bénin peut parvenir à une production en grande quantité du pain à base du manioc »

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L’Ingénieur agroalimentaire Makosso Allavo est expert dans la valorisation des matières premières agricoles et des technologies artisanales de transformation des aliments. Il travaille comme consultant auprès de plusieurs structures nationales et internationales ; et apporte son expertise à plusieurs entreprises de transformations agroalimentaires sur plusieurs types de matières premières et tout ce qui est produit au plan local. Dans cet entretien, il nous parle des potentialités dont le Bénin dispose pour booster la filière manioc.

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*Le Potentiel : Peut-on produire vraiment du pain avec le manioc ?*

Makosso Allavo : On peut produire du pain avec le manioc. Lorsqu’on parle du pain, on parle d’un certain nombre d’opération unitaire, d’un procédé de transformation en trois étapes principales. La première étape est le pétrissage, c’est la phase de production de la pâte. Elle consiste à prendre la farine panifiable de manioc et on mélange  avec de l’eau, du sel et de la levure boulangère. Le pétrissage se fait à l’aide d’un équipement appelé « pétrin », mais dans les cas de production artisanale, il peut se faire manuellement aussi. La deuxième étape de la technologie est une étape de fermentation. La levure précédemment ajoutée lors du pétrissage et qui est un type de microorganisme va trouver dans cette pâte tous les éléments nutritionnels nécessaires à sa multiplication. En se multipliant, les levures produisent du gaz carbonique et font lever la pâte grâce à ses caractéristiques techno-fonctionnelles. La dernière étape, c’est une étape de cuisson. On met la pâte déjà prête et moulée dans un four pour la cuisson. Tout ceci nous permet d’avoir à la fin du pain. Nous avons la possibilité de faire du pain à partir de la farine panifiable du manioc. Le problème qui se pose, c’est lorsque nous nous exerçons à comparer la farine panifiable de manioc à la farine de blé qui est traditionnellement utilisée pour faire du pain, il y a une certaine différence. La plus importante est que dans la farine de blé, il y a une protéine spéciale qu’on appelle le gluten.  C’est cette protéine qui confère à la pâte ses caractéristiques techno-fonctionnelles (élasticité et rétention de gaz) qui lui permet de gonfler sans éclater au cours de la fermentation. Cela donnera par la suite (après la cuisson) au pain une certaine texture, et une certaine forme. C’est le gluten qui confère au pain, fabriqué à partir du blé cette fonctionnalité que nous retrouvons aujourd’hui. Donc, lorsque nous produisons du pain à partir de la farine de manioc, il ne faut pas forcément s’attendre à avoir exactement les mêmes caractéristiques que nous observons sur le pain fait à partir de la farine de blé, parce que tout simplement les compositions biochimiques des deux farines ne sont pas les mêmes et la farine de manioc ne contient pas de gluten. Mais ceci ne devrait pas être un handicap pour l’utilisation de la farine de manioc dans la panification, car de nombreuses personnes souffrent d’intolérance au gluten et n’arrivent pas à digérer des aliments à base de blé. La consommation du pain fait à base du manioc est donc une réelle alternative pour ces personnes, car le manioc ne contient pas de gluten. De plus, la farine de manioc vient d’une production locale et son utilisation dans la panification va positivement impacter tous les acteurs de sa chaîne de valeur. Il n’y a donc pas à faire de comparaison en termes de qualités organoleptiques avec le pain à base de blé, le plus important est que nous devons assumer la consommation du pain à base du manioc. Je suis dans la recherche et je sais que beaucoup de personnes en Afrique travaillent à faire de l’incorporation, à trouver une proportion où on peut mélanger un peu de farine de blé avec un peu de farine de manioc afin d’avoir un pain, qui se rapproche un peu du pain à base du blé. Nous devons expliquer à la population que le pain que nous sommes en train de proposer est un pain à base de manioc. Il est important d’assumer cela et de montrer que ce manioc vient de la production locale. La valorisation du manioc, la production du pain de manioc passe obligatoirement par le fait que les Africains doivent accepter une fois pour toutes la consommation du pain à base du manioc, en se mettant dans la tête que ce qu’ils consomment est une production locale.
 

