Jean-Michel Abimbola sur la restitution d’œuvres d’art au Bénin: «C’est une étape décisive dans la mise en œuvre du PAG»

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Après plus d’un siècle passé dans les collections françaises, 26 œuvres d’art des trésors royaux du Bénin, exposées du 26 octobre 2021 au 31 octobre 2021 au musée du Quai Branly à Paris, retrouveront la terre de leurs ancêtres. A la faveur d’une cérémonie fort simple, le président français a inauguré l’exposition. Emmanuel Macron a à cette occasion, confirmé que l’acte de transfert de propriété sera signé le 9 novembre prochain à l’Élysée, en présence du président béninois Patrice Talon et les pièces seront transférées à Cotonou. Pour faire comprendre les enjeux de cette restitution, la politique touristique du Bénin et les préparatifs du côté béninois, le ministre en charge de la Culture, Jean-Michel Abimbola, également présent à Paris avec son collègue des affaires étrangères Aurélien Agbénonci, s’est prêté aux questions des médias dont les chaînes de télévision TV5 Monde, Africa 24 et la Radio France internationale (Rfi). Lisez plutôt.

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Monsieur le ministre, vous avez assisté à la cérémonie de restitution des biens culturels au Musée du Quai Branly à Paris. Comment l’avez-vous vécu ?

Jean-Michel Abimbola : Il faut dire sans galvauder le mot, c’est un moment historique parce que nous avons un président visionnaire qui a rencontré un président courageux. Je veux parler du Président Patrice Talon et du Président Emmanuel Macron. Et ça a donné ce que nous n’avons jamais projeté même si nous le souhaitions depuis longtemps. Ça fait plus de 60 ans que des Africains réclament la restitution d’œuvres d’Afrique. En 2016, Le Président Talon fraichement élu a formalisé immédiatement une demande de restitution à l’endroit de la France parce que ça fait partie du Programme d’actions de son Gouvernement. Le Bénin a d’abord essuyé un refus puis une fin de non-recevoir. A la faveur de l’arrivée du Président Emmanuel Macron au pouvoir, cette demande a été renouvelée et nous en sommes là à vivre ce que beaucoup d’intellectuels africains ne pensaient pas vivre. Nous venons d’amorcer une dynamique qui ne va plus s’arrêter, une dynamique qui va permettre à l’Afrique de se réapproprier son histoire, son patrimoine et surtout à la jeunesse africaine de pouvoir internaliser cette culture et de pouvoir contribuer bien évidement aussi bien sur le continent qu’à l’international.

Qu’est-ce que représente cette restitution pour la population béninoise ?
C’est une étape dans la réappropriation de la culture béninoise, du patrimoine béninois, dans le fait de mettre la culture, l’art, et le patrimoine au cœur de notre développement. La requête pour la restitution des œuvres, ce n’est pas seulement sur une question de principe, c’est parce que c’est une question de développement, une question de coopération et que ces œuvres vont servir d’amorce et de pompe pour révéler le Bénin au monde, donc c’est une étape décisive dans la mise en œuvre du programme d’action du gouvernement béninois.

Vous avez parlé d’amorce. Est-ce que le processus va continuer parce qu’il se dit que beaucoup d’autres œuvres d’art béninois et pas des moins, par exemple, la sculpture du dieu Ogou, ne font pas partie des 26 œuvres ? Est-ce que dans l’avenir, on peut s’attendre à la restitution de ces œuvres ? Est-ce que l’inventaire a été mal fait ou bien c’est la France qui a décidé de retourner des œuvres qu’elle estime ne sont pas très importantes ?

Je pense qu’il faut qu’on comprenne que la démarche qui est en cours, est une démarche bilatérale entre la France et le Bénin dans le cadre de la coopération culturelle et patrimoniale. Nous allons continuer de discuter avec la partie française. Nous avons signé avec la France un document que nous appelons le Programme de travail commun, dans lequel il est prévu un inventaire de ces différentes œuvres pour qu’on connaisse le statut de chaque œuvre. Toutes les œuvres béninoises ou africaines, qui existent dans les musées publics en France, ne sont pas forcément des œuvres illégitimes. Alors la question, c’est : pourquoi 26 œuvres alors qu’on peut en trouver surement pas moins de 10 mille ? 26 œuvres parce que ça correspond exactement au don qui a été fait par le Général Dodds à son retour en France après la guerre avec le royaume d’Abomey. Mais cela ne constitue pas la totalité des œuvres qui se trouvent dans les collections françaises. Et ça ne correspond non plus à la fin du souhait du Gouvernement du Bénin de récupérer d’autres œuvres. Vous avez parlé du dieu Ogou qui est une œuvre assez singulière et assez symbolique. Nous continuerons de discuter avec la partie française. Mais comme vous l’avez dit dans l’introduction, nous récupérons également parmi les 26 œuvres des trônes royaux, ce ne sont pas des œuvres ordinaires ou sans intérêt. Nous allons continuer cette démarche. Vous savez que nous avons amorcé une pompe puisqu’à la suite du Bénin, d’autres pays le Sénégal, la Côte-d’Ivoire, le Nigéria sont également concernés. Nous sommes désormais dans le sens de l’histoire, et personne ne pourra retenir ce déroulé de l’histoire.

