Journée internationale du bien-être: « Il nous impose de prendre soin de nous » dixit Annick Nonohou

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La journée internationale du Bien-être sera célébrée  demain 13 juin. À cette occasion, la présidente fondatrice du Réseau des Soignants Amis des Patients (Rsap-Bénin) Annick Nonohou nous a accordé une interview. Elle nous parle ici de ce qu’est le bien-être, de ses différents aspects et des actions que son réseau mène dans ce sens. L’ancienne surveillante générale du Chu-Mel profite pour lancer un appel aux populations et aux décideurs.

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Le Potentiel : Demain 13 juin sera la journée mondiale du ‘’Bien-être’’. En tant que sage-femme juriste et  défenseur des droits des patients en milieu sanitaire, quel sens donnez-vous au ‘’Bien-être’’ ?

 

Annick Nonohou : Le bien-être est un état de quiétude pouvant varier selon les situations. Il regroupe un ensemble d’éléments dont une bonne santé, le bonheur et la prospérité. Il nous impose de prendre soin de nous en tenant compte de 4 aspects fondamentaux à savoir : l’aspect physique qui regroupe déjà la santé, la nutrition, le sport, la danse, l’aspect mental qui repose sur la visualisation, la lecture, le positivisme, l’aspect socio-émotionnel lié à une bonne relation, une réussite et la satisfaction. Il y a enfin l’aspect spirituel reposant sur les prières, la médiation, les louanges.

Il est à préciser que l’objectif de développement durable (Odd) N°3 et la définition de la santé par l’Organisation Mondiale de la Santé prouvent que le bien-être et la santé sont intimement liés. Malheureusement, le bien-être est en déclin  et plus particulièrement en milieu sanitaire.

Selon vous, pourquoi on ne parle pas souvent de cette journée comme la journée mondiale du Paludisme ou du Sida ?

 

On ne parle pas souvent de cette journée parce qu’elle est méconnue du grand public du fait qu’elle n’est pas spécifiquement liée à une pathologie grave  suscitant une lutte financée par les partenaires techniques et financiers (Ptf).

Quelle différence peut-on faire entre quelqu’un qui a le ‘’Bien-être’’ et celui qui est ‘’bien-portant’ ?

Celui qui a le bien-être est une personne qui jouit des différents aspects relatifs à une vie heureuse, alors que le bien-portant  est une personne apparemment saine, donc probablement en bonne santé.

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Dites-nous pourquoi la promotion de l’éducation prénatale naturelle, la réalisation du projet de naissance qui sont des outils efficaces pour prévenir les violences et pour assurer le bien-être ne sont pas une réalité dans le système de santé béninois ?

Ce constat est lié au fait que l’éducation prénatale naturelle est une réalité qui émerge des recherches scientifiques et psychologiques actuelles. Les résultats de ces recherches ont prouvé que le fœtus est un être sensitif et sensible. Ses cellules s’informent en même temps qu’elles se forment. Ainsi, l’enfant prénatale construit les bases de sa santé, de son affectivité, de ses capacités relationnelles, de son intelligence, voire de sa créativité. Les futurs parents informés du pouvoir formateur peuvent donner à leurs enfants des éléments physiques et psychiques de qualité pour développer le meilleur de son capital génétique. Cette information capitale devrait être donnée aux parents durant le premier entretien prénatal précoce et suscitera la réalisation d’un projet de naissance centré sur les désirs et les préférences de  la parturiente et du conjoint pour la modélisation d’un accouchement heureux et respectueux. Malheureusement, au Bénin, par défaut de législation, la démocratie sanitaire n’est pas d’actualité et les modèles patriarcaux, paternalistes ou terroristes des soins favorisent la persistance de l’application des normes historiques nuisibles pour la santé. Et les pratiques humanistes garantissant le droit à la sécurité et à la vie sont alors ignorées.

Bien que les violences en milieu sanitaire soient source de mal-être pour la mère  et le nouveau-né, elles sont récurrentes en Afrique. Énumérez-nous alors celles qui sont fréquentes au Bénin.