*Quels sont les avantages d’une telle option pour un pays comme le Bénin ?*

Aujourd’hui, nous avons des entrepreneurs et nous avons une technologie qui a été éprouvée et qui est disponible. Mais il y a une contrainte, c’est la production de la matière première. Il est important que les gens produisent beaucoup plus la matière première. La disponibilité de cette matière première permettra qu’on ait dans les supermarchés, et dans les grandes boutiques du Bénin, des sacs de la farine panifiable à base de manioc.  Cette option est celle de l’avenir très proche. Vous le savez avec tout ce qui se passe en Ukraine aujourd’hui, la farine de blé a doublé de coût.  Si cette crise continue, soit on changera de grammage du pain, soit on augmentera encore le prix. À mon avis, il est important qu’à l’heure actuelle, la population soit éduquée à consommer un produit dérivé issu de notre production locale. Cela va nous permettre vraiment d’avoir du pain en grande quantité et du pain d’une matière première que nous connaissons.

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*Que fait votre Ong Food for All dans ce sens ?*

Avec notre Ong Food for All, mais également les structures avec lesquelles nous travaillons, nous avons commencé par effectuer des recherches qui nous ont amenés à choisir les principales variétés du manioc qui sont produites au Bénin. À partir de chaque variété, nous avons identifié le meilleur procédé pour avoir la farine panifiable. Cette étape nous a permis d’identifier les goulots d’étranglement que nous pouvons avoir au niveau des opérations unitaires du procédé de transformation du manioc en farine panifiable. Pour moi, avant d’aller dans la production du pain, il faut de la farine. La première étape, sur laquelle, nous avons sérieusement travaillé, c’est de trouver le meilleur procédé pour avoir une farine panifiable de meilleure qualité et en grande quantité pour des productions industrielles. À l’issue de ces recherches, nous avons aujourd’hui, un très bon procédé qui donne un très bon rendement. Avec ce procédé et ce rendement, nous avons également identifié les équipements dont les entrepreneurs ont besoin pour se lancer dans la production industrielle de cette farine. Tous ces éléments seront utiles à tous les entrepreneurs qui vont décider de se lancer dans la production de la farine panifiable de manioc. Que ce soient les boulangers, les pâtissiers, et tous ceux qui ont besoin d’utiliser la farine panifiable, pour faire des produits dérivés, je peux d’ores et déjà les rassurer. Au-delà du manioc, nous travaillons aussi sur la farine de « Fruit à pain », communément appelé « blèfoutou » qui peut aussi fournir une farine panifiable de très bonne qualité.

*Un message à l’endroit de la population et des dirigeants*

Je vais demander à tous ceux qui me lisent qu’il faut qu’on assume la consommation du pain fait à base de manioc. Chaque consommateur doit être fier de demander des produits à base de farine de manioc à nos boulangers, à nos pâtissiers et à tous ceux qui sont dans la transformation d’un certain nombre de produits faits à base de la farine. Il faut que ceux qui me lisent aillent chez le boulanger demain matin et disent qu’ils veulent du pain fait à base de farine de manioc, cela va créer un engouement autour de la farine panifiable de manioc. Ce faisant, vous verrez que d’ici quelques années cela va rentrer définitivement dans notre sociologie et dans nos habitudes alimentaires.
Je leur dirai, qu’il faut un programme de changement de comportement par rapport à la consommation locale. Pour que cela marche, il faut faciliter l’importation des équipements pour permettre aux entrepreneurs d’avoir ce qu’il faut pour faire une production à grande échelle.
Il y a des structures qui offrent des facilités aux agriculteurs par rapport aux tracteurs et aux équipements de production agricole. Il faut que cela soit le cas aussi pour les équipements de transformation agroalimentaire.

Réalisation : L.T.

SWEDD

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