Présidentielle de 2026 au Bénin : Talon, le signe « losso-médji » plane sur sa succession
Au bout des lèvres, 2026. Une année électorale de tous les enjeux pour les différentes sensibilités politiques au Bénin. Au-delà des législatives et communales, l’élection majeure reste la présidentielle. Ici, le fauteuil est unique. Il ne s’agit pas d’un banc sur lequel, une foule pourra s’asseoir. Dans le système politique béninois, l’hyper présidentialisation de l’État renforce encore plus les appétits et nourrit les convoitises. Incarnation du pouvoir d’État, le président de la République, quoi qu’on dise, reste l’épicentre du jeu des acteurs politiques et institutionnels. Et cette réalité, les acteurs politiques en sont conscients.
C’est d’ailleurs la raison pour laquelle, à chaque fin de cycle, la mouvance veut conserver le pouvoir et l’opposition veut le conquérir. C’est ici que tout se joue. L’histoire politique récente du Bénin est riche d’enseignements sur la question. En 2026, le Président de la République, Patrice Talon fera ses adieux à la fonction présidentielle. La fin d’un second mandat de 5 ans qui n’est nullement synonyme de la fin d’un système politique. Rupture, nouveau départ, Bénin révélé…
Ces mots et expressions resteront à jamais dans les consciences des Béninois comme étant des indicateurs du système politique et du modèle de gouvernance prônés par Patrice Talon. Suivant une logique politique, Patrice Talon ne serait pas disposé à plier bagage sans avoir son mot à dire quant à sa succession. Deux motifs justifient ce choix. D’abord, la sécurisation des acquis de sa gouvernance. Et, l’épopée matérielle de la réforme du système partisan à laquelle il tient si tant avec des grands partis politiques désormais présents sur l’échiquier et qui portent son pouvoir. Mais la succession de Talon ne sera pas un tournant facile à négocier.
L’après-Talon, des risques
Il n’y a rien de plus embarrassant pour un Chef d’État que sa succession. Eh bien, prêt ou pas prêt, le jeu démocratique et les règles constitutionnelles finissent par s’imposer. Les Chefs d’État le savent aussi. Quand bien même il reste focus sur les défis de développement, le président de la République, Patrice Talon ne peut totalement ignorer le tournant de 2026.
Une question assurément embarrassante face à l’envie plurielle notée au sein de la mouvance. Quatre (4) noms émergent pour le moment du lot : l’ami personnel du chef de l’État Olivier Boko ; le neveu et conseiller spécial du Chef de l’État Johannes Dagnon ; l’ancien garde des Sceaux, ancien président de la Cour constitutionnelle, président du parti de la mouvance présidentielle et avocat personnel du Chef de l’État, Joseph Djogbénou ; et l’actuel ministre des Finances Romuald Wadagni. Un quatuor redoutable en raison des relations privilégiées que Patrice Talon entretient avec chacun de ses membres.
Aux plans politique et socioprofessionnel, Olivier Boko, Joseph Djogbénou, Johannes Dagnon et Romuald Wadagni ont joué, chacun en ce qui le concerne, des rôles sensibles pour Patrice Talon. Dans la conquête et la gestion du pouvoir d’État ainsi que dans la construction de l’empire Talon dans le monde des affaires, ces quatre personnages étaient là, se tenant bien à côté de Patrice Talon. Tous nourrissent des ambitions et lorgnent le fauteuil douillet de la magistrature suprême. Tous réclament à raison avec des arguments variés, le titre d’héritier naturel du Président Patrice Talon. Chacun d’eux attend aussi qu’en signe de retour d’ascenseur, le président de la République Patrice Talon le désigne officiellement comme le dauphin légitime.
Mais ce n’est pas un banc. Une seule personne aura la grâce de succéder à Patrice Talon à la fin de son second mandat en 2026. Qui choisir ? Qui laisser ? Un dilemme d’autant plus que le choix de l’un des quatre présente des risques évidents de césure et d’implosion au sein de la mouvance. Frustrations, colère, rébellion, révolte, mésentente, désobéissance sont des épreuves qui attendent la mouvance présidentielle suite à un choix de dauphin légitime par le Président Talon en 2026.
Le syndrome Yayi n’est donc pas loin. En 2016, quand le président Boni Yayi, arrivé en fin de mandat désignait Lionel Zinsou comme son dauphin, la débandade s’est emparée de la mouvance présidentielle. Cette crise a d’une façon ou d’une autre profité aux candidats concurrents. La suite, le parti au pouvoir a perdu le pouvoir, Patrice Talon de l’opposition a pris la succession de Boni Yayi. Ce scénario rôde autour de la rupture à travers le signe losso-médji, signe de science de la géomancie Fâ qui enseigne qu’on peut bien avoir la farine de maïs et manquer de pâte.
Le signe losso-médji plane donc sur la succession de Patrice Talon. Le Président devra travailler à porter son choix sur un dauphin qui, à défaut de faire l’unanimité, doit au moins faire consensus afin de préserver les acquis de la Rupture. Aujourd’hui, le pouvoir est dans un camp, mais il pourrait basculer si le tournant de la succession est mal négocié. Les personnes en possession de la farine de maïs pourraient ainsi ne plus avoir la pâte. Savoir gérer les ambitions présidentielles des uns, dissuader tel ou tel autre et pouvoir légitimer un candidat… C’est un poids devant l’histoire pour tout chef d’État.
Brivaël Klokpê Sogbovi