Celles qui sont fréquentes au Bénin sont : le refus d’admission du conjoint en salle de consultation prénatale et de naissance empêchant la gestante de jouir de son assistance, l’interdiction de jouissance des droits et libertés individuelles (liberté de boire, de manger, la liberté de position, de déambuler, d’émettre une opinion, la liberté de religion…) de la parturiente, le non-usage des astuces soulageant la douleur durant le travail d’accouchement (psychophonie, haptonomie, ballon, miroir, massage, musique, danse, rire, liane, échelle, chaise bascule), l’acharnement thérapeutique (surmédicalisation), mécanisation à outrance des accouchements, l’absence de collaboration entre le soignant, la patiente et sa famille (asymétrie de pouvoir), refus d’admission des urgences obstétricales (renvoi des gestantes ou manque de place), absence de traçabilité du projet de naissance dans le dossier obstétrical, défaut de récupération du journal d’accouchement (opinion de l’accouchée et de son conjoint sur les soins obstétricaux reçus), l’isolement du nouveau-né de la mère et du père (bébé envoyé systématiquement en néonatologie), prise du nouveau-né par les pieds avec tête en bas lors de l’accouchement  (position inconfortable  très dangereuse), l’imposition de la position gynécologique bien qu’elle soit dangereuse, les épisiotomies inutiles réalisées sans consentement, les césariennes abusives ou de convenance, les accouchements violents par voie basse (ocytocine artificielle, expressions abdominales, dégagements forcés, application de forceps), les maltraitances physiques, verbales, psychologiques, environnementales, religieuses, financières puis la non-reconnaissance de l’agentivité reproductive   des femmes.

Au sein du Rsap, vous vous battez pour l’élimination et la prévention des violences en milieu sanitaire. Quelles actions menez-vous concrètement pour le bien-être des femmes et des enfants dans les hôpitaux ? 

Comme actions, nous pouvons citer la formation certifiante des professionnels de santé parajuristes en promotion du droit de la santé en Afrique, la consultance bénévole et le coaching des membres des sociétés savantes de gynécologie obstétrique et des organisations socioprofessionnelles régionales et internationales de sage-femme sur la démocratie sanitaire, l’humanisation des soins et la prévention des violences obstétricales.

Nous œuvrons pour la mise en place et l’animation  des comités de protection des droits des patients, de promotion de l’humanisation des soins et des groupes de travail spécifique pour l’implémentation du modèle humaniste des soins et la promotion de la démocratie sanitaire, les plaidoyers pour la mise en œuvre de politiques claires sur les droits des femmes et les accouchements respectueux. Il y a également les campagnes de sensibilisation à  travers les médias nationaux et internationaux, la diffusion de bonnes pratiques professionnelles humanistes lors des congrès nationaux et internationaux, le renforcement de capacités des débiteurs et des détenteurs de droits sur les pratiques novatrices humanistes, le repérage, le rapportage des pratiques irrespectueuses, des traitements inhumains, dégradants et des typologies de violence, l’animation de séances d’information, éducation, communication sur des plateformes numériques régionales (Yes démocratie sanitaire, Rsap scientifique) et nationaux (Rsap Info et Voix des usagers) sans oublier les actions menées en communauté : les classes communautaires, le suivi des interventions des responsables de cellules de communication, la remise de dons aux femmes vulnérables et la distinction des professionnels activistes et modèles en humanisation des soins, en protection des droits des patientes. En dehors de tout cela, nous veillons à la vulgarisation des droits et devoirs, à la documentation, à l’exploitation de la voix des usagers,  etc. Nous organisons aussi des séances de tourisme médical d’expertise professionnel en Afrique francophone.

Quels appels avez-vous à lancer aux Béninois afin que le bien-être en milieu sanitaire soit une réalité ?

Nous exhortons les différents acteurs de l’État à jouer leur partition afin qu’une politique d’accouchement respectueux fondé sur le respect des droits humains soit clairement définie. Quant à la société civile, aux individus, familles et communautés, qu’ils militent pour  la prise de lois spécifiques sur la démocratie sanitaire sur  les droits des patients et la qualité du système de santé et sur la santé maternelle, néonatale infantile ; afin que les patientes deviennent actrices de leur propre santé. Aux parturientes et à leurs conjoints, nous leur demandons d’exiger le respect de leurs droits en milieu de soins.

Transcription : Louis Tossavi

SWEDD

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