Avez-vous formulé d’autres demandes de restitution à la France ?
Nous n’avions pas formulé de façon spécifique la demande de restitution pour les 26 œuvres, nous avons formulé une demande de portée générale. Nous avons réclamé, nous avons souhaité, et ça a été acté dans le programme de travail commun, un inventaire pour que nous soyons de part et d’autre mieux informés et voir comment nous pouvons programmer la poursuite de cette coopération. Nous continuons de discuter avec la partie française et nous ne désespérons pas de trouver des accords dans les prochains mois, dans les prochaines années. Pas seulement pour le dieu Ogou, mais y compris pour d’autres pièces. Vous savez bien qu’il ne s’agit pas de 26 œuvres ou de 30 ou de 50, nous sommes bien au-delà, mais nous avancerons de façon intelligente avec nos partenaires français. Après avoir discuté ensemble, je crois que nous pourrons évidemment poursuivre cette politique qui est historique et c’est le lieu de féliciter le président Patrice Talon et bien évidemment le président Emmanuel Macron.

L’acte de restitution sera signé entre les deux présidents Macron et Talon, qu’est-ce qui est prévu au Bénin, dès l’arrivée des œuvres ?

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L’acte de transfert de propriété sera signé le 9 novembre en présence de deux chefs d’État, ce ne sont pas les deux chefs d’État qui signent. Le lendemain, les œuvres prendront la direction de leur terre d’origine et nous allons les accueillir dignement. Mais je voudrais expliquer qu’il ne s’agit pas de morceaux de ferrailles, de papiers ou de bouts de bois que nous récupérons et que nous allons stocker. Il y a tout un protocole notamment, un temps d’acclimatation.

La question de la conservation est très importante.

Bien sûr ! Elle est même au cœur de tout ce que nous faisons. Les œuvres sont restées pendant plus de 129 ans dans les collections françaises. La question de la conservation au Bénin dans les mêmes conditions est donc très importante. Nous en parlons depuis 2016 et tout ceci a été préparé de façon sérieuse. On a hissé également le niveau de formation et de renforcement de capacités de nos professionnels. Nous avons renforcé et hissé à un certain niveau la législation chez nous au Bénin, le droit positif. Tout cela est fait pour que nous soyons dans les meilleures conditions pour l’accueil des œuvres. De l’aéroport de Cotonou, elles iront directement à la Présidence de la République où elles seront nationalisées et intégrées dans le patrimoine national. Et le symbole fort, c’est d’être à la Présidence de la République où il va y avoir une exposition après le temps d’acclimatation. Et on va permettre aux Béninois et à l’ensemble des visiteurs de venir constater au sein de ce qui symbolise notre nation, le retour de ces œuvres.

C’est le lancement d’une véritable politique touristique alors…

Absolument, le Gouvernement du Bénin dans son Programme d’actions a principalement deux (2) piliers pour soutenir l’économie et créer la richesse et l’emploi. C’est l’agriculture d’une part, et la culture, le tourisme et les arts d’autre part. Nous avons à cet effet, la bagatelle d’un milliard d’euros investis dans ce programme en matière d’infrastructures touristiques, muséales et patrimoniales. Nous avons 4 musées que nous construisons. Nous avons le Musée international de la mémoire et de l’esclavage (MIME) à Ouidah à côté de la Maison du gouverneur dans le Fort portugais ; le Musée de l’épopée des amazones et des rois du Danhomè à Abomey (MEARD) ; le Musée Vodun Orisha à Porto-Novo et la construction du Musée des arts contemporains.

Votre politique n’est donc pas basée uniquement sur le retour des œuvres culturelles

Pas du tout. Nous sommes en train de mettre la stratégie en place pour densifier et structurer l’offre touristique, culturelle et patrimoniale du Bénin. Le Bénin compte bien prendre toute sa place parce que notre pays a des choses à donner au monde et veut bien se révéler aux Béninois, aux Africains et au monde.

Rose H.

SWEDD